Que s’est-il passé le 3 février à Saint-Denis ?

, par Michel Ribay

Trois événements publics se sont déroulés le samedi 3 février dans l’après-midi. D’une nature très différente quant à leur contenu, ils témoignent chacun à leurs manière d’un état des lieux dionysiens en matière de participation, d’adhésion à un projet et du lien de proximité avec les organisateurs de ces trois moments. Deux débutaient à la même heure, 15h, l’un dans la salle des mariages de l’hôtel de ville pour le lancement de la « concertation » en vue d’une « commune nouvelle » née de la fusion future souhaitée par la majorité municipale entre Saint-Denis et Pierrefitte, l’autre sous forme d’une fête, celle du jardin Haguette, le troisième prévu à 17h30 annonçait les vœux du député Stéphane Peu.

Un grand hebdomadaire a construit sa réputation auprès du public autour d’une formule : « Le poids des mots, le choc des photos ». C’est peut être le plus sûr moyen de rendre compte des événements dont nous vous parlons.

Commençons donc par le premier. Les Dionysien.nes étaient convié.e.s par voie de presse, le magazine municipal n°51 du JSD distribué toutes boites en parlait dès le 15 janvier, comme le numéro 52 y appelait à nouveau, les réseaux sociaux le signalait comme le site web de la mairie, la « commune nouvelle « était le sujet de une du journal "La ville équilibrée" édité par la section locale du PS et l’association politique Notre Saint-Denis, lui aussi diffusé toutes boites aux lettres sur la ville, bref la municipalité n’avait pas lésiné sur la communication pour ce lancement.

A l’arrivée, 65 personnes se tenaient debout dans une toute petite moitié de la salle des mariages et pour qui connait qui est qui, entre les trois agents municipaux de l’équipe projet, les quatre prestataires de l’agence Stratéact, les élus de la majorité, Mathieu Hanotin, Boris Deroose, Adrien Delacroix, Sabrina Attari, Oriane Filhol, Katy Bontinck, Rabia Berrai, Gwenaelle Badufle-Douchez, Alice Rongier, Kamel Aoudjehane, Yannick Caillet, Danielle Glibert, Laurent Monnet, Arbiha Ait Chikhoune, Andrée Minc, le directeur du cabinet du maire, David Lebon, un ex-membre du cabinet du maire, la directrice générale des services Anne-Sophie Dournes, le directeur de la communication Yan Lalande, un membre du cabinet du maire de Pierrefitte, l’élue Sonia Bennacer et Michel Fourcade en personne, ils restaient moins de 40 citoyens présents.

Quand on sait qu’au bas mot au moins une bonne quinzaine d’entre eux s’étaient déplacés pour, si possible, faire entendre leur voix, leur désapprobation, leur désaccord, dont trois élus d’opposition, Sofia Boutrih, Sophie Rigard et Christophe Durieux, on mesure numériquement l’engouement populaire autour de cette idée de fusion dans notre ville. Un habitant, ayant osé hausser le ton pour dénoncer la manœuvre, a été très vite entouré d’élus le contraignant, sous la pression, à renoncer à faire bruyamment état de son désaccord avec la méthode.

25 citoyens donc, au mieux, au total. Ambassadrices et ambassadeurs de la construction d’une ville de 150 000 habitants ? Parmi eux, certains d’ailleurs encore dubitatifs et qui regrettent le manque de débat de fond. Pour les habituels soutiens du Maire présents, ce n’était plus de la ferveur, mais de l’envoutement.

En résumé, une participation citoyenne inversement proportionnelle aux moyens développés pour cet événement, un site web, un appel d’offres qu’a remporté l’agence Stratéact, une mission jusqu’en juin 2024 qui pour commencer déploie 4 personnes et plus par la suite, jusqu’à une fanfare pour le moment festif, point d’orgue de la ferveur populaire de cet après-midi mémorable !

