A l’école Pasteur de Saint-Denis, la mutation forcée en pleine année scolaire de six enseignants soulève une vague d’indignation des enseignants et des parents d’élèves de l’école.
Pour comprendre l’affaire, il faut revenir deux ans en arrière.
En novembre 2020, il n’y a plus de direction à l’école Pasteur (classée REP+). Un enseignant contractuel arrive en janvier et toute l’équipe pédagogique assume avec lui les charges administratives jusqu’à la fin de l’année scolaire. A la rentrée 2021, arrive enfin une directrice. Mais le soulagement est de courte durée. L’ambiance au sein de l’établissement devient très vite délétère ; la directrice annule l’élection des délégués de parents d’élèves, profère des propos diffamatoires à l’encontre des enseignants aux parents ; les enseignants alertent l’académie et demande protection.
En janvier 2022, ils découvrent que cette directrice est à l’origine d’une vidéo insultante et diffamatoire du journal d’extrême droite L’Incorrect (tendance Zemmour/Marion Maréchal).
Après cette diffusion, la directrice est mutée. Elle serait aujourd’hui conseillère à la scolarisation à Aubervilliers. Pas vraiment une sanction. Un nouveau directeur est nommé et le climat s’apaise. Les choses semblent réglées et le travail peut à nouveau s’effectuer sereinement pour les enseignants et les élèves.
Sauf que… le 4 avril, la nouvelle tombe : six enseignants sur les dix-neuf que compte l’école doivent partir de toute urgence, mutés d’office en pleine année scolaire, officiellement « dans l’intérêt du service ». Stupéfaction.
Le tiers des enseignants, qui étaient en poste dans cette école depuis plus de dix ans pour certains, gage d’une stabilité assez rare dans le département, devra donc être parti dès les vacances de Pâques. Aucun des six ne connaît, à ce jour, sa nouvelle affectation. Pour les enseignants de l’école, cette décision est « la suite d’une série de maltraitances institutionnelles qu’[ils subissent] depuis des années. »
Ils sont en grève reconductible, fortement soutenus par les parents d’élèves qui se rendent en délégation à la DSDEN de Bobigny et demandent à être reçus en urgence pour être informés des griefs ayant conduit à cette sanction. Aucune réponse.
L’incompréhension se mêle à la colère et la mobilisation ne faiblit pas.
Un communiqué intersyndical publié le 13 avril précise : « A ce jour, après avoir consulté 4 dossiers sur 6, les 4 collègues ne comprennent toujours pas ce qu’on leur reproche et surtout sur quelle base cela est étayé. Il n’y a dans le dossier de chaque collègue aucun élément probant ou flagrant qui vient démontrer ce qui est reproché. En revanche, les conclusions semblent répondre aux prétendues “dénonciations” publiées dans des médias d’extrême droite. Des éléments de langage sont même proches. »
La FCPE de Seine-Saint-Denis « dénonce la gestion par les autorités académiques de l’école Pasteur et déplore n’avoir obtenu aucune réponse lors de son interpellation directe du recteur le 8 avril ».
Le député Stéphane Peu adresse un courrier à Jean-Michel Blanquer, au directeur académique, au maire de Saint-Denis. Le courrier reste à ce jour sans réponse.
Quelle est donc l’urgence à déplacer des enseignants à deux mois de la fin de l’année scolaire, faisant ainsi se déliter une équipe soudée, qui fonctionne bien de l’avis de tous, et qui a mis en place bien des projets éducatifs et des sorties épanouissants pour leurs élèves ?
Les parents n’ont-ils pas le droit élémentaire de connaître les éléments du dossier qui impacte fortement la vie scolaire de leurs enfants ? De plus ils se disent inquiets, ces enseignants expérimentés qui étaient en poste à Pasteur seront-ils remplacés par des contractuels sans expérience, comme c’est bien trop souvent le cas dans cette académie ?
Alors que l’académie s’avoue impuissante à remplacer les absences des professeurs partout dans les écoles de l’académie, elle a envoyé opportunément et rapidement des remplaçants pour l’école Pasteur. L’école Calmette, voisine de Pasteur attend toujours, quant à elle, quatre remplaçants pour ses élèves.
La mairie, interpellée, botte en touche et se range derrière l’institution : « Il n’y a pas de raison de penser que l’éducation nationale aurait pris une décision aussi grave sans qu’il y ait un problème ». Drôle d’argument. N’a-t-on jamais vu une institution prendre une « décision grave » pour des raisons inavouables ?
L’académie de Créteil, ces derniers mois, a lancé des appels à candidature pour devenir enseignant : niveau exigé : Bac +2. Quand, dans le département voisin des Hauts-de-Seine par exemple, le niveau requis pour candidater est à bac +3.
Une rupture d’égalité supplémentaire pour l’école en Seine-Saint-Denis ?
Vendredi 15 avril, une manifestation partira de l’école Pasteur à 11h30 vers la mairie de Saint-Denis (arrivée à midi) pour soutenir les six enseignants et exiger leur réintégration immédiate.