L’élue en charge de l’enfance, Leyla Temel, va-t-elle prendre la mesure du malaise des animateurs qui seront à nouveau en grève le mardi 23 mai ? Son dernier mail, en réponse à une interpellation de parents, permet d’en douter.

, par Rosalie Merteuil

L’actualité politique dionysienne est si dense et les annonces, – qui relèvent d’une stratégie, celle du choc – sont si rapprochées (suppression de six arrêts de bus en centre ville en février, projet de fusion entre Saint-Denis et Pierrefitte en avril, liquidation de l’Office des sports en mai) qu’elles ont tendance à mettre au second plan les luttes sociales. Seule la bataille contre le report de l’âge de la retraite à 64 ans est sur le devant de la scène. Ce contexte local et général est peu favorable à porter une grande attention à une lutte qui de premier abord peut n’apparaître que comme catégorielle : celle des animateurs qui font vivre les centres de loisirs et le péri-scolaire. Il n’en n’est rien.

A y regarder de plus près, ce mouvement questionne à la fois le sort réservé bien sûr à ceux qui subissent de plein fouet la précarité professionnelle, les inégalités de traitement entre des personnes qui exercent le même travail, mais aussi les conditions d’accueil des enfants, le taux d’encadrement ou les moyens – aujourd’hui remis en cause – pour l’inclusion des enfants en situation de handicap.

Toutes ces questions cruciales sont au centre du mouvement de grève qui a touché les accueils de loisirs ces trois dernières semaines, les mardi 18 et 25 avril et le jeudi 4 mai. Le mouvement se poursuit, la prochaine journée est annoncée le mardi 23 mai.

Ce mouvement dans le secteur de l’enfance est important tant il est révélateur de la politique que mène la majorité municipale conduite par Mathieu Hanotin.

Le Blog de Saint-Denis publiera un article détaillé sur ce sujet en tout début de semaine prochaine. En revanche, nous publions dès aujourd’hui, accompagné de commentaires, le contenu d’un mail adressé le 26 avril par l’élue en charge de l’enfance, Leyla Temel, en réponse à un habitante l’interrogeant sur ce mouvement de grève.

Madame Temel commence son mail ainsi :

« Les préavis de grève que vous évoquez invitaient les personnels de l’Enfance au débrayage de 11h30 à 13h30. 
Dans ce cadre, la seule organisation syndicale qui y appelait, a été reçue par la direction générale afin de rappeler que les sujets de revendication avaient déjà été discutés et adoptés dans les instances avec les représentants de l’administration et des syndicats (CTP) et en Conseil municipal. »

Trois organisations syndicales appelaient à ce mouvement de grève et non une seule. Elle sont d’ailleurs toutes trois signataires du tract qui circulent actuellement et sont parties prenantes de la grève annoncée pour mardi 23 mai. Ne faire référence qu’à une seule organisation syndicale relève-t-elle d’une stratégie patronale bien connue consistant à faire croire que le mouvement est minoritaire ou est-elle la marque d’une méconnaissance ou du peu d’intérêt porté par l’élue à ce qui se passe dans le secteur qui relève de sa délégation ? Est-ce le désintérêt ou la méconnaissance qui conduit aussi Madame Temel a écrire un mensonge par omission quand elle affirme que « les sujets de revendication avaient déjà été discutés et adoptés dans les instances avec les représentants de l’administration et des syndicats (CTP) et en Conseil municipal. »

Si le Conseil Social Territorial et le conseil municipal ont adopté une délibération qui met en œuvre des orientations que contestent les agents et leurs organisations, il serait plus conforme à la vérité d’indiquer que sur les sept organisations syndicales qui ont été appelées à se prononcer lors du Conseil Social Territorial (CST et non CTP) 5 ont voté contre et deux se sont abstenus, ce qui équivaut à dire, en toute honnêteté, qu’aucune organisation syndicale n’a voté pour les propositions de la municipalité.

