Première étape dionysienne d’un mouvement en marche… pour tout bloquer le 10 septembre.

, par Michel Ribay

Depuis plusieurs semaines un appel à bloquer le pays le 10 septembre circule sur les réseaux sociaux. Il a commencé à faire tache d’huile dans le pays et s’organise au sein de boucles Telegram, Signal et sur le site indignons-nous.fr. A Saint-Denis, la première réunion a eu lieu lundi 11 août au parc de la Légion d’Honneur. Compte-rendu sommaire et perspectives.

Une quarantaine de personnes se sont retrouvés au parc de la Légion d’honneur lundi 11 août en fin d’après-midi. Elles répondaient à l’appel qui a circulé sur les réseaux sociaux, des boucles Telegram, Signal et celle Nouveau Front Populaire dionysien sur WhatsApp.

Cette première réunion avec pour objectif de prendre part au mouvement lancé depuis plusieurs semaines en France et qui appelle à bloquer le pays le 10 septembre. Un appel dont on ne sait pas très bien d’où il est parti mais dont le caractère viral a conduit à la multiplication quasiment sur tout le territoire de groupes locaux qui se préparent à participer à cet événement de résistance, de refus du budget Bayrou.

Un budget précédé d’annonces dont la nature anti-sociale, profondément inégalitaire n’est plus à démontrer tant elles ne concernent que le monde du travail et s’attaquant de plus aux plus fragiles, les précaires, les sans-emploi, les malades.

Sur le site indignons-nous.fr, sous le titre « Les raisons de notre colère » on y dénonce les annonces du plan Bayrou :
– Une année blanche sans investissement dans les salaires, les retraites, ni les services publics !
– 3000 postes supprimés, un fonctionnaire sur trois non remplacé !
– 5 milliards retirés à la santé, reste à payer doublé pour les malades !
– Deux jours fériés supprimés !
– Six jours de carence en cas d’arrêt maladie !
– Aucune hausse des aides ni des pensions !

L’injustice sociale, les attaques contre le monde du travail redoublées dans une période marquée depuis maintenant plusieurs années de hausse des prix des produits de première nécessité, de dégradation des conditions d’indemnisation des chômeurs, d’attaques répétées contre les allocataires sociaux, de déni démocratique constituent une poudrière qui à l’image du mouvement des Gilets Jaunes peut embraser le pays comme à l’automne 2018.

Que faire ? Comment se mettre en mouvement ? Comment élargir ce qui n’en est qu’à son début ?

Le 10 septembre sera t-il l’étincelle qui manque pour que la sourde colère présente dans le pays s’exprime avec force ?

Personne ne peut aujourd’hui le dire. Il suffirait d’un rien, d’un imprévu, d’une ultime provocation gouvernementale pour que le mouvement prenne. A la fois d’un rien, mais aussi de beaucoup, à travers la mise en mouvement des organisations syndicales qui n’ont pas su saisir ce qui se passait au moment du mouvement des Gilets Jaunes ?

La résignation, le fatalisme va-t-il l’emporter ou la colère se rendre visible, palpable et effacer une série de défaites (loi travail, réforme des retraites…) en amorçant les prémices d’un rapport de force plus favorable.

Peut-on vraiment bloquer le pays sans participation massive des salariés, sans que rentrent en mouvement les organisations syndicales ?

Peut-on bloquer le pays, organiser des blocages dont la légitimité serait incontestable sans que participent ceux qui font fonctionner chaque jour transports et services publics ?

Des actions symboliques de blocage ne peuvent-elles suffire à servir de détonateur ?

Faut-il d’abord élargir le mouvement, s’assurer de leur participation ou parier sur le volontarisme, l’effet d’entrainement d’un mouvement qui sort du cadre habituel des journées d’action ?

Faut-il s’épuiser à reformuler un catalogue de revendications (que tout le monde partage) ou parier sur le ras-le- bol, l’envie d’en découdre avec le pouvoir, la dynamique de la confrontation ? Les questions de l’économie de guerre, la guerre, le génocide en Palestine ont aussi été évoquées.

