Commençons pour éviter tout procès d’intention ou réflexe pavlovien à affirmer ici avec force la condamnation de toute agression à l’encontre des forces de police. Le respect des personnes ne se divise pas, tout comme le respect du droit.
Toute agression, toute violence est condamnable et doit être condamnée sans réserve. Il en va de l’Etat de droit et par là même de la légitimité, si besoin est, d’utiliser la violence par les forces de l’ordre quand il s’agit de défendre le droit et en particulier les citoyens.
C’est fort de cette position de principe qui seule peut assurer la paix publique qu’on est aussi en droit de se poser un certain nombre de questions. Elles sont de différentes natures.
La dictature de l’instant
D’abord on pourra s’étonner du rôle que joue les réseaux sociaux dans ce genre d’affaire et de leur utilisation.
Ainsi, si une réaction immédiate de l’élue en charge de la sécurité et de la tranquillité publique en soutien à ses agents est tout fait normale, (on ne comprendrait pas son silence), est-il nécessaire pour une maire adjointe que cela prenne la forme du relais immédiat d’un compte Facebook intitulé Soutien aux forces de l’ordre titrant :
Saint-Denis : Deux motards de la police lynchés ce soir par une dizaine d’individus.
Un peu de recul de la part d’une élue, adjointe au maire, ne peut nuire d’autant que le même compte Facebook revenait sur cet événement plus tard en titrant :
Saint-Denis : Des policiers municipaux frappés par une dizaine d’individus.
Quant à BFM TV dont chacun sait que ce n’est pas le média mainstream de la galaxie gauchiste il titrait de son côté :
Des policiers municipaux pris à partie par une dizaine de personnes.
Ne vaut-il pas mieux, outre un rapide et compréhensible post de soutien aux agents, dans ce genre de situation s’en remettre à un communiqué rédigé en bonne et due forme par la municipalité sur le site de la ville et sur le Facebook de la ville plutôt que de céder à la dictature de l’instant en substituant à une communication responsable et mesurée le titre d’un compte Facebook dont nous nous contenterons de dire qu’il est juge et partie, partial et partisan.
Le soutien aux forces de police rappelons-le n’est pas inconditionnel, ne peut-être inconditionnel.
Là encore, ce n’est pas un quelconque gauchiste anti-flic qui le dit mais l’avocat pénaliste Laurent-Franck Liénard, spécialisée dans la défense de policiers mis en cause dans l’exercice de leur métier et « qui s’est toujours déclaré hostile à toute modification de la loi de 2017 visant à assouplir les conditions d’ouverture de feu et se dit farouchement opposé à la « présomption de légitime défense » pour les forces de l’ordre, portée par certains syndicats et relayés par Marine Le Pen ou Valérie Pécresse pendant la campagne présidentielle » comme le rapporte un article du Monde paru ce même 21 juin.
Il ajoute dans le même article et cela fait écho aux derniers événements dramatiques survenus à Paris sur le Pont-Neuf et dans le 18 ème arrondissement :
« En 2017, on a libéré le tir sur les véhicules et leur nombre a explosé. Ça a désinhibé les policiers, qui se sont mis à tirer plus vite et plus souvent. »
On le voit là aussi le recul, l’analyse des faits ne peut nuire.
Une communication maîtrisée non plus. De policiers lynchés , puis frappés puis pris à partie au final il s’avère qu’aucun n’est blessé. Des syndicalistes grognon ou des délégués du personnel pourraient s’inquiéter quand même qu’après cette agression qu’ils aient si vite été remis sur le terrain. Classique : le syndicaliste ou le délégué du personnel est par définition grognon.
Premier enseignement à tirer : communiquer sur Facebook demande un peu de recul sauf à faire fausse route. Il semble bien que cela soit confirmé à l’image aussi d’un post d’une collègue de Mme Voralek, Mme Temel qui, suite à un incident lors d’une sortie à la mer d’enfants de l’école Victor Hugo, publie un post rageur, relayé sur le Facebook du maire et d’autres élus, puis le supprime ainsi que tous les commentaires et en publie un second pour expliquer qu’elle a voulu aller vite pour pas qu’on croie que… patati patata… patatras.
