Incendie à Pablo Neruda. « Nous assumerons l’hébergement à la fin des prises en charge des assureurs, personne ne sera à la rue » indique Plaine Commune Habitat. De leur côté les habitants s’organisent et exigent la communication des rapports d’expertise. Etat des lieux une semaine après le sinistre.

, par La Rédac’

Trois incendies ont éclaté dans des immeubles dionysiens la semaine passée. Ils ont tous affecté plus ou moins gravement des logements, patrimoine de deux bailleurs sociaux, Plaine Commune Habitat et Logirep. Les deux premiers le 11 et 12 août dans le quartier Allende. Le dernier à Romain Rolland le 17 août. Heureusement aucun décès n’est à déplorer suite à ces sinistres. Le Blog de Saint-Denis a interrogé, pour faire le point ce 19 août, Bakary Soukouna, résident du quartier Allende, conseiller municipal d’opposition (Saint-Denis au coeur) et Jean-Marc Bourquin, administrateur de PCH et membre du DAL, tous deux accompagnent les habitants comme Christophe Durieux, conseiller municipal d’opposition (Saint-Denis au coeur) qui était lui aussi aux côtés des sinistrés.

Combien de personnes sont touchés par cet incendie ? Des blessés ? Quelle a été le rôle de la municipalité ? Qu’a-t-elle mis en place en matière d’urgence face à la situation et à court terme pour venir en aide aux habitants ? On lit beaucoup de propos très critiques sur les réseaux à son encontre, en direction des élus et de promesses non tenues ? Qu’en est-il très précisément ?
Trois ménages ont été pris en charge par le bailleur dès les premiers jours avant que ceux qui pouvaient en bénéficier fassent jouer leur contrat d’assurances. Des habitants ont trouvé aussi refuge dans l’urgence chez des amis. Au fur et à mesure le bailleur est confronté et surtout les habitants à la fin de leur prise en charge au titre de leur contrats d’assurance habitation. Aujourd’hui l’immeuble est condamné, c’est à dire 40 logements (répartis sur 10 étages) et l’accès aux appartements – pour ceux accessibles – se fait avec l’accompagnement d’un vigile. De 10 à 16 foyers ont sans doute été particulièrement impacté par l’incendie et en l’absence de transparence sur le bilan et les expertises, il est difficile d’avoir une idée très précise de la situation et du niveau de dégradation logement par logement. Quoi qu’il en soit des parties communes, escaliers, paliers, sont totalement « carbonisées » et on ne voit pas comment faire transiter des locataires par ces espaces pour accéder à des parties privatives. Des locataires qui en tout cas aujourd’hui sont très réticents à réinvestir l’immeuble sans garanties.
Peu à peu l’électricité est testée dans chaque appartement. Des locataires aujourd’hui qui ont trouvé refuge dans des hôtels sont en difficulté financière car ils doivent faire face à des dépenses quotidiennes de restauration car il n’est pas possible de cuisiner dans les lieux retenus pour l’hébergement. Certains se plaignent des conditions dans lesquelles ils sont hébergées, l’hôtel Formule 1, avenue Lénine fait l’objet de sévères récriminations.
Des blessés oui, par intoxication par les fumées qui ont été mises sous oxygène pendant plusieurs heures et une plus gravement (fracture de l’épaule).
Le Maire, Mathieu Hanotin et son adjoint Adrien Delacroix, président de PCH se sont rendus sur place et sont restés une dizaines de minutes auprès des habitants avant de repartir. La municipalité a fait des annonces mais n’a rien mis en place : ni mise à disposition d’un gymnase, ni proposition de mise en place d’une cellule psychologique. Les habitants ont dû se mobiliser par eux même pour obtenir des réponses et les prises en charges nécessaires par qui de droit. La municipalité a parlé d’ouvrir l’école Diez mais cela ne s’est jamais fait.
La direction de PCH était présente le jour de l’incendie. Elle a incité les locataires à appeler leurs assurances pour déclencher les hébergements dont la durée varie selon les contrats.