Nuit Debout, Gilets Jaunes et 10 septembre

Autant de questions, et d’autres tout aussi politiques et stratégiques – comment se prémunir d’une récupération politique et surtout d’une instrumentalisation et participation de l’extrême-droite – qui ont jalonné les échanges du groupe d’une quarantaine personnes réunie en cercle ce lundi 11 août.

Un mode d’échange qui faisait penser aux assemblées de Nuit Debout en 2016 lors de la mobilisation contre la loi travail qui avaient investi l’espace public dans une centaine de villes.

Modérateur, chronométrage des interventions pour éviter une monopolisation de la parole, approbation, par gestes des mains, des propositions, votes à main levée… un exercice de débat démocratique plutôt réussi avec des échanges fluides et constructifs.

Particulièrement notable et réjouissant pour cette première réunion une très forte proportion de jeunes – pour certains de l’université Paris VIII – habituellement absents des cadres connus des mobilisations dionysiennes qu’il s’agissent du Nouveau Front Populaire Dionysien, du Collectif « On s’en mêle » ou de l’éphémère Forum des solidarités locales dont la quasi majorité des acteurs s’est retrouvée au sein du NFP.

L’organisation du mouvement autour des outils numériques, comme le mode d’action mis en avant « le blocage » expliquent sans doute cette forte présence d’une nouvelle génération représentée par des Dionysiens mais aussi des villes alentours dont Aubervilliers. C’est déjà en soi une bonne nouvelle.

Période estivale oblige sans doute, à l’exception de militantes et militants investis dans le comité Palestine, dans le droit au logement ou la solidarité avec les sans-papiers, pour certains par ailleurs membres du NPA local, pas de têtes connues de LFI ou du PCF.

Pour autant les échéances de la dynamique locale ne sont pas passées sous la table puisqu’a été évoqué la cohérence, la jonction possible entre le mouvement du 10 septembre et la perspective du Carnaval des luttes (dionysiennes) prévu le 11 octobre, incarnation de ce que beaucoup espèrent voir se traduire dans le pays : la convergence des luttes.

L’ensemble des présents s’est accordé à mettre en avant trois revendications : le refus du budget Bayrou, l’abrogation de la loi Duplomb et le retrait de la réforme des retraites. La création d’un comité local a aussi été acté parmi les propositions qui ont émergé des échanges ainsi que des présences sur l’espace public pour aller à la rencontre des Dionysiens, et faire connaître l’initiative. Ce sera effectif dès le samedi 16 août en centre-ville.

C’est par un vote à main levée que les participants ont conclu de se revoir le lundi 18 au parc de la Légion d’Honneur, le rdv est fixé à l’entrée de la Rue Pinel, à 18h.

Une Assemblée générale des comités d’Ile-de-France aura lieu le 28 août.

Élargir, élargir encore, élargir toujours

Si le mouvement prend, il ne tardera pas à être confronté à deux questions majeures.

La première : ce que - ce qu’en feront les organisations syndicales et les partis. Les 38 établissements de l’Assistance publique se préparent à un mouvement social d’ampleur à la rentrée. La CGT, FO, CFTC et UNSA -, représentant plus de 6 salariés sur 10, appellent à des assemblées générales dans tous les services dès le 25 août 2025.

Du côté des centrales syndicales, un communiqué commun signé de la CFDT, de la CGT, de FO, de la CFE-CGC et de la CFTC annonce leur rencontre le 1er septembre. Les signatures de SUD Solidaires, de l’UNSA et de la FSU sont absentes.

La seconde : la riposte du pouvoir dont les dernières années ont amplement démontré son recours croissant à la violence pour briser à tout prix tout mouvement social ou de défense du vivant. L’ampleur du mouvement, l’adhésion la plus large à celui-ci constituent la meilleure des protections et un atout de ses possibles victoires.

Le mouvement est lancé, jusqu’où mènera-t-il ?