Le Conseil d’Etat ordonne que le port du« référentiel des identités et de l’organisation dit RIO », qui permet d’identifier les policiers et les gendarmes, soit « effectif et apparent ». Mathieu Hanotin persiste à s’y opposer pour sa police municipale. Pourquoi ? De quoi aurait-il peur ?

, par Michel Ribay

La plus haute juridiction administrative, le Conseil d’Etat, saisi par la Ligue des droits de l’homme, l’association Action des chrétiens pour l’abolition de la torture le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France, impose dans un arrêt pris il y a une semaine, le 11 octobre, que le port du « référentiel des identités et de l’organisation dit RIO », obligatoire depuis 2014, qui permet d’identifier les policiers et les gendarmes, soit « effectif et apparent ». Le ministère de l’Intérieur a douze mois pour prendre « toutes mesures utiles » à cet effet. Pourquoi la police municipale devrait aussi s’y conformer.

Le port d’un numéro d’identification pour les agents de la police municipale c’est ce qui a été encore demandé au maire, Mathieu Hanotin, lors du conseil municipal, le 23 septembre dernier et qu’il a refusé sans en avancer la moindre justification. Il n’a pas daigné non plus se prononcer sur la création d’un comité d’un comité d’éthique de la police municipale chargé de veiller au respect des règles de déontologie à l’image de celui mis en place par la ville de Paris.

Dotée des mêmes armes que la police nationale dans l’exercice de leurs missions (Gazeuse lacrymogène, Lanceur de Balles de Défense (LBD), taser, pistolet 9 mm) accompagnée d’une brigade cynophile, on ne voit pas ce qui pourrait justifier cette exception pour la police municipale que le Maire veut porter à plus d’un policier pour 1000 habitants soit près de 120 agents.

Plus d’une centaine d’agents seront donc missionnés pour intervenir, au sein de différentes brigades (Brigade générale, Groupe de Soutien et d’Intervention (GSI), Brigade cynophile…) 7 jours sur 7 et 24 h sur 24 h à partir du 1er novembre, sur un territoire qui s’étale de la Porte de la Chapelle aux frontières de Stains, Pierrefitte, Epinay et Villetaneuse et jouxte Saint-Ouen, La Courneuve, Aubervilliers et L’île Saint-Denis.

Nous ne sommes pas, chacun le sait, une bourgade de 3000 où même 15 000 âmes où chacun serait en mesure de connaitre, reconnaitre les policiers municipaux qui se compte sur les doigts d’une main ou deux. Rappelons que le RIO est un mode d’identification anonyme – rendant impossible, pour un particulier, de remonter jusqu’à l’identité du policier – seule la collectivité est en mesure d’en faire le rapprochement.

Les conditions d’exercice de la police municipale à Saint-Denis sont loin d’être simples compte-tenu du contexte et des missions qui lui sont assignées, on comprend d’autant moins dans ce contexte propice à des écarts de conduite, le refus du maire.

Quelle est la motivation de cet arrêt de la plus haute cour administrative ? Pour le Conseil d’Etat il s’agit de « de favoriser des relations de confiance entre les forces de sécurité intérieure et la population et d’assurer, dans l’intérêt de tous, l’identification des agents ».

« Favoriser les relations de confiance et assurer dans l’intérêt de tous, l’identification des agents ». N’est-ce pas ce que devrait s’assigner comme objectif le maire avec une police qui est dite de proximité ?

N’est-ce pas, alors que se sont multipliés les incidents, les dérapages, les mises en cause sur les réseaux, les témoignages, les séquences video, le moyen de rendre plus transparent les agissements de tout un chacun, d’établir ainsi la responsabilité individuelle des actes commis ou des paroles proférées.

La possibilité d’identification des agents en intervention est donc bien un enjeu dionysien.

Il ne s’agit donc pas d’incriminer LA police municipale dans son ensemble mais tout au contraire de pouvoir identifier l’agent ou les agents qui transgresseraient les règles déontologiques auxquelles ils doivent se conformer en toute occasion.

C’est bien ce que le Conseil d’Etat souligne à sa manière par sa formule « assurer, dans l’intérêt de tous, l’identification des agents ».

