Rénovation, concertation, appel de charges. Les locataires des ilots 4 et 8 maltraités par la ville et Plaine Commune Habitat

, par Jean-Marc Bourquin

La ville et Plaine Commune Habitat ont convoqué une réunion le 3 juillet dernier centrée sur l’aménagement du centre commercial Basilique pour les habitants du quartier. Seule une quinzaine de personnes était présente dont une dizaine de locataires de l’îlot 8. Une caricature de démocratie où « les infos » étaient distillées, assénées au fur et à mesure et la parole des habitants complètement marginalisée. De la réhabilitation à la gestion chaotique des appels de charges en passant par les menaces sur la Maison Jaune, revue de détail des sujets qui fâchent.

Le quartier de la ZAC Basilique fait partie du plan de rénovation du centre-ville de Saint-Denis, auquel l’équipe municipale de Mathieu Hanotin Hanotin assigne plusieurs objectifs dont la rénovation du centre commercial Basilique avec des surfaces de commerces agrandies au détriment des galeries, le retournement des entrées des commerces sur les rues extérieures et un vœu, celui d’une montée en gamme des commerces...

Le bailleur, Plaine Commune Habitat (PCH), qui gère les logements situés au dessus du centre Basilique, veut profiter de cette rénovation pour engager le retournement des halls d’accès des immeubles qui ne donneraient plus dans les galeries mais sur les rues périphériques. Sont ainsi concernée la quasi totalité des entrées. Le bailleur a l’intention de déposer les permis en même temps que ceux de la rénovation du centre commercial, pour limiter les coûts et des chantiers successifs impactant les habitants.

Une décision en dépit du bon sens et de l’avis des locataires

En revanche, les informations en direction des locataires sont réduites au minimum et il n’est pas question de la moindre concertation. Alors qu’aujourd’hui ils sont séparés, les locaux des poubelles devraient être accessibles depuis les halls d’entrées. D’expérience les locataires s’y opposent tant cela dégraderait potentiellement la qualité des halls (déchets, odeurs, sortie des bacs…) mais leur avis n’a même pas été sollicité. Et il en est d’ailleurs de même pour l’ensemble du projet de rénovation.

Le maire n’y voit pas problème. Pire, il considère – et le revendique – : son élection en 2020 lui a donné le pouvoir de décider en matière d’aménagement des espaces urbains, de cadre de vie des habitants sans que ceux-ci n’aient leurs mots à dire. Il le théorise même. Dans son passage au « téléphone sonne » du 10 juillet 2024 sur France Inter, où il était invité à répondre à la question « Après les élections comment se réconcilier ? » (on mesure l’escroquerie de cette invitation), il ose dire : « Il faut réhabiliter la question de la décision politique et d’être en capacité de l’assumer... Je n’arrête pas de rencontrer des concitoyens qui me disent je n’ai pas envie d’être concerté 15 000 fois... » ! Comme si le risque était d’être trop concerté ! Quand on connait la situation dionysienne, une seule concertation ferait exception ! La liste des décisions sans le moindre début de concertation est longue. De la suppression des arrêts de bus en centre-ville au projet de résidentialisation de l’îlot 8, la méthode reste la même : brutale, autoritaire.

Changer les commerces… les habitants aussi !

Quand il parle de « la ville du haut » (les logements au dessus du centre Basilique et de Carrefour) il considère « qu’il y a trop de logements sociaux, que ce n’est pas normal, qu’il faut plus de diversité et de mixité sociale ». Il faut comprendre par là la volonté de modification du statut de ces logements, en se dirigeant vers l’accession à la propriété même sociale et des conventionnements vers le haut de gamme (PLUS-PLS…)… au détriment de la part des logements dont le prix au m2 est le plus bas. Le message est clair : les habitants aux revenus les plus modestes doivent aller se loger ailleurs !

Cela est dit dans les comités de pilotage de l’ANRU, loin des oreilles des habitants. Depuis 2021 le collectif de l’ilot 8 (composé de locataires de cet ilot, soutenu par le DAL) exige que le maire et le bailleur viennent défendre leur projet devant les locataires et répondre à leurs questions.

Combien va coûter aux locataires la résidentialisation de l’ilot ? Un recours en justice déposé

Aujourd’hui l’entretien de la dalle est assuré par Plaine Commune comme n’importe quelle rue ou espace public de la ville. Il incomberait avec la résidentialisation à la charge des locataires ce que Mathieu Hanotin traduit par « rendre la dalle aux locataires ». Ces derniers ont bien compris que ce ne sont que les factures qui seront rendues aux locataires, charges inhérentes à l’entretien général, celui de la végétalisation, des parties communes, des nouveaux équipements, etc.

