L’auteur de ces lignes ayant été en charge du quartier Pleyel-Confluence et Porte de Paris dans le cadre de mon mandat de maire adjoint sur la période 2014-2020, il m’a paru, à l’issue de la réunion, indispensable pour les habitants du quartier de revenir sur l’exposé du Maire.
Nous nous excusons par avance auprès des lecteurs du caractère "aride" de cet article, mais comme chacun sait, le diable est dans les détails.
Plaine Commune, la direction de quartier, l’agence List, absents ou invisibles, le maire en conférencier…
Soulignons d’abord, mais faut-il encore s’en étonner, que pour la présentation d’un projet urbain il ne soit pas fait appel, pour l’exposer dans ses grandes lignes, ni aux services de Plaine Commune ni à l’agence (List) qui a été sollicitée pour la nouvelle étude urbaine sur un périmètre couvrant la ZAC Néaucité, la ZAC Confluence Sud jusqu’à la A86.
En conseil municipal, Mathieu Hanotin parle beaucoup, introduit les rapports, répond aux questions et fait la conclusion, c’est la même chose en réunion publique. La commande politique, le portage politique d’un projet urbain justifie l’intervention du politique dans une réunion.
De là à occuper toute la place, y compris en ne laissant à l’élu du quartier, Antoine Mokrane, que le rôle d’apporter des réponses techniques sur la capacité des bornes de collectes enterrées, dit beaucoup de la manière de faire et de penser du maire.
L’adjoint à l’urbanisme et à l’aménagement durable, Adrien Delacroix, n’aura pas pour sa part parlé Urbanisme et Aménagement mais de logement et aura vu son rôle réduit, en réponse à une question de la salle, à expliquer que la nouvelle municipalité fait de l’accession sociale à la propriété laissant insidieusement penser que c’est une innovation de son crû.
Deux omissions volontaires et de taille en tout cas dans sa brève intervention : l’accession sociale à la propriété a été initiée par l’ancienne municipalité dans le cadre de la CAPS, créée dès 2007 et qui a livré de nombreux programmes dès 2010 à Saint-Denis et sur d’autres villes de Plaine Commune y compris à Néaucité. Si la nouvelle municipalité a augmenté le ratio d’accession sociale dans les programmes à venir c’est dans le cadre du Bail Réel Solidaire qui diffère de ce qui était pratiqué précédemment. Le prix d’acquisition est bien toujours minoré par rapport au prix du marché mais ne permet pas d’accéder à une pleine propriété, le BRS conduisant pour l’acquéreur du bâti à la location du foncier dont la collectivité ou un organisme public reste propriétaire. La différence est notable et quoi qu’on pense du Bail Réel Solidaire, pour la bonne compréhension du sujet et le respect des interlocuteurs il n’est pas très honnête de se livrer à ces deux omissions.
Laissons cela de côté bien que ce ne soit pas anodin. Passons à la présentation du nouveau projet urbain.
Un « nouveau » projet urbain de rupture ou en continuité ?
Là aussi, la présentation n’est pas très honnête. Sur la base d’une image du programme initial de Néaucité conçu et porté au début des années 2010 par trois structures successives, initialement Brémond acquéreur du site en 2000, puis Ardissa puis Quartus, le maire a présenté le nouveau projet urbain ce samedi 11 mars 2023 comme un projet de rupture. La réalité, la vérité, les faits auraient du le conduire à présenter celui-ci comme le prolongement des évolutions et orientations déjà prises depuis maintenant plusieurs années, la première tranche de Néaucité ayant été livrée il y a presque une décennie au cours de l’année 2014.
Continuité avec le choix de la précédente municipalité de dédensifier le programme général, de ne pas construire le nombre de logements initialement prévu dans la phase 3 du projet et cela pour plusieurs raisons.
Construire ou ne plus construire, une orientation déjà ancienne
Concernant le lot B4 rue de la Confluence : pour de multiples raisons au regard de la qualité du cadre de vie et d’ordre environnemental m’ont conduit en tant qu’adjoint à l’époque, à décider de ne pas construire sur cette emprise pour :
– ne pas exposer de futurs habitants aux nuisances sonores au vu de la proximité du faisceau ferré où transitent 900 trains par jour,
– conserver le maximum de pleine terre et de végétation en préservant une continuité le long du canal entre les bâtiments de la rue de la Confluence et le 6B,
– réserver un espace en toute proximité pour des usages ludiques ;
autant de considérants auxquels s’ajoutait la demande des habitants des immeubles déjà construits à l’Ouest de ne pas masquer leur vue sur le canal. Voir les documents dans le portfolio.