Après cet arrêt du Conseil d’Etat, le maire va-t-il continuer à s’opposer, sans raison, à cette mesure d’intérêt général ?

On rejettera d’avance l’argument spécieux, la manœuvre dilatoire consistant à dire que cet arrêt ne concerne que la police nationale et la gendarmerie.
Alors, de quoi Mathieu Hanotin aurait-il peur ?

D’une difficulté accrue à recruter, aspect que souligne un article de la Gazette des communes paru le 11 octobre qui indique que les collectivités doivent recruter 11 000 agents de police municipale d’ici à 2026 et que « la filière a déjà du mal à séduire » ?

Dans le même article, Patrice Debois, président de l’l’Association nationale des cadres de la police municipale (ANCPM) indique : « Il y a une crise des vocations des forces de l’ordre en général, y compris aujourd’hui de la police municipale. Elle est principalement liée à une dégradation des rapports police/population » (sic !).

N’est-ce donc pas l’occasion de se doter d’un outil comme le RIO contribuant à « assurer, dans l’intérêt de tous, l’identification des agents », à répondre à une demande de transparence, à redorer le blason des rapports police-population ?
Alors, de quoi Mathieu Hanotin aurait-il peur ?

D’une réaction négative de policiers municipaux les conduisant à démissionner au moment même où la police municipale est dit-on touchée par de nombreuses départs ?

Le même article souligne que les députés ­Lionel Royer-Perreaut et Alexandre Vincendet pointe que « L’enjeu actuel pour les collectivités est de réussir à recruter et à conserver durablement sur leur territoire des agents motivés et bien formés, évoluant dans un environnement de travail satisfaisant, mais aussi mieux rémunérés, avec des perspectives de carrière renouvelées ».

A cet égard on s’interroge sur les motivations des policiers qui les ont conduit à quitter leur poste à Saint-Denis. N’ont-ils pas trouvé « un environnement de travail satisfaisant » au sein du service ?

Sur ce sujet, un post – anonyme – publié le 10 octobre sur un groupe Facebook dionysien, incrimine avec force le management du service.
On ne retiendra ici qu’un extrait – et c’est le plus soft – : « Tout d’abord il faut savoir que dans la mumu en ce moment l’ambiance est pesante, il y a beaucoup de départs parce que le grand chef est partisan d’un système qui favorise ses copains avec un niveau managérial proche de zéro ».

Si la méfiance doit être de mise concernant ce qui peut circuler sur les réseaux sociaux, on ne peut être que choqués à la lecture de ce post, on est en droit de s’interroger, comme le font de nombreux Dionysien.nes. Des accusations publiques aussi graves ne peuvent rester sans réaction de la part de la municipalité, en premier lieu pour faire respecter par toutes voies de droit un agent de la ville et établir les faits, la vérité.

A l’avenir, quelles qu’en soient les modalités – une communication régulière sur l’activité de la police municipale – et les outils (comité d’éthique de la police municipale, de la vidéosurveillance, caméras piétons, RIO) la transparence demeure une exigence qu’il faudra bien satisfaire « dans l’intérêt de tous ». A fortiori quand des associations d’élus, des députés, des syndicats prônent un rapprochement, un alignement, des statuts et une extension des prérogatives toujours plus étendue entre la police municipale et la police nationale.

Jusqu’à quand Mathieu Hanotin entendra-t-il s’y soustraire ?

Une précision pour nos lectrices et lecteurs.

Le cabinet du maire a été sollicité (par mail le lundi 16/10) pour connaître : les raisons du refus du RIO par le maire ; le nombre de policiers municipaux qui ont quitté leurs poste depuis le début de l’année (démissions, mutations ou autres raisons) ; les intentions de la municipalité (recours à la justice ?) face aux graves accusations (anonymes) concernant la direction de la police municipale.

Le cabinet du maire a réitéré son refus de répondre aux sollicitations du Blog de Saint-Denis au motif que nous ne sommes pas "un organe de presse".

Nous le déplorons. Il y a en moyenne près de 5500 consultations du Blog de Saint-Denis chaque mois. La décision du maire prive celles et ceux qui nous lisent de la position de la municipalité, à tout le moins des précisions qu’elle pourrait apporter sur les sujets traités qui la concerne.

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