Un Dionysien gagne en justice. Le tribunal rejette des amendes délivrées par la police municipale au moment du confinement.

, par Rosalie Merteuil

Vous aviez peut être entendu parler de cette affaire. Elle se déroule en mai 2021. C’est depuis avril la troisième vague de l’épidémie de Covid, un troisième confinement a été instauré dès le 31 mars, assorti de plus grandes libertés dans les espaces extérieurs en comparaison des deux premiers confinements. Le 29 avril, Emmanuel Macron annonce le calendrier du déconfinement, celui-ci sera levé le 30 juin. Tout cela semble bien loin aujourd’hui. Pour certains dionysiens confrontés à de multiples amendes délivrées pendant le confinement – qu’ils dénonçaient comme abusives – le dénouement est tout récent. Récit.

Le 9 mai 2021, un groupe de personnes travaille à un projet artistique musical pour la sortie du confinement à la cité Langevin dans le local dévolu aux activités de l’AMAP. Le temps passe. La répétition prend fin, le groupe décide de dîner rapidement avant que chacun reprenne le chemin du retour. Il est 21 h15. Le couvre-feu commençait à 19h. Chacun se sait donc en infraction et donc susceptible d’être contrôlé et verbalisé.
Mais tout se passe autrement. Il est 21 h15 quand un équipage de la police municipale se présente devant le local. Les agents souhaitent y pénétrer, ce que les présents légitimement refusent. Les personnes présentes sortent une à une et sont invités à présenter leurs papiers d’identité.

Les personnes en question font l’objet d’un traitement très différencié. Des amendes sont délivrées a postériori de l’intervention, à certains, à d’autres non, d’autres font l’objet de plusieurs procès verbaux d’infraction et jusqu’à huit pour l’un d’entre eux.

Plus grave, et ce sera l’objet d’un courrier adressé au maire, Mathieu Hanotin, le comportement de la police municipale est mis en cause tant sur la procédure employée que sur la forme de l’intervention où des attitudes provocatrices se multiplient de la part d’un agent.

A nouveau, une intervention de la police municipale se produit le 27 mai, au même endroit, à l’issue d’une distribution de l’AMAP, au cours de laquelle le même agent se livre à des « commentaires inacceptables à connotations racistes » comme le souligne le courrier. Des agents pénètrent dans le local sans y avoir été invités ou autorisés par les membres de l’association.

Dans les mois qui suivent, parmi les personnes verbalisées, certains contestent, certains fatigués des démarches administratives qu’il faut entreprendre règlent l’amende, d’autres font de même pour éviter les majorations qui montent très vite. Certaines amendes sont dressées à quelques minutes d’intervalles pour le même motif !

Les montants sont conséquents et particulièrement pour l’un d’entre eux verbalisé de huit PV et dont la somme qui atteint 2805,00 euros fait l’objet d’une saisie administrative à tiers détenteur le 10 février 2022.

Convaincu de son bon droit, ne contestant pas deux amendes sur les huit qui lui sont infligées, il a en effet décidé de contester ce qui lui semblait abusif devant le Tribunal de police de Bobigny où lors de l’audience du 24 janvier, trois personnes présentes le 9 mai comparaissent comme témoins ainsi que « le prévenu ».

Au terme des auditions, le Tribunal le condamne à payer la somme de 135 et 100 euros au titre de « participation à un rassemblement interdit sur la voie publique dans une circonscription territoriale en état d’urgence sanitaire et devant faire face à l’épidémie de Covid 19 » pour la première et au titre de « déplacement hors du lieu de résidence sans document justificatif conforme dans une circonscription territoriale en état d’urgence sanitaire et devant faire face à l’épidémie de Covid 19 » pour la seconde.

Le Tribunal a ainsi reconnu dans son jugement au fond, le bien fondé de sa démarche en le déclarant non coupable de faits ayant fait l’objet de PV délivrés par la police municipale. Cette décision a été notifié début février 2023 à l’intéressé.

