Archipel de la culture ou triangle des Bermudes ? Douze questions sur la politique culturelle et patrimoniale à Saint-Denis.

, par Halim Al Karem

Le conseil municipal du 24 mars a été l’occasion pour la majorité municipale d’une mise en cause de l’ancienne municipalité à propos de « son absence de politique culturelle ». L’adjointe au maire Nadège Grosbois, en charge de la Culture et du patrimoine, tenait le rôle du procureur. Le réquisitoire était violent. Avait-il pour fonction de faire oublier la réalité des premières mesures de la nouvelle municipalité ? De ne pas parler chiffres, de budget ? Ou d’occulter tous les dossiers pour lesquels chaque dionysien est en droit d’obtenir quelque élément d’information et dont on ne sait rien ? Un maire-adjoint zébulon vibrionnant qui lorgne sur la délégation d’une adjointe en charge, elle-même grande inconnue, avant sa nomination, des acteurs, lieux et équipements culturels de la ville, font-ils politique culturelle ? L’inquiétude grandit dans le secteur quant à l’avenir de nombreux lieux.

Marquer la ville de son empreinte, cela a été pour la nouvelle municipalité faire table rase en effaçant le projet de Conservatoire (quoiqu’on pense du programme ou de son implantation) au profit d’un hôtel de police et d’un nébuleux archipel de la culture dont on ne voit pas la première île émerger.

Marquer la ville de son empreinte, c’est pour la municipalité se projeter en 2028, en combinant stratégie de marketing territorial vecteur d’attractivité et invocation d’un mantra « Capitale européenne de la culture » qui confine à l’hypnose, le tout sans qu’on en perçoive le début d’un fondement un tant soit peu concret.

A cet hypothétique et stratosphérique label de capitale européenne de la Culture, permettez, puisque adjointe au Maire en charge de la Culture et du patrimoine vous en avez parlé lors du conseil municipal du 24 mars, d’y opposer nos minuscules préoccupations qui ne sont pas périphériques mais enracinées ici et maintenant car nous croyons nous aussi une féérie culturelle possible mais …

– où en sommes nous à Saint-Denis, où en êtes-vous, pour conforter la pérennité du 6 B, une des rives de cet archipel de la culture, où en êtes-vous du projet concernant le site dit des Ecuries, au bord du canal, au nord du 6B ?

– où en sommes nous à Saint-Denis, où en êtes-vous, et quel avenir entendez-vous réserver à La Briche pour préserver ce lieu de ce que d’aucuns aimeraient n’en faire qu’une vitrine aseptisée, vectrice de plus value immobilière, allez-vous maintenir dans le PLU (Plan Local d’Urbanisme) actuel le lieu en "zone verte et paysagère, dévolue aux activités culturelles" ?

– où en sommes nous à Saint-Denis, où en êtes-vous de l’avenir de l’Orfèvrerie, l’ancien site de l’entreprise Christofle, peuplé d’artistes, d’artisans au moment où Quartus se départit déjà de son acquisition au profit d’une autre société ? Quel projet s’y construit ? Quel engagement avez-vous pris vis-à-vis de ceux qui y exercent leurs talents créatifs ? Quelle exigence avez-vous formulée au repreneur ?

– où en sommes nous à Saint-Denis, où en êtes-vous de l’avenir, de la préservation, de la mise en œuvre de mesures conservatoires pour la Maison Coignet, une question soulevée par un des intervenants en conclusion de l’échange (échange intime – dirons-nous –, car peuplée de seulement 25 personnes dans l’hôtel de ville, salle de la Résistance) concernant la flèche de la Basilique ?

– où en sommes nous à Saint-Denis, où en êtes-vous des échanges avec la Société du Grand Paris du lieu culturel au sein de la gare du grand Pleyel, lieu de destination métropolitain devant être ouvert aux habitants du quartier ?

– où en sommes nous à Saint-Denis, où en êtes-vous du devenir de la halle de décuvage à Pleyel, à quelques mètres du Village olympique, témoignage comme la halle Maxwell du passé industriel, de l’architecture des années 30 ?

– où en sommes nous à Saint-Denis, où en êtes-vous du devenir des Cathédrales du rail à La Plaine, avec qui le projet en cours a été discuté, construit ?

– où en sommes nous à Saint-Denis, où en êtes-vous de vos annonces de réhabilitation et d’aménagement de la grande salle de la Bourse du travailpour en faire une salle de spectacle ?

– où en sommes nous à Saint-Denis, où en êtes vous de votre « volonté » semble-t-il affirmée de conforter le cinéma L’Ecran, d’assurer sa pérennité, de permettre son développement en respectant ses choix de programmation ?

– où en sommes nous à Saint-Denis, où en êtes-vous du fonds de soutien de mécénat privé adopté au conseil municipal en 2021 dont vous avez motivé la création au motif que celui-ci pourrait pallier aux baisses des subventions de la ville à l’Ecran et au TGP.

– et où tout cela est-il discuté ? Partagé ? Construit ? Avec qui ? Comment ? Ici et maintenant à Saint-Denis ?

enfin, puisque c’est par là que vous avez marqué la ville de votre empreinte où en sommes-nous à Saint-Denis, où en êtes-vous de votre projet, après avoir abandonné la Maison des pratiques amateurs, dont vous n’avez cessé de dire qu’elle restait une de votre ambition pour cet archipel de la culture ?

Entre promesses et silence inquiétant sur de multiples sujets, votre archipel de la culture s’apparente à ce jour, faute d’information, de transparence, de visibilité, Madame l’adjointe au Maire, au triangle des Bermudes.