Une politique d’intervention assumée par le maire dans un cadre flou
Le maire a eu lui un peu plus de temps pour réagir dans l’article du Parisien. Et il précise la nature des faits par ce qu’il appelle « une tentative de guet-apens et de lynchage ».
Plus de lynchage donc. Une double tentative. De guet-apens et de lynchage. Une tentative donc un échec.
Voilà donc pour "les faits" établis par le maire avec un peu de recul.
Ce qu’on ne sait pas c’est le motif de leur présence. BFM TV indique que "les deux policiers voulaient procéder à un contrôle d’identité de deux individus."
Pour le média 20 minutes : "Les faits se sont déroulés alors que les deux agents, accompagnés de collègues de la Brigade spécialisée de terrain (BST) venaient de verbaliser un guetteur à vélo."
Le maire ne parle pas de cela et à l’heure où nous écrivons il n’y a toujours pas de communiqué officiel de la municipalité, ni sur le site de la ville, ni sur le Facebook de la ville.
Alors que faisait là uniquement deux agents de la police municipale. Le maire a tant communiqué sur la dangerosité du quartier Péri en arborant en son sein un gilet pare-balles siglé de sa fonction qu’on ne comprend pas très bien leur présence isolée. S’agissait-il d’une opération conjointe avec la police nationale avec ce qui s’appellerait aujourd’hui une Brigade Territoriale de Contact (BTC qui ont remplacé les Brigades spécialisées de terrain (BST) ou les Brigade de soutien de quartier (BSQ) créées en 2017, anciennement « UTeQ » (unités territoriales de quartier) mais quoiqu’il en soit de l’appellation comment se fait-il là encore que les deux agents de la municipale se retrouvent seuls face à une dizaine d’individus.
Le Figaro relate le propos d’un membre de la BST : « Ils s’en sont pris à la police municipale en prenant soin d’attendre que nous ayons quitté les lieux et mis fin à notre service. Ils connaissent nos horaires par cœur ».
Interrogé par le Parisien le seul élément d’explication avancé par le maire consiste à dire que "l’intervention de la police municipale dérange le trafic de stupéfiants".
Sans doute mais pour quel effet, quelle efficacité ?
Et là encore on est en droit de s’interroger sur l’absence de référence à des interventions conjointes des deux forces de police dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants dans la convention signée entre la police nationale et la police municipale(voir ci-dessous la convention).
Alors, pas de cadre explicite dans la convention, deux agents selon BM TV "procédant à un contrôle d’identité" sans en avoir légalement les compétences, "verbalisation d’un guetteur à vélo", la police nationale dont la lutte contre le trafic de stupéfiants est de son ressort absente car elle aurait quitté le périmètre trop tôt ? Problème de coordination opérationnelle ? On n’en saura pas plus.
Bilan deux agents agressés, frappés, que le port d’un casque a protégé et heureusement sains et saufs.
Pour conclure, on réitérera avec force la condamnation de toute agression à l’encontre des forces de police. Le respect des personnes ne se divise pas, tout comme le respect du droit disions-nous en introduction du propos.
Il est aussi un droit, gage de démocratie, celui de s’interroger, de poser des questions ou tout simplement d’établir à tout le moins de chercher à établir la réalité des faits.
Ni la précipitation sur Facebook, ni les propos du maire dans la presse ne permettent ce vendredi 24 juin de répondre précisément à deux questions : pourquoi deux agents de la police municipale se retrouvent seuls au pied d’un point de deal et quelle était leur mission ?
Une dernière (question) complémentaire : quand cessera-t-on de traiter d’anti-flic ceux qui posent des questions ? N’est ce pas le rôle des citoyens ?