C’est d’ailleurs dans cet esprit de protection que j’avais stoppé deux programmes, l’un sur Porte de Paris prévoyant la construction d’un Institut Thérapeutique, Éducatif et Pédagogique ( ITEP) au bord de l’autoroute A1 à Porte de Paris (pour le repositionner au sein de la ZAC Confluence), l’autre sur le quartier Pleyel-Confluence s’agissant d’un programme d’habitation prévu au 67 boulevard de la Libération vu sa proximité avec la A86. Ces décisions étaient fondées sur mes convictions, elles ont été par la suite confortées par des orientations construites collectivement et traduites dans des documents stratégiques de Plaine Commune.
Une Orientation d’Aménagement et de Programmation (OAP) Environnement et Santé ignorée
En effet, cet abandon de l’engagement pris auprès des habitants à Néaucité est d’autant plus étonnant qu’il est contraire à l’esprit des OAP retenues dans le cadre des travaux d’élaboration du PLUI, avec une OAP Environnement et Santé prescrivant de ne pas construire dans des secteurs où de fait les futurs habitants seraient soumis à des nuisances environnementales qu’elles soient atmosphériques et/ou sonores (voies à grande circulation, autoroute, faisceau ferré). Une OAP construite dans le cadre des réunions organisées à Plaine Commune par la délégation à l’écologie urbaine pilotée par Philippe Monges, élu de l’île Saint-Denis, aujourd’hui 1er vice-président à Plaine Commune en charge de la Transition écologique, du climat et de la santé environnementale.
Des engagements d’abandon du programme B4 avaient été pris vis à vis des habitants, ce sujet paraissait si important qu’il avait fait l’objet d’une demande de confirmation écrite de la part d’une personne exerçant comme agent immobilier, le courrier adressé ayant sûrement pour but de rassurer un acheteur des bâtiments faisant face au lot B4 (voir document joint). Un document de l’agence ANMA, l’agence d’urbanisme ayant conçu le plan masse de la ZAC et coordonnant plusieurs cabinets d’architecture témoigne de l’abandon du B4. D’autres options travaillées par le même cabinet avaient été proposées et toutes avaient été abandonnées. Voir le document numéroté 2 sur 6 dans le portfolio.
Le commentaire du maire s’agissant des nuisances sonores qu’auront à subir les futurs habitants du B4 est consternant : « La question des nuisances a été prise en compte et d’ailleurs ces bâtiments protègeront des nuisances sonores le reste du quartier ».
Il n’y a pas plus éclairante manière de reconnaître les nuisances que vont devoir supporter ceux qui vivront face au faisceau ferré et en particulier du pont ferré. La perspective présentée des bâtiments est soignée, le geste architectural a l’élégance classique, un cycliste passe, trois canards s’égaient dans le canal, ne manque que le bruit des 900 passages de train par jour.
Le lot L, tout logement ou mixité de l’îlot ?
Outre la dédensification avec le renoncement du programme B4, nous avions aussi opposé à Quartus notre refus de construire du logement sur le lot L. Il ne nous est pas apparu pertinent de construire des logements au droit de la station du tramway T1, donnant sur la place des Confluences, là aussi pour des raisons de nuisances sonores potentielles. Initialement la programmation envisageait des bureaux.
Aujourd’hui, rien n’interdit dans la programmation retenue par la nouvelle municipalité au regard de la volonté de construire un quartier mixte de programmer des activités sur le lot L, a minima sur la façade donnant sur le tramway, adressée place des Confluences et à l’est, des logements pouvant eux être développés sur la façade Ouest, en cœur d’ilot et au nord.
On peut d’ailleurs s’interroger non pas sur la volonté de réaliser un programme le long de la place des Confluences mais sur l’émergence d’un bâtiment signal face au lot L programmé en logements familiaux, celui-ci obérant l’exposition sud dudit lot L.
Au niveau du 6B et le long de la Seine vers le nord : des raisons d’ordre patrimonial et paysager avaient conduit aussi à ne pas construire devant le 6B pour préserver tant la vue sur le bâtiment à partir de l’ouest et la vue sur la Seine à partir de celui-ci.
Un « compromis »… sur la base des attentes de Quartus !