La justice est lente on le sait mais le temps est une des conditions de son exercice en toute sérénité . En revanche dans ce type d’affaire, le temps joue contre les personnes verbalisées qui lâchent l’affaire. Aussi il a fallu toute l’opiniâtreté de la personne incriminée et celle des témoins pour mettre un terme dans le cas présent aux conséquences des pratiques abusives qui se sont multipliées ça et là à l’occasion des confinements sur l’ensemble du territoire.
De nombreux témoignages, appels au secours de personnes devant faire face à des amendes, dont le cumul se montent à des milliers d’euros, se sont multipliés.

Cette affaire est riche aussi d’enseignements sur trois points :

– Tout d’abord l’attitude du maire, qui, selon nos informations, n’a daigné, pas plus que son adjointe aux discriminations Oriane Fihlol ou son adjointe à la tranquillité publique de l’époque Nathalie Voralek ou celle en charge de la vie associative, Sonia Rahbi, répondre au courrier qui lui a été adressé le 15 juin 2021 signé de 57 personnes dont le président de La Dionyversité. l’association qui exerce ses activités dans le local en question.

– Comme Premier magistrat, on regrettera aussi aujourd’hui que ni le maire ni son adjoint en charge des relations aux usagers, Kamel Aoudjehane ou la nouvelle adjointe à la sécurité, Gwenaëlle Badufle-Douchez n’ont fait part aux Dionysiens de cette décision de justice dans le magazine municipal pour inciter les justiciables à faire valoir leur droit quand la police municipale outrepasse les siens. Des excuses au justiciable innocenté ? Pour le stress, la saisie administrative, le temps passé…

– Sur le fond enfin localement, cette affaire attire une fois des plus l’attention sur le comportement de la police municipale. De multiples plaintes ont été déposées à son encontre. Le maire lui même le reconnait. Qu’en sera-t-il ? Affaire à suivre.

Plus généralement, elle incite aussi à alerter sur le processus qui se met en place peu à peu et qui à pour but, au motif de désengorger les tribunaux, de substituer à la procédure judiciaire le recours à des Amendes Forfaitaires Délictuelles sur la base d’un seul procès verbal établi par un agent de police.

La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) pointe à ce sujet trois points d’inquiétude majeure :

La généralisation de l’Amende Forfaitaire Délictuelle prive les justiciables des garanties fondamentales qu’offre la procédure judiciaire.
– L’AFD consiste à déléguer aux agents de police une fonction qui relève en principe de l’autorité judiciaire. Ce faisant, elle prive le justiciable de garanties fondamentales : le respect du contradictoire, l’individualisation de la peine pour tenir compte de la personnalité de l’auteur de l’infraction, de sa situation sociale et économique, le recours à des mesures alternatives par le procureur de la République (rappel à la loi, stage de citoyenneté, obligation de réparer le dommage occasionné par les faits délictueux).

La généralisation de l’Amende Forfaitaire Délictuelle engendre un risque d’arbitraire.
L’agent de police est seul à évaluer la situation et l’opportunité d’imposer une AFD. Accorder ce pouvoir aux agents de police expose inévitablement les personnes mises en cause à un risque d’arbitraire. Dans un avis de février 2021 sur les relations entre police et population, la CNCDH pointait déjà le risque de dévoiement de ce pouvoir de verbalisation, d’autant plus préoccupant qu’il laisse « le gendarme ou le policier seul dans l’appréciation des faits constitutifs de l’infraction, engendrant ainsi un risque d’arbitraire ».

Des garanties insuffisantes pour contester l’amende devant le Procureur.
Si, en théorie, le judiciaire est ainsi réintroduit dans la procédure, en pratique, les personnes renoncent le plus souvent à leur droit de recours, notamment pour des raisons financières : pour qu’une réclamation soit jugée recevable, le mis en cause doit consigner un montant égal à celui de l’amende forfaitaire, et si le juge estime que les faits sont établis, il devra prononcer une sanction supérieure au montant de l’amende forfaitaire. Ceci étant particulièrement dissuasif pour les justiciables, tout particulièrement les personnes les plus démunis.

On l’aura compris, cette affaire et le jugement du Tribunal pour tous les motifs évoqués ci-dessus devaient être portées à la connaissance de tous les Dionysien.nes. Partager l’information sera utile.