« Pour le moment ça tient… », c’est ainsi qu’a répondu Olivier Rougier, le directeur général
Si le bailleur Plaine Commune Habitat a dû lâcher du lest pour alléger la charge des locataires les plus endettés en mettant en place dès la fin du confinement un fond de soutien « spécial Covid » de 200 000 €, en complément de toutes les autres aides possibles cela ne peut suffire. En effet, à la crise du Covid s’est rajouté la hausse des prix des matières premières et de l’énergie en particulier. Cette hausse affecte directement les charges de chauffage et d’eau chaude des locataires.
Il faut savoir que les gestionnaires des réseaux de chaleur qui assurent le chauffage et l’eau chaude dans les logements collectifs et les collectivités publiques, depuis la dérégulation d’EDF/GDF, doivent acheter l’énergie sur le marché mondial. On voit donc des bailleurs de 10 ou 20 000 logements passer des contrats d’achat du gaz sur le marché concurrentiel, ce qui est une aberration !
Certains ont fait de bonnes affaires, comme Seine-Saint-Denis Habitat, passant des contrats pour 3 ans, à des taux très bas, avant les hausses de 2022. D’autres, pris à la gorge, ont été obligés d’acheter du gaz à des tarifs exorbitants. À Plaine Commune, l’utilisation des énergies renouvelables comme la biomasse ou la géothermie permet de couvrir 50% de la consommation et protège partiellement les locataires de la hausse des prix des énergies fossiles.
Un bouclier tarifaire largement insuffisant
La protestation et les mobilisations ont amené le gouvernement en février 2021, à étendre aux bailleurs sociaux et aux copropriétés le bouclier tarifaire applicable sur le prix du gaz. Cependant ce bouclier a été très compliqué à mettre en œuvre et il n’a pas été à la hauteur des annonces. Il a fallu six mois pour que les bailleurs encaissent cette aide qui pour Plaine Commune Habitat ne couvre que 13% de la hausse de l’eau chaude et du chauffage pour l’année 2021, laissant à la charge des locataires les 87% restant.
Plaine Commune Habitat, constatant la forte hausse du gaz dès septembre 2021, a anticipé ses conséquences et a augmenté les provisions de charges de chauffage et d’eau chaude dès le mois de janvier 2022 de 50 à 100 € en moyenne par mois et par locataire. Résultat : des centaines d’appels de protestation, des locataires assiégeant les agences, un rassemblement devant le siège de PCH le 9 février puis le 11 mars, à l’appel de toutes les associations et collectifs (du jamais vu !), rassemblant à chaque fois une centaine de locataires exigeant le gel des charges et des loyers.
A cause du bouclier tarifaire dont le bailleur n’avait pas le montant en juin 2022 la régulation des charges 2021 a été reportée au mois de décembre 2022 et sera applicable sur les quittances de janvier 2023.
Janvier 2023, un mois chaud pour les locataires… pourtant juste chauffés !
Les provisions de charges payées depuis janvier 2022 au titre du chauffage et de l’eau chaude risquent d’être insuffisantes malgré le bouclier tarifaire gouvernemental. Le prix du gaz en 2022 a continué de grimper de façon exponentielle et qui sera payé par les locataires en 2023. Dans la logique 2021, le bailleur va augmenter les provisions de charge d’eau chaude et de chauffage, même si le gouvernement a annoncé la prolongation du bouclier tarifaire. La hausse du loyer de 3,6%, a été annoncée et votée lors du dernier CA de Plaine Commune Habitat. Cette hausse correspondant au montant de l’IRL (l’indice de référence des loyers) et plafonnée à 3,5 % est d’un niveau exceptionnel et représente une augmentation de 15 € pour un loyer de base de 500 €.
Dans un contexte d’inflation, alors que les revenus ne suivent pas, la colère est grande chez de nombreux.es locataires. Elle a été exacerbée par la façon dont le bailleur a géré le lancement du chauffage collectif en ce début d’automne. Suite à la décision gouvernementale de limiter les températures dans les logements collectifs à 19°C, le bailleur a répercuté cette mesure pour les logements du parc de l’office et a décidé de retarder jusqu’au 26 octobre le premier jour de chauffe. De plus, le bailleur n’a pas les moyens de gérer précisément cette restriction. Le parc de logements est inégalement isolé thermiquement et dans les conditions météo de ce début novembre, peu froides et humides, nombreux.es ont été celles et ceux qui se sont retrouvé.es à 17°- 18° dans les appartements. Colère, protestations, standards bloqués, délégations massives, n’ont pour le moment pas fait bouger le bailleur qui n’a même pas prévu une quelconque concertation et reste insensible à la question.
Une situation insupportable.
À Aubervilliers les locataires qui manifestaient le 17 novembre devant l’OPH contre la hausse des loyers de 3,5% et le manque de chauffage, brandissaient des pancartes « ça va chauffer ! » et « on paiera rien du tout ! ». Le « Pour le moment ça tient… » de la direction de Plaine Commune Habitat résume bien son état d’esprit, sans empathie pour ses locataires. Pas de positionnement de soutien contre les hausses, ni d’interpellation publique des pouvoirs publics. Sa seule feuille de route : présenter la facture aux locataires, chercher les meilleures façons de les faire payer tout en sachant qu’il y a une limite à ne pas dépasser. Quelle ambition pour un bailleur social !
La politique alternative serait de considérer que les locataires ne sont pas responsables de l’inflation et que ces hausses sont illégitimes. Ce n’est pas à celles et ceux qui vivent déjà la sobriété au quotidien, qui ont le moins de responsabilités sur la crise climatique d’être mis à l’amende de façon brutale et autoritaire. Il est temps d’imposer la maitrise du prix de l’énergie, d’empêcher la spéculation en garantissant un prix fixe du gaz et de l’électricité valable pour tous les bailleurs. La part du logement dans les dépenses des ménages ne fait qu’augmenter pour atteindre un niveau insupportable. Il y a urgence à limiter cette part à 20% maximum des revenus de chacun.e. La gravité de la situation a au moins le mérite de réaffirmer cette double exigence : le logement n’est pas une marchandise, c’est un droit qui ne doit pas être un gouffre financier pour les locataires.
Jean-Marc Bourquin, DAL (Droit Au Logement), représentant élu des locataires à PCH.