Catégorie des toboggans. Quelques passants nous ont rapporté s’être interrogés sur la fonction de cette structure n’identifiant pas d’une façon évidente sa nature. Certains penchaient même pour une structure liée au chantier. Production de granulats ? Injection de matière dans le sol ?
Certains y ont même vu des ressemblances avec les mini-centrales à béton. Le caractère froid, métallique, industriel de la matière y contribuant pour beaucoup d’autant que la forme, la configuration, le dessin général s’en rapproche.
La structure est incomplète, le long de la mairie un tronçon attend d’être raccordé.
Dôtés de bon sens, nous nous sommes dit que l’implantation d’une mini centrale à béton dans un projet de végétalisation massive de la place Jean-Jaurès n’avait aucun sens. Que viendrait donc faire ici une mini-centrale à béton au milieu des 120 arbres annoncés ?
Du coup, nous sommes allés voir. Et avons pris quelques clichés. A la vue de la structure, de son dessin, du matériau, si le propos restait ubuesque nous sommes restés interloqués devant l’ouvrage.
Rassurez-vous c’est bien une structure de jeux, communément dotée d’une déclinaison faisant office de toboggan. Selon nos informations, c’est le groupe Loiseleur qui est missionné pour son installation.
Cette société l’a-t-elle elle-même conçue ? On ne sait pas, mais sa conception a été obligatoirement présentée, décidée à Plaine Commune puis partagée et approuvée en bureau municipal à Saint-Denis. Mathieu Hanotin s’est donc mis d’accord avec lui-même.
Une structure de jeux-toboggan inspirée d’une version classique comme ci-dessous mais prévue place Jean-Jaurès dans une version XXL au look techno-industriel.
Des esquisses à la réalité
Mais d’où vient cette idée ? On s’est reporté à quelques images de l’Agence Base qui a été retenue pour le projet d’aménagement de la place. Pour en concevoir le design urbain. Cette structure est-elle la traduction de ce que l’on voit sur leur esquisse, de couleur mordorée au même emplacement que celle aujourd’hui en construction ?
Sur l’esquisse si on devine à peine ce que cela peut-être, in situ et en vrai cela est très différent. Bien que non achevée plusieurs passants ont eu à la bouche cet avis tranché, spontané, direct : « C’est moche ».
On rétorquera que les goûts et les couleurs… mais c’est quand même se faire un peu violence qu’osez dire le contraire.
En regardant d’autres esquisses de l’Agence Base on y a découvert des propositions plus harmonieuses, plus équilibrées, plus apaisées, plus en phase avec le projet de végétalisation intense tant vanté et qui n’ont donc pas été retenues. Quelque chose s’apparentant à des structures sphériques, ludiques, colorées. On a trouvé un exemple de réalisation mais on le voit aucun rapport avec ce qui se met en place.
L’esprit des formes
On a poursuivi notre recherche et on a trouvé d’autres exemples possibles. Nous le savons il y en a d’autres. Répétons le, c’est à titre d’exemples.
Puis nous avons poussé plus loin, conquis par le concept de végétalisation, avec une approche bas carbone pour possiblement le décliner dans des supports de jeux, dans le choix de la matière, dans des bancs de repos ou pour l’habillage d’une partie des 120 arbres à venir et nous avons trouvé.
Et en matière de toboggan comment faire silence sur le travail de l’Atelier David Steinfeld et de ses réalisations comme celle à Pessac, ville de 60 000 habitants en Gironde. La rampe du toboggan c’est ici la langue d’un triton. Tout en bois…
Encore une fois ce n’est qu’un exemple, d’autres design sont possibles mais cela nous a semblé, dirions nous, a minima plus beau tout en répondant aux fonctions désirées. Les goûts et les couleurs, ok, mais quand même !
Nous avons même trouvé des brumisateurs conçus, dessinés à l’image de petites sculptures verticales, d’une esthétique plus légère, moins invasive.
Mais non. Mathieu Hanotin et Katy Bontinck tenaient à répéter à l’infini le dessin, la forme d’une arche. Au sol, en pavés, en allée de brumisateurs… partout. Le patrimonial à tous les étages, à toutes les – mauvaises – sauces. Nous aurons donc une arche de brumisateurs.
Un aménagement d’ensemble sans le parti pris de cantonner les enfants dans l’espace aire de jeux était possible en variant les formes d’un mobilier hybride, à usages multiples.
Hybride ? Non, jusque dans la conception d’un nouvel espace public et son mobilier, la ville, la rénovation dite elle aussi équilibrée semble bien pensée comme séparée, fragmentée, on y accroit l’espace-temps entre centre-ville et périphérie en y expulsant des bus. On y segmente a priori déjà les usages de la future place.
Secteur protégé ?
L’aspect peu qualitatif de l’ouvrage à quelques mètres de la Basilique surprend aussi, la municipalité ne cessant de nous rebattre les oreilles de sa passion patrimoniale.
L’architecte des Bâtiments de France n’aurait-il rien trouvé à redire ? On est bien à moins de 500 mètres de la Basilique, en secteur protégé, la co-visibilité de la Basilique et de la structure-toboggan est incontestable. L’architecte des Bâtiments de France aurait donc donné selon la réglementation un avis favorable à l’érection de cette structure ?
Quitte à implanter un toboggan pourquoi ne pas avoir visé un travail spécifique avec des locaux ? Fous que nous sommes, pourquoi pas le confier à des artistes dionysiens du côté de la Briche ou de l’Orfèvrerie ? Il parait qu’ils en existent. En pariant bien sûr sur du solide, du durable, du bas carbone, du résilient même – on utilise ici le vocabulaire qu’affectionne le maire dans la presse – dans le cahier des charges.
Mais là c’est trop en demander.
A-t-on interrogé d’ailleurs quelques enfants sur ce qu’ils souhaitaient. Des ateliers d’échanges ont-ils eu lieu ?
Si l’on s’en tient à ce qui est demandé aux adultes quant aux projets urbains, il y a, nous le craignons, de fortes chances pour qu’il en aient été de même.
Et maintenant ?
Bien entendu en définitive les enfants investiront la structure, y joueront tant ils sont capables de s’emparer de n’importe quel support et y projeter leur imaginaire et leurs relations. Et l’on nous expliquera que c’est là l’important.
Ils auraient tout autant joué avec une réalisation plus qualitative. On nous dira que
les enfants ne se préoccupent pas – ce n’est pas leur affaire ! – de ce genre de questions.
N’auraient-ils pas droit à la plus grande attention à ce que l’on propose à leurs premiers regards ? La forme n’aurait-elle aucune importance ?
On se rappelle pourtant que Katy Bontinck, première adjointe en charge de la rénovation urbaine, avait souligné que lors de la consultation pour l’aménagement de la place Jean Jaurès et ses abords c’est la proposition du traitement du sol (la répétition du motif de l’arche) qui avait enthousiasmé et fait pencher la balance en faveur de l’agence retenue.
Voilà pour la forme.
Au regard de la fonction de l’objet, une question : les enfants ne risquent-ils pas d’y avoir un peu trop chaud l’été prochain ? Les tubulures en métal ne décupleront-elles pas à l’intérieur les effets des prochaines canicules à venir ? Le métal fera-t-il bon ménage avec les jeunes peaux ?
Ouille, ça brule ! Trop dommage ?
PS : Merci à Auguste Lafarge pour les clichés de l’ouvrage.