Quelle était l’attente première des habitants dans les heures et les jours qui ont suivis ?
L’hébergement et que va-t-il se passer après ? Deux réunions se sont tenues au pied de l’immeuble le mardi 13 au cours desquelles ont émergé de nombreuses questions.
Ce qui était frappant ce jour là c’est que les habitants se posaient des questions mais côté bailleur il n’y avait personne pour y répondre. Le personnel de proximité (gardien et responsable de secteur) étaient au contact des habitants, répondant aux questions élémentaires mais ils ne pouvaient répondre sur la situation du bâtiment, l’enquête des pompiers et le devenir des habitants. Chaque habitant était renvoyé à une gestion personnelle des rapports avec son assurance dans une situation très inégalitaire. Il n’y avait pas de lieu de regroupement, gymnase, école ou autre. Pas de lieu de solidarité, pas de soutien juridique.

Comment s’est organisée la solidarité avec les habitants sinistrés et entre les habitants ?
Lors de la réunion du mardi 13, au pied de l’immeuble, les habitants ont commencé à s’organiser avec la création d’un groupe Whatsapp, une liste des habitants, la durée des hébergements, l’identification des assureurs...
Le gardien et le responsable de secteur n’avaient pas d’informations sur la situation du bâtiment, la gestion de l’incendie et de l’enquête des pompiers, Les habitants ont décidé en délégation d’aller voir le bailleur au siège pour obtenir des réponses.
La réunion avec le bailleur s’est tenue le mercredi 14, en présence d’une vingtaine d’habitants.es, des deux élus d’opposition Christophe Durieux et Bakary Soukouna (Seine-Saint-Denis au coeur) et moi en tant qu’administrateur DAL (Droit au Logement) représentant des locataires à PCH. Le bailleur était représenté par 3 directeurs, Monsieur L. et Monsieur A., le futur directeur de l’agence nord Est et d’une salariée chargée des question sociales.
Une première interrogation a porté sur l’existence d’un protocole incendie à Plaine Commune Habitat. Les directeurs ont signalé qu’il était mis en œuvre depuis le début sur l’eau, l’électricité. La délégation a souligné le désarroi, le sentiment d’abandon des habitants confrontés à de multiples difficultés de la vie quotidienne bousculée par cette catastrophe. Il a été souligné que si un protocole technique existe, il est insuffisant pour tout ce qui concerne l’accompagnement des locataires. L’absence d’un référent PCH ayant suffisamment d’autorité pour répondre aux questions et prendre des décisions a été pointé.
Si le bailleur a donné des garanties sur les hébergements, il est apparu que sa préoccupation première était "la remise en route" rapide du bâtiment : eau, électricité, nettoyage avec comme objectif la réintégration des appartements. Il a été annoncé lors de la réunion que chaque locataire pourrait rentrer dans son logement alors que les nettoyages n’avaient pas encore eu lieu, qu’il n’y avait pas le feu vert des pompiers...
Or les habitants ne sont pas tout à fait dans le même état d’esprit. Le traumatisme est là. Ils se posent des questions sur la fiabilité de l’immeuble, sur les risques qu’ils prennent à y vivre.

La propagation de l’incendie par les façades de l’immeuble fait-il l’objet d’interrogations ? De la part des services techniques du bailleur ? Des services de sécurité, des pompiers ?
Ces bâtiment ont été construits dans le sillage de la politique des grands ensembles. Ils ont fait l’objet de différentes réhabilitations, la dernière en date a eu lieu au début des années 2000. Les façades ont été recouvertes par des tôles en aluminium et du polystyrène* (un isolant mais aussi un excellent combustible), les pompiers ont évoqué le rôle majeur des matériaux dans la propagation rapide du feu. Courant 2023, cet immeuble et d’autres ont fait l’objet de travaux sans concertation des habitants dont les charges et les loyers n’ont cessé d’augmenter ses dernières années. La façade a brûlée suite à l’incendie de l’appartement. Les pompiers ont du arracher le revêtement sur une partie de la surface. Les photos l’attestent. C’est le revêtement de toute la cité qui du coup s’avère dangereux pour tous les locataires de Pablo Neruda. La question a été posée lors de la réunion mais le bailleur n’a rien dit sur le sujet.
Le béton a-t-il tenu ? Pourquoi y a t il des étais qui ont été installés ? Et l’amiante ? L’inspecteur des pompiers a demandé une expertise amiante, ce qui est rare et qui impose un protocole des travaux particuliers (sécurité des personnels). Les réponses devraient venir d’ici la fin de la semaine.