Les derniers détails de l’événement avaient pourtant été minutieusement calés lors d’une réunion de cabinet la veille au soir, réunion que nous narre notre correspondant, -petite souris –, en mairie, François Ubu. François nous avait fortement incité à être présent le 3 février plaidant la rare opportunité d’un scoop, d’une exclusivité, que nous traiterions sur le mode Le choc des photos : un cliché de l’élu Spencer Laidli au sein de l’hôtel de ville. Autant dire un document historique, une pièce de collection à verser immédiatement au service des archives municipales, nous disait-il.
Bref, se soustraire à cet événement c’était quasiment prendre le risque de sinon rater le World Press Photo 2024 à tout le moins ruiner nos chances d’être retenu à Visa pour l’image.

On ne sait pas si la presse quotidienne régionale (Le Parisien) était présente mais Le Blog de Saint-Denis avait donc décidé de s’infliger cette réunion afin de vous en rendre compte. Pour tout vous dire on ne s’attendait pas à grand chose, si ce n’est d’assister une fois de plus à un discours convenu, un enrobage communicationnel d’une entourloupe qui consiste à faire croire aux citoyens qu’il s’agit de donner leur avis sur un sujet pour lequel Mathieu Hanotin a redit que la décision est prise et assumée.

Un sujet qui n’a jamais fait l’objet d’une annonce lors des élections de mars et juin 2020, qui modifie le corps électoral entre deux élections (2020 et 2026) et une majorité municipale qui n’a même pas le souci de faire appel à la Commission Nationale du Débat Public (CNDP), l’autorité indépendante garante du droit à l’information et à la participation du public sur l’élaboration des projets et des politiques publiques ayant un impact sur l’environnement.

L’impact sur l’environnement était le premier périmètre pour une saisine de la CNDP, périmètre qui s’est étendu à diverses problématiques. La CNDP a été sollicitée sur des projets ANRU et des projets qui touchent à la santé, au « bien vieillir », aux dispositifs de participation citoyenne, à la question de la maltraitance des adultes en situation de vulnérabilité ou sur le devenir d’une colline dans le cadre des JOP. Autant d’éléments qui justifient le recours à cette structure publique astreinte à la neutralité, qui ne se prononce pas sur le fond des projets mais garantit la qualité des débats qui les concerne.

Le projet de construction d’une commune de 150 000 habitants ne méritait-il pas a minima le recours à la CNDP plutôt que celui à une structure privée, un cabinet conseil en communication ?

Encore eut-il fallu vouloir vraiment associer les habitants à un débat sur le fond, le bien fondé du projet et non simplement solliciter une structure privée dont la mission est très précisément définie dans le cahier des charges : « Le public sera avant tout mobilisé via l’organisation de temps d’information autour du projet. L’objectif n’est pas, au travers de ces temps d’association, de questionner l’opportunité du projet, mais plutôt d’assurer, de manière pédagogique, la transmission de l’information utile sur les avancées de la commune nouvelle ». Voir dans le portfolio le cahier des charges (téléchargeable) de la mission confiée à un prestataire privé.

Tout est dit. Explicitement décrit, écrit. Cadré. Circulez.

« L’association du public débutera par un temps de lancement, fin 2023, lequel devra permettre de mobiliser largement les habitant.e.s de Saint-Denis et de Pierrefitte-sur-Seine. Pour ce faire, le choix du lieu et du format sera décisif, et devra être pensé en lien étroit avec le dispositif de communication des deux villes. L’évènement se voudra festif et enthousiasmant. » est-il prescrit en page 7 du document.

Enorme succès ce 3 février !

Plus que l’intérêt des citoyens dans cette affaire, Mathieu Hanotin, qui a fait référence à l’incertitude institutionnelle dans son discours, anticipe-t-il aussi la future disparition d’une couche du fameux mille-feuille institutionnel (Région, Métropole du Grand Paris, Département, Etablissement Public Territorial) ? Une mission confiée au député Eric Woerth (ex-LR) sur le sujet – confirmée lors du discours de politique générale de Gabriel Attal (ex-PS) à l’Assemblée – devant déboucher sur la suppression d’un ou plusieurs échelons, Mathieu Hanotin se rêve-t-il en futur roitelet du 9-3, baron métropolitain, petit marquis francilien, Stéphane Troussel étant évincé lors d’une disparition possible des départements ?
Une parade aussi à une possible disparition des Etablissement Publics Territoriaux ?