Il est particulièrement regrettable de revenir sur les engagements pris vis à vis des habitants d’autant que construire le B4 et programmer des logements sur le lot L est présenté par l’actuelle municipalité comme un « compromis ». Les habitants n’ont pas que je sache contribué à construire ce dit « compromis ».
Si les mots ont un sens, ce n’est pas un compromis. Quartus obtenant ce que nous refusions : construire sur le B4 et le lot L programmé exclusivement en logements.
S’agissant du « compromis » évoqué à maintes reprises par le maire et qualifié de « bon compromis » au regard du contexte financier et juridique, la transparence et la communication du bilan de l’opération pour Quartus et du bilan de la ZAC pourrait contribuer à étayer le propos du maire, encore faudrait-il que les bilans des opérations d’aménagement soient présentés en conseil municipal comme il était d’usage de le faire dans les précédentes mandatures.
S’agissant de la phase 3, j’avais pour ce qui me concerne fait part de mon souhait de ne pas construire au nord du 6 B, seule la réalisation d’un l’immeuble signal (R+15) à l’extrémité nord de l’emprise me semblait réalisable à condition qu’il soit accompagné d’un parc, élément aujourd’hui retenu dont je me réjouis, permettant que se développent des activités relevant de l’écologie urbaine et de l’éducation à l’environnement portées communément par des associations (Engrainage, le 6B, ses résidents) et les habitants de Néaucité.
Devant notre refus de poursuivre aux conditions de Quartus, celui-ci entendait se désengager et revendre le foncier. C’était « l’état des lieux » à la fin de la mandature, les discussions menées par les services de Plaine Commune étaient en cours avec Quartus.
Une autre voie possible à l’échelle du quartier
Bien entendu les choix politiques conduisent à assumer des coûts. Le renoncement politique de la municipalité actuelle à ne pas construire la Maison des pratiques amateurs n’a-t-il pas conduit à dédommager le cabinet d’architecte retenu ?
Le renoncement à construire le B4 et reconsidérer la phase 3 impliquait de négocier avec Quartus. Déjà présent sur le territoire et le quartier puisqu’il s’était porté acquéreur de l’Orfèvrerie (anciens établissements Christofle) pour s’en départir dès l’année dernière par phases successives auprès d’une autre société, (la municipalité actuelle n’a pu que donner son accord à cette cession) des marges de négociation semblaient largement exploitables.
S’il s’agissait pour Quartus de retrouver des droits à construire ceux-ci pouvaient en tout état de cause être reconstitués en dehors du périmètre strict de Néaucité, (sur la ZAC Confluence sud et au-delà), a fortiori quand il y a une volonté d’élargir le périmètre de réflexion et d’intervention de la puissance publique comme cela a été défendu dans l’exposé du maire.
La ZAC Confluence Sud, rupture ou continuité ?
Cette ZAC fait partie du périmètre élargi de l’étude urbaine qui a été présenté là encore comme une innovation conduisant à de nouvelles orientations. Un périmètre d’étude élargi, l’évocation de la ville fluviale, la place majeure redonner à la Seine comme armature physique à laquelle il faut arrimer le quartier conduit à s’interroger sur le choix fait par la municipalité actuelle de détacher le secteur Confluence du quartier Calon et de Pleyel pour le rattacher au grand centre ville. La cohérence du devenir urbain n’est ainsi pas pleinement assumée. Ce n’est pas la réalisation du FUP qui donnera une cohérence urbaine entre La Plaine et Pleyel, même « habité » d’activités le franchissement n’effacera pas les particularités des deux quartiers certes trop longtemps séparés mais dont l’identité et le développement diffèrent.
Les études urbaines commandées par la précédente mandature indiquent que les grandes orientations présentées par le maire le 11 mars comme une rupture étaient déjà présentes, retenues et validées.
L’économie générale du projet, l’ouverture vers le fleuve, les percées est-ouest, les objets patrimoniaux identifiés, la réalisation d’un grand parc central, des activités développés le long des voies ferrées, tout était déjà présent. Les perspectives de franchissement (canal et faisceau ferré) de plus long terme évoquées le 11 mars étaient déjà elles aussi à l’esprit des services de Plaine Commune et des élus.
Une réunion de novembre 2019 en témoigne (document téléchargeable). Il soulignait d’ailleurs l’évolution entre deux études urbaines, celle conduite par Faubourg 234 en 2016 puis celle conduite en 2019 par l’Atelier Puzzler/Agence Pruvost/CL Infra AEU. Une réunion tenue peu de mois avant que n’éclate en mars la crise sanitaire et le changement de municipalité en juin 2020.
