Grave accident du travail sur le chantier du Village Olympique lundi 24. Le lendemain, des élus en visite sur le site n’en disent pas un mot.

, par Rosalie Merteuil

On apprend beaucoup de choses sur Facebook. Au pire, du futile jusqu’à l’insondable, de l’intime jusqu’à l’exhibitionnisme, du sérieux parfois, de l’info souvent, au mieux du contact, du lien, de la solidarité.
On y trouve aussi des silences qui valent mille discours. Du silence sur ce qui gêne.
Des silences sur des faits dont on choisit volontairement de ne pas parler. Des silences redoublés d’images et de propos insipides fait pour gommer le réel, pour communiquer.
Illustration ?
Le lundi 24 janvier un très grave accident du travail se produit sur le chantier du Village olympique, rue Ampère.

C’est un accident qui vient s’ajouter au dernier, mortel, survenu le 5 janvier sur le chantier de la gare du Grand Paris Express.

Le mardi 25 janvier, des élus reçoivent sur le quartier Pleyel une délégation britannique à l’école Anatole France suivi d’une visite sur le chantier du Village.

Une visite certes prévue de longue date, pour autant le grave accident survenu la veille – que les élus ne peuvent ignorer – ne conduit pas à l’annulation de la visite du chantier. Dont acte.

Ils communiquent le jour même sur la visite via le Facebook de l’élue Leyla Temel, de l’élu Rabia Berrai, ils sont sur la photoainsi que Shems El Khalfaoui. Le Maire communique lui via twitter sur l’événement.

Sur l’accident de la veille, pas un mot. Un communiqué du Maire ? Rien. Sur le site de la ville ? Rien. Sur le Facebook du Maire ? Rien. Rien de rien.

Leyla Temel ne résiste pas à faire part de sa joie dans son post sur Facbook du 25 janvier à 13h30 :

« Ravie d’avoir accueilli avec mes collègues Rabia Berrai, élu à l’international et Shems EL Khalfaoui, élu aux JOP, grands événements et au sport, Monsieur l’ambassadeur adjoint de British Embassy Paris accompagné d’une délégation. L’occasion d’aborder, aux côtés des représentants de l’éducation nationale, des pistes de travail pour développer notre programme de renforcement de l’apprentissage de l’anglais à l’école.
Nous avons profité de notre présence à Pleyel pour assister à une représentation de Hip-Hop à l’école Anatole France organisée en lien avec USEP 93 ! Bravo et merci à eux et aux enfants et à leurs enseignants !

Enfin, passage par le chantier du Village Olympique … quel chantier ! Toujours très impressionnant de voir à quel rythme les choses avancent ! Drapeau anglais déployé pour l’occasion !! Merci à la Solideo ! »

Quel rythme ! Oui à quel prix ? Ca ne vous effleure pas l’esprit, ne serait-ce qu’un instant, Mme Temel ?

Rabia Berrai n’est pas en reste dans son post du même jour, le 25, mais plus tardif à 21h47.

On y enfile les truismes sur l’apprentissage d’une langue (étrangère), la plasticité proverbiale du cerveau des enfants pour les langues, la découverte du monde en prime.

« Avec mes collègue Shems EL Khalfaoui et Leyla Temel, nous avons accueilli l’Ambassadeur de Grande Bretagne en présence des représentants de l’éducation nationale en vue de lancer le programme de l’apprentissage de l’Anglais à l’école.
L’éveil aux langues nourrit intimement et, de manière privilégiée, deux domaines : Mobilisation du langage dans toutes ses dimensions et Explorer le monde .
L’immense richesse perceptive des très jeunes enfants permet en effet de les sensibiliser, dès l’école maternelle, aux sonorités de différentes langues.

Une occasion également de visiter avec la délégation anglaise l’immense chantier du village olympique. »

De l’accident de la veille, toujours pas un mot. Rien. Immense chantier. Immense silence.

Et rien du côté du Facebook de Shems El Khalfaoui.

On se dit que peut-être du côté de Plaine Commune, du côté du président, un tweet de Mathieu Hanotin, quelque chose. Là non plus rien.

Surtout ne rien dire sur ce qui viendrait gâcher la fête. On pense ici au propos de Didier Lombard, ex-P-DG de France Télécom-Orange, dont le procès a eu lieu de mai à juillet 2019, qui, évoquant les suicides au sein de l’entreprise, déclarait « Cette histoire de suicide, c’est terrible, ils ont gâché la fête. »

Cette phrase figure en exergue du remarquable Personne ne sort les fusils de Sandra Lucbert. A lire et relire. Une histoire là aussi de langue, non pas étrangère qu’il serait bon d’apprendre mais d’une autre nature, totalitaire, oppressante : celle du management.

Tous ces hommes et femmes de progrès, de gauche, comme ils se définissaient lors du conseil municipal du 4 juillet 2020 ont fait un choix : se taire sur ce qui s’est passé la veille.

A l’image du titre d’un éditorial du Monde daté du 29 janvier : « Les accidents du travail tuent en silence ».