Lettre ouverte à Stéphane Troussel, Président du Conseil départemental de Seine Saint-Denis, des Collectifs d’habitant.es pour le maintien des arrêts de bus en centre-ville de Saint-Denis
Monsieur le Président,
Vous avez choisi le handicap et l’inclusion comme thème central du magazine départemental de juin 2023.
Les habitant.es de plusieurs quartiers de Saint-Denis (Saussaie-Floréal-Courtille, La Plaine, Centre-ville, Franc-Moisin) sont mobilisé.es depuis plusieurs mois pour le maintien de la desserte en bus du Centre-Ville, dans le cadre du réaménagement et du verdissement de la place Jean-Jaurès.
Comment ne pas voir une contradiction flagrante entre cette suppression et vos propos sur le handicap, par lesquels vous exprimez les orientations de fond du Département : faire que les personnes en situation de handicap aient les mêmes chances et les mêmes droits que n’importe qui dans la cité ?
Par-delà les mots, cela signifie avoir accès aux mêmes équipements, aux mêmes espaces de vie, de services administratifs, commerce, éducation, culture, sport que tout un chacun. Se pose le problème insuffisamment réglé de l’accessibilité de ces équipements, en particulier publics. Et bien sûr, se pose aussi la question de la mobilité permettant d’y avoir accès.
Nous disposons d’un service de bus RATP qui, jusqu’à présent, dessert le Centre-Ville de façon fine et surtout directe, et fait également le lien entre les quartiers et le Centre-Ville où sont concentrés (c’est presque la définition d’un Centre-Ville) la plupart desdits équipements. Si l’on peut faire un reproche à ce service de bus, c’est de n’être pas assez fréquent et par conséquent trop souvent bondé !
Ces bus (153, 253 et 239) sont fréquentés majoritairement par des Dionysien.nes, à l’intérieur de Saint- Denis, venant des quartiers ou habitant le centre-ville. Ils sont empruntés en particulier, pour aller et revenir des courses au marché, à Carrefour ou dans les différents commerces par des personnes fréquemment chargé.es de poussettes, caddies ou sacs lourds à porter. Ils sont également utilisés pour se rendre vers des équipements médicaux, y compris l’hôpital Delafontaine, à la Maison des séniors, à la Mairie, à la sous-préfecture, à la librairie La P’te Denise ou pour accéder au cinéma l’Écran.
Nous ne contestons pas la nécessité de verdir les places centrales, ni de restreindre davantage l’accès voitures sur ces espaces piétons, mais nous nous élevons contre la suppression programmée des transports en commun.
Il n’y a aucune raison pour qu’il ne soit pas possible d’avoir des arbres, des piétons ET des bus ! Nous ne demandons pas un service supplémentaire, seulement le maintien d’un service existant, indispensable à tous/toutes les Dionysien.nes, dont les personnes en situation de handicap.
L’inclusion, « avoir les mêmes droits » suppose de pouvoir faire les mêmes choses que tout le monde sans avoir à le demander. Les personnes en situation de handicap ne sont pas toujours « visibles » et si tout se passe bien c’est un signe d’inclusion. Que dire d’un.e jeune autiste, ou trisomique ou atteint.e d’un syndrome peu visible, pour qui on a pu organiser un circuit de mobilité en autonomie, vers son collège par exemple (qu’il/elle fréquente normalement grâce à l’aide d’une AESH - en nombre notoirement insuffisant - et qui se retrouverait maintenant devoir prendre une, voire deux correspondances, et dans des bus encore plus chargés pour avoir dû absorber les usagers des arrêts supprimés ?
Vous nous direz que des bus spéciaux seront mis à leur disposition comme à celle des personnes âgées. « Spécial » : n’est-ce pas ce que l’on devrait éviter ?
Outre qu’il s’agirait de services privés donc payants, cela conduit à tout le contraire de l’autonomie et du droit à la mobilité, in fine à l’inclusion.
Sans doute, les décideurs n’ont-ils pas été assez vigilants pour envisager toutes les conséquences de ce projet. Il doit être revu pour permettre le main’en de la desserte en bus du Centre-Ville de Saint-Denis et le lien entre les quartiers. L’existence de la voie-pompier obligatoire rend cela évidemment possible.
Les médias, ces derniers jours, font état de communes amenées à revenir en arrière sur l’extinction totale de l’éclairage la nuit, mesure prise pour limiter les besoins en énergie et pour le climat. On avait simplement oublié, ou pas écouté, les besoins de circula’on piétonne en sécurité la nuit, pour de nombreuses personnes, en particulier des femmes.
Il est toujours utile, pourtant rarement pris en compte, malgré les diverses lois et règlements, de partir des besoins des plus fragiles et des plus actifs, après l’organisation de concertations. Les décisions qui en découlent sont généralement bonnes pour l’ensemble de la population.
Il s’agit de la vie, de nos vies, et de manière plus fondamentale du Droit à la Ville, de l’égalité des droits. Ceux-ci doivent être respectés. Nous continuerons à l’exiger.
Saint-Denis, le 5 juin 2023
Pour les collectifs : Emilie Bulot (Plaine), Claudie Gillot-Dumoutier (Saussaie-Floréal-Cour’lle), Maryse Rimbault (Franc-Moisin), Sylvie Ritmanic (Centre-ville).
Contact : collectifshabitantsbus@lilo.org
Copies :
– Au conseil départemental : Stéphane Blanchet VP chargé de l’autonomie ; Silvia Capanema, Corentin Duprey, Oriane Filhol, Azzédine Taïbi, conseiller.es départementaux de Saint-Denis,
– A l’EPT Plaine Commune : Mathieu Hanotin, président de Plaine Commune, Philippe Monges 1er VP (Transition écologique, santé environnementale), Corinne Cadays-Delhome, (Lutte contre les discriminations et politiques d’égalité), Mathieu Defrel (Transports et déplacements), Dina Deffairi-Saissac (Usages de la Ville), Dominique Carré (Eco-mobilité).