Assurer sa réélection et son avenir politique, deux motivations essentielles pour Mathieu Hanotin qu’il cherche à masquer sous un discours lénifiant, promettant moins d’impôts, plus de services publics et quelques millions de subventions supplémentaires.

On ne vous propose ici que des photos. Tout ce moment a été filmé par une vidéaste liée à une structure associative sise à la Bourse du Travail qui, interrogée sur ce que devenait cette captation, a indiqué que tous les rush étaient fournis à la municipalité qui en assurait le montage. Bref un vrai reportage indépendant, sur le vif !
Quand on aime la presse libre on ne compte pas.

Jardin Haguette.

Retenu par l’événement en mairie, ce n’est que très tardivement que le Blog de Saint-Denis est passé au jardin Haguette après un détour en salle de la Légion d’honneur pour l’exposition Gotha qu’il faut allez voir. C’est jusqu’au 10 février.

Au Jardin Haguette, point de distance entre les acteurs, les présents, les organisateurs de ce moment festif, ce sont d’une manière ou d’une autre les mêmes. Ils ont semé, planté, arrosé et après la récolte d’été on se tient chaud l’hiver quand la terre repose. Théâtre, chorale, chant lyrique, chocolat et vin chaud, près de 100 personnes s’y sont rendues et retrouvées.

Vœux du député Stéphane Peu.

Là, il fallait vraiment arriver à l’heure. Prévu à 17h30, à 17h50 il était impossible de pouvoir entrer dans la salle de l’école Jean Vilar. Salle comble, assistance attentive au discours de Stéphane Peu sur la situation internationale marquée par la guerre en Ukraine, les massacres du 7 octobre et l’écrasement de Gaza sous les bombes, l’arrivée de Gabriel Attal, l’affront fait au monde de l’éducation avec la nomination de Mme Oudea-Castera, le logement, les salaires, la remise en cause du Smic, les attaques contre les chômeurs, la misère qui s’étend au sein du monde du travail, la vie chère, les caddies d’alimentation payés avec des cartes de crédit… Autant de sujet qui parlaient vrai à une assistance pour qui tous ces sujets font sens.

S’il s’agissait lors de cette journée de mesurer la popularité des uns ou des autres, celle acquise au fil du temps par Stéphane Peu « qu’on voit plus en tant que député auprès des Dionysiens que le maire » soulignait-il avec stupéfaction, n’est plus à démontrer. De plus en plus de Dionysiens y voient le plus sûr atout d’une possible candidature en mars 2026 pour le scrutin municipal.

Mais ce n’était pas le propos de ce jour, même si député de Saint-Denis, Pierrefitte et Villetaneuse, Stéphane Peu ne pouvait faire silence sur la fusion Saint-Denis-Pierrefitte annoncée en avril 2023.

Déni démocratique, défense de l’échelon communal, périmètre de proximité et de démocratie, dénonciation d’un projet sans mandat en 2020, disparition de fait d’une ville millénaire, Pierrefitte ; transfert potentiel des dettes pierrefittoises sur les Dionysien.nes, poids accru de l’administration au détriment d’élu.es moins nombreux et plus éloignés des citoyens, en résumé le député dénonçait un 49.3 local. Et une forme de mépris à l’égard d’une structure de mutualisation des moyens et d’abandon d’une collaboration des communes réunies au sein de Plaine Commune.

Une cérémonie de vœux sans tambour, ni trompette, ni fanfare mais dans une salle comble, la cérémonie s’achevant par un traditionnel verre de l’amitié partagée.

Ce compte-rendu des événements du 3 février ne serait pas complet si nous passions sous silence que la Compagnie Jolie Môme a, en début d’après-midi, symboliquement décroché sa Belle Etoile du bâtiment pour, étant expulsée et quittant à contre-cœur la ville de Saint-Denis, la faire briller ailleurs.

On pense à eux. Et on leur souhaite le meilleur.