Pas un élu, pas un membre de la direction de PCH n’a daigné répondre encore une fois, lors de la réunion du 3 juillet, à cette question simple : combien cela va coûter aux locataires ? Comme si celle-ci était hors sujet alors que les revenus des habitants de la ZAC sont modestes, les loyers y sont déjà au plafond et les charges déjà très élevées.

L’autoritarisme et le mépris des opérateurs de la rénovation ont conduit des locataires, regroupés pour l’essentiel dans le collectif de l’ilot 8, à contester la convention signée avec l’ANRU devant le Tribunal administratif. Procédure longue qui met en jeu quelques locataires face à la ville, Plaine Commune, les bailleurs, la préfecture et l’ANRU dans une partie inégale mais symbolique pour le respect du droit des habitants à maîtriser l’espace dans lesquels ils vivent.

Une réhabilitation à surveiller de près…

Reste la réhabilitation des logements, 3ème volet du projet de rénovation négocié avec l’ANRU. qui devrait débuter en janvier 2025.
Les locataires l’attendent avec impatience. Il n’y en a jamais eu depuis la construction de ces bâtiments qui s’est faite au début des années 1980. Les fenêtres en bois exposées au soleil et à la pluie, particulièrement au Sud et à l’Ouest sont très dégradées. De même les cuisines, les salles d’eau, le réseau électrique sont à reprendre. Sans parler des canalisations qui provoquent fuites et dégâts des eaux...

L’isolation thermique est aussi indispensable. Cette masse de béton, exposée à la chaleur des étés caniculaires s’échauffe et amplifie l’emballement thermique dans les logements. S’il est possible d’isoler les toits, les dessous des logements suspendus, l’isolation par l’extérieur de l’ensemble des bâtiments reste difficile. Au final le gain thermique de la rénovation risque d’être très modeste.

La réhabilitation des logements, faite en présence des locataires dans les appartements, va poser de multiples problèmes qui nécessite la vigilance, le contrôle, l’intervention des habitants.es pour qu’elle soit de la meilleure qualité possible.

La Maison Jaune menacée

L’usage d’un local par le collectif où les réunions peuvent se tenir, mais aussi des permanences, animations, fêtes... est un élément essentiel de cette mobilisation des habitants. Jusqu’à présent la Maison Jaune a joué ce rôle. Elle l’a d’autant mieux rempli qu’elle est animée par un collectif d’artistes et chercheurs.es qui en a fait depuis 2017 « un lieu d’accueil, d’expérimentation, une plate-forme d’accompagnement artistique, mais aussi espace de vie en commun. »

La ville et PCH ont décidé de mettre un point d’arrêt à cette activité en décembre 2024 pour réserver ce lieu à d’autres activités. Le collectif a rappelé que ce local est un LCR, Local Commun Résidentiel, payé par les charges et loyers des locataires depuis sa construction et que ni la ville ni le bailleur ne peuvent en disposer sans l’avis des locataires.

A ce stade les réponses sont évasives, Adrien Delacroix, maire-adjoint et président de PCH évoque d’autres locaux disponibles sur la dalle. Le bailleur s ’était engagé à une concertation soutenue et des ateliers avec les locataires sur la réhabilitation de leur logement « autant qu’il sera nécessaire ». Pour le moment en dehors des réunions verticales en mairie ou à la permanence du projet passage de l’Aqueduc, il ne s’est rien passé. On a bien compris que la concertation n’était pas un réel sujet pour la ville et le bailleur.

Dernière avanie : la gestion très défaillante du calcul des charges

La maltraitance des locataires avec des projets de rénovation imposé sans discussions se redouble d’une maltraitance dans la gestion actuelle des charges locatives .

En effet, les habitants des îlots 8 et 4 viennent seulement de recevoir fin juin leurs décomptes des charges 2021 et 2022, très en retard par rapport à l’ensemble des sites de PCH sous prétexte d’anomalies trop importantes décelées par le bailleur. Elles sont regroupées en une seule fois pour un quittancement fin juillet 2024. Or la simple vérification de celles-ci par le collectif de l’ilot 8 et le DAL a montré des erreurs d’ampleur en défaveur des locataires. Des sommes de l’ordre de 80 000 euros réclamées à tort devaient être prélevées fin juillet.

La réaction a été vive. Deux réunions d’information des locataires suivies d’une délégation au siège de PCH le 18 juillet ont permis d’obtenir le report de la facturation et la correction des erreurs.

La permanence d’un cadre de discussions et de mobilisations des habitants.es entre elles/eux est la seule garantie pour que leur parole soit entendue et impose le respect de leurs droits.

Les derniers événements le démontrent une fois de plus.

Jean-Marc Bourquin
Administrateur DAL, représentant des locataire à PCH