– Depuis quand ces femmes et ces enfants sont à la rue ? Combien sont-elles/ils ? D’où viennent-elles/ils ?
Certaines femmes sont à la rue depuis des mois, d’autres depuis quelques jours, la majorité y est depuis 4 à 8 mois. Une grande partie de ces femmes et enfants viennent d’Afrique de l’ouest. Plusieurs femmes sont seules, d’autres avec plusieurs enfants. Le statut de ces femmes est très divers, certaines sont françaises ou ont un titre de séjour, d’autres sont sans-papiers, d’autres ont été déboutées du droit d’asile ou dublinées (les migrants doivent déposer leur demande d’asile dans le pays qui les a contrôlés en premier. C’est le règlement dit « de Dublin »). Celles déboutées du droit d’asile ne peuvent donc plus bénéficier d’un hébergement du Centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) (l’établissement spécialisé pour l’hébergement des demandeurs d’asile durant le temps d’examen de leur demande), d’autres ont été expulsées du domicile qu’elles occupaient. Il y a une cinquantaine de femmes et enfants. Certaines ont des conjoints mais qui ne sont quasiment jamais présents la journée car ils essaient d’aller gagner un peu d’argent. Le collectif est très mouvant. Des femmes sont hébergées, d’autres arrivent… Il n’y a eu aucun hébergement au titre du 115 pendant des mois (le 115 est le numéro d’urgence sociale. L’appel y est gratuit mais souvent la plateforme d’appel est saturée. On peut donc patienter pendant de très longues minutes pour apprendre qu’aucune place n’est disponible) ; cette semaine seule une dizaine d’entre elles ont eu des propositions d’hébergement par le 115.
– Comment s’est passée la "mise à l’abri au sein de l’hôpital" cet hiver ? Comment s’est organisée la solidarité à leur égard ? Par qui ?
Cet hiver, les femmes et les enfants ont été autorisés à dormir dans le hall de la maternité avec des horaires strictes qu’elles respectaient, ainsi que le respect du lieu… Parfois elles y étaient dirigées par le 115.
Les agents hospitaliers, de manière individuelle les ont aidées occasionnellement.
Le contact a été établi par une sage-femme et un dialogue quotidien avec ces femmes et les enfants s’est noué. Ils la connaissaient tous d’autant qu’elle est la seule à s’être vraiment mobilisée vis à vis de cette situation.
Comment s’est déroulée la fin de leur mise à l’abri ? Qui en a pris l’initiative ? A quel moment ?
A la fin de la trêve hivernale, l’hôpital leur a fermé les portes, sans préavis.
Le syndicat SUD a réagi par un courrier, et une pétition a circulé au sein des agents de la maternité (près de 100 signatures) et a été remise au directeur de l’hôpital. Nous n’avons eu aucun retour de la part de la direction de l’hôpital. Les femmes, très désemparées, sont restées ensemble car groupées elles avaient moins peur et se sont installées les premières nuits devant les urgences centrales de Delafontaine.
C’est de cette manière que s’est formé le Collectif car elles se sont rendues compte qu’à plusieurs elles seraient plus fortes. Elles bénéficient actuellement d’un soutien logistique de notre part.
– Depuis la fin de "cette mise à l’abri" que s’est-il passé ? De quelle aide bénéficient-elles ?
Les femmes se retrouvent la journée mais avec des horaires strictes, à l’accueil de jour de l’association « l’Amicale du nid » où elles peuvent laver leur linge, se doucher, bénéficier de repas. Cela est beaucoup plus compliqué le week-end et en soirée pour la nourriture. Les Restos du cœur passaient tous les soirs mais c’est devenu plus aléatoire et nous essayons de relancer cette aide. Il semble que certaines personnes du quartier déposent parfois de la nourriture. Le personnel de l’hôpital donne parfois les repas en barquettes qui, à défaut, seraient jetés.
Les femmes seules ont accès à 3 nuits à la halte de nuit (ouverte à Saint-Denis en 2023) et les femmes avec enfants 1 nuit par semaine, mais cela est très inconfortable (juste des fauteuils), c’est bruyant, il n’y a pas de repas possible et plusieurs d’entre elles m’ont dit y être « tombées malades ».
Comment s’organise leur soutien ?
Le soutien des agents est inégal, sans s’impliquer dans la durée. Le collectif lui se réunit une fois par semaine. Le DAL (Droit au logement) tient des permanences sur le DAHO (Droit à l’hébergement opposable garanti par l’État si la personne n’a pas reçu de réponse adaptée à sa demande d’hébergement) et soutient le collectif. La première demande des femmes c’est bien sûr l’hébergement, la mise à l’abri mais elles sont également très en demande d’un suivi social, celui-ci est primordial pour l’aide à obtenir un hébergement et en être privé accentue leur sentiment d’invisibilité et de n’être rien. On a frappé a beaucoup de portes mais impossible de trouver des travailleurs sociaux qui pourraient les suivre.
Le CCAS (Centre communal d’action sociale) de Saint-Denis refuse ce suivi car ces femmes « n’habitent pas à Saint-Denis »…
Médecins du Monde en revanche a répondu présent et leur équipe est d’un très grand soutien pour faire des domiciliations, débrouiller des dossiers complexes, certains accompagnements des femmes dans des situations particulières (problèmes de santé,) mais ils n’ont pas pour mission de faire de l’accompagnement social, mais ils sont très actifs pour aider le collectif dans la recherche de partenaires associatifs.
– Quelles perspectives à ce jour ?
Nous allons continuer nos actions pour faire connaitre cette situation, une page Facebook vient d’être créée.
Nous poursuivons notre travail de recherche de partenaires associatifs pour répondre aux besoins essentiels. Interpeller les décideurs reste indispensable, à ce sujet le député Stéphane Peu a rencontré les femmes du collectif la semaine dernière et a alerté par courrierle préfet de la SeineSaint-Denis, le préfet de Région et la ministre déléguée en charge des droits des femmes Aurore Bergé.
Actuellement, les femmes restent éparpillées la nuit à divers endroits de Saint-Denis (gare, parcs, en proximité du marché, …), d’autres restent à Delafontaine. Cette situation ne peut plus durer.