Ce simple fait ne devrait-il pas interroger Madame Temel qui feint aussi d’ignorer ou l’ignore-t-elle que cela fait maintenant plus d’un an qu’agents du service Enfance et organisations syndicales ont fait part de leur opposition à une réorganisation du service qui pénalise les agents, dégrade les conditions de travail et les missions qu’ils assurent et s’avère néfaste pour les enfants.

Elle poursuit :

« Cette même organisation a passé des consignes auprès des animateurs, les invitant à ne se déclarer qu’à la dernière minute, rompant ainsi avec les pratiques antérieures qui garantissaient un temps minimal d’information aux familles, permettant d’organiser les conditions d’un accueil approprié des enfants tout en préservant scrupuleusement le Droit de grève des agents. »

Les organisations syndicales sont libres de déterminer les modalités de leur mouvement de grève et le fait de se déclarer grévistes à la dernière minute est tout à fait conforme à la loi. Là encore tenter de faire croire que les grévistes ne répondraient qu’à des consignes (répétons le tout à fait légales par ailleurs) c’est faire peu de cas de la liberté de jugement des agents qui, en toute conscience, décident de faire grève et le déclarent individuellement. C’est aussi ignorer, alors qu’il s’agit des propres services de Madame Temel, le profond malaise qui affecte tout le service de l’enfance.

Madame Temel fait état d’une rupture avec les « pratiques antérieures qui garantissaient un temps minimal d’information aux familles, permettant d’organiser les conditions d’un accueil approprié des enfants ». Encore une fois, si le mouvement respecte scrupuleusement la loi, les agents et leurs organisations syndicales n’attendent pas de la part de leur employeur qu’il « préserve scrupuleusement le droit de grève des agents » mais tout simplement qu’il le respecte, y compris dans les formes qu’il choisit librement dans le respect de la loi.

Un autre élément a possiblement échappé à Madame Temel concernant la stricte application du droit de grève et le libre choix de ses modalités : le délai de 48 heures antérieurement utilisé témoignait d’un dialogue social qui prévalait encore. Madame Temel ignore-t-elle qu’en amont de la grève du 18 avril, les organisations syndicales ont, avec le souci de trouver une issue au conflit, déposé un préavis de grève 12 jours avant, la loi n’imposant qu’un délai de 5 jours ?

La manière dont le secteur de l’enfance est traité depuis juin 2020, – nous y reviendrons en détail –, explique que le mouvement se durcit, cela est de l’unique responsabilité de la municipalité. Les agents de l’enfance n’entendent pas mettre les familles en difficulté, tout leur travail, les missions qu’ils assument tout au long de l’année en sont l’exact contraire. Tenter, en raison des difficultés que rencontrent les parents à l’occasion d’un mouvement de grève, de jouer les familles contre les agents n’est pas, disons-le, très digne.

Les mesures prises par la municipalité tant pour ce qui concerne le personnel de l’enfance que pour la qualité d’accueil et d’encadrement des enfants démentent dans les faits tout le discours, toute la communication déployée par la municipalité autour du Projet Educatif Global. Sur cela nous reviendrons aussi, en bloc et en détail.

Pour conclure Madame Temel écrit :

« En espérant vous avoir apporté les réponses souhaitées, soyez assurée, Madame, de mon attachement au service public d’éducation et de ma pleine mobilisation. »

Les agents et leurs organisations s’interrogent sur « votre pleine mobilisation » en tant qu’élue à l’enfance ne vous ayant jamais vu dans une réunion où ils exposent les motifs de leurs revendications. Ils n’ont eu jusqu’à lors que des interlocuteurs de la direction générale, ce que confirme votre mail du 26 avril.

Aussi afin de bien prendre en compte la situation qu’ils vivent au quotidien, afin de pleinement saisir les raisons de leur colère face aux inégalités de traitement qu’ils subissent, ils espèrent que vous trouverez, en responsabilité, le temps de les rencontrer à la réunion programmée le lundi 22 mai à 14 h en salle du bureau municipal où il espèrent aussi avoir l’occasion de rencontrer, pour les mêmes motifs, Yannick Caillet, élu en charge du personnel et du dialogue social.