Après la réunion du 11 mars de multiples questions restent en suspens concernant tout le périmètre (document), elles n’ont pas été posées, la liste n’est d’ailleurs pas exhaustive.
– Quel avenir pour le site des Ecuries au nord de l’emprise du 6B, le maire déclarant le projet retenu lors de l’appel à projet "Réinventons la Seine" caduc ? Projet lancé à l’image des appels à projet " Réinventons la métropole " comme celui du Grand Bassin en centre ville.
– Quel avenir pour la Saria, va-t-elle rester sur le site ? Qu’en est-il de son projet de maintenir ses activités et d’installer son siège sur ce secteur ?
– Le Maire a annoncé la mise en place dans « quelques semaines » de mesures conservatoires pour la Maison Coignet. C’est une bonne nouvelle à retenir de cette réunion. Quelle programmation est aujourd’hui explorée en lien avec l’Association animée par Emmanuel Sala, descendant de la famille Coignet ? Qu’est-il prévu pour les usines et le bâti restant rue Charles Michels ?
– Le foncier appartement au SIAAP et attenant au terrain Saria sur lequel est la maison Coignet ne semble pas être intégré au parc central prévu, quelle est la raison ? Une destination autre est-elle prévue ?
– Le parc représenté qui intègre le bâti des anciennes usines Coignet s’étend sur une partie de l’emprise dont est propriétaire la Chambre de Commerce et d’industrie de l’Oise, quelle est la programmation sur le reste de l’emprise face à l’immeuble Coignet et au groupe scolaire Pina Bauch/Confluence ?
– A quelle échéance la voie envisagée parallèle au faisceau ferré sera-t-elle réalisée ? Les acquisitions foncières nécessaires effectuées ? D’une fonction logistique, comment s’effectuera sa connexion au réseau magistral et secondaire, Anatole France ? route de la révolte ? route de l’Industrie ?
– Quel avenir pour le site de Bergerat Monnoyeur en vente ? Quel repreneur ? Quelle activité ? Quel avenir pour la partie du site logistique de pièces détachées dont la délocalisation est prévue dans l’Oise ? Y aurait-il démembrement de l’ensemble du site ? La partie très arborée sera-t-elle préservée ?
– L’activité de concession du site Citroën est-elle maintenue ?
– Quel destination au 67 rue de la Libération, ex-emprise Domaxis puis Sequens ?
En guise de conclusion provisoire
Au-delà du tour de passe passe qui consiste à faire croire à un projet urbain de rupture et sans oublier les désaccords exprimés, on se réjouira du maintien du parc et des activités au nord du 6B, des aménagements cyclables projetés et accélérés avec les JOP2024 le long de la Seine (de la Briche à Saint-Ouen et connectés au parc des Docks ?), des mesures conservatoires pour la Maison Coignet (et de l’ensemble patrimonial), de l’avenir qu’on espère conforté du 6B – son acquisition par la collectivité garantira-t-elle de laisser toute sa place à l’association qui gère aujourd’hui le site ? –
Pour toutes les imprécisions et inconnues qui persistent concernant tout ce grand secteur, le blog de Saint-Denis aurait bien poser par écrit toutes ces questions aux adjoints en charge, pardon… au Maire. C’eut été peine perdue puisqu’avant que ne démarre la réunion du 11 mars, la première adjointe, Katy Bontinck, m’a gentiment fait part que malgré nos relances de l’adjoint au commerce concernant l’avenir du marché de Saint-Denis – place du 8 mai 1945 et la halle –, la municipalité avait fait le choix de ne pas nous répondre. La presse oui, le blog non. Gageons que la presse ne posera pas les questions que nous posons.
Ce sera donc, s’ils le souhaitent, aux habitants de s’emparer des questions posées ici.
Pour ceux qui souhaiteraient poursuivre le dialogue, il trouveront facilement le moyen de nous joindre.
Quant à ceux qui ont pensé concernant le B4 qu’on pouvait se fier à un engagement de la collectivité, il ne leur reste malheureusement face au « compromis » avec Quartus défendu par le maire que la possibilité de former des recours dont on ne contestera pas la légitimité. La décision de l’actuelle municipalité ne contribuera pas à redonner confiance dans les institutions. Quelle valeur le citoyen peut-il donc attribuer à la parole publique ?
A suivre donc…