Lors de la réunion les habitants ont demandé des garanties, ils ont demandé en particulier la communication des rapports d’expertise des pompiers, d’Enedis, sur l’amiante, etc. Des éléments sur lesquels le bailleur ne s’est pas engagé. Certains locataires disent ne plus vouloir revenir dans ce bâtiment.
L’expert des pompiers a demandé un diagnostic amiante suite à l’incendie. Il a été fait et au dire du bailleur il n’y a pas d’amiante ailleurs que dans le logement incendié. Les locataires ont demandé communication du rapport d’expertise ce qui leur a été refusé jusqu’à présent. Le problème c’est les poussières dans l’air. Quel diagnostic a été fait ? A-t-on fait les prélèvements dans les murs ou/et dans l’air ? En cas d’incendie la forte température fait éclater les carrelages et libère l’amiante que contiennent les colles utilisées dans les constructions les plus anciennes.
Les locataires veulent avoir accès aux rapport d’expertise ; ils veulent en être informés.

En fin de semaine, vendredi dernier, une permanence s’est tenue, cela a-t-il permis d’avancer ?
A la demande des habitants.es le bailleur a mis en place une permanence dès le vendredi 16 août à la loge pour gérer les difficultés entre autres avec les assurances. C’est le plus gros point avec le plus d’inégalité de situations. La délégation a demandé qu’une nouvelle réunion ait lieu avec le bailleur le jeudi 22 pour faire le point. C’est très important. Cela signifie que collectivement les habitants.es veulent suivre l’évolution des opérations de remise en état du bâtiment, des relogements, …
Lors de la permanence du vendredi 16 deux directeurs de PCH était sur place ainsi que des membres du personnels pour assurer cette permanence devant durer toute la journée. Beaucoup d’habitants.es présents.es.
L’inquiétude première étant la durée de prise en charge des nuits d’hôtel par les assurances, variables de 2 à 15 jours selon les contrats. Le bailleur a assuré que personne ne serait à la rue et qu’il assurerait l’hébergement à la fin de ces prises en charge ; ce qui explique sans doute l’empressement du bailleur à faire rentrer dans l’immeuble incendié les habitants.es. Depuis le lendemain de l’incendie il s’est activé à remettre l’eau chaude et froide en route, l’électricité, à faire les nettoyages des parties communes des extérieurs...
Ils veulent pouvoir rentrer dans un logement sain offrant toutes les garanties. Face à l’empressement du bailleur ils répondaient : « Prenez votre temps, faites votre boulot correctement » la défiance est grande par rapport à l’immeuble. Le traumatisme est fort et ce point n’est pas pris en compte suffisamment par le bailleur. Il a affiché le téléphone de la cellule d’écoute sur la loge. Ce n’est pas suffisant.
Un point fait crispation, c’est l’ascenseur. Il est hors-service. Et il faudra plusieurs semaine avant sa remise en route. Le bailleur veut faire rentrer les habitants tout en disant que l’ascenseur ne fonctionnera pas avant des semaines. Il promet du portage des affaires et des personnes. Les habitants en doutent. Cela peut faire obstacle au retour dans l’immeuble, surtout pour celles et ceux qui habitent dans les étages...
Le collectif des habitants est en train de se constituer. Une assemblée est prévue ce lundi 19, la constitution d’une amicale est en cours, la prise de contact avec un avocat évoqué … tout est en discussion. Nous referons un point d’étape après la réunion prévue le jeudi 22.