Le Marché de Saint-Denis à deux pas de son millénaire

, par Patrick Vassallo

A défaut de pouvoir examiner un projet global et complet, nous en sommes réduits à agglomérer des informations diverses, éparses, ce qui est dit aux uns n’étant pas forcément ce qui est expliqué à d’autres. Une chose est certaine : le marché de Saint-Denis est un sujet, que la nouvelle municipalité a l’intention de traiter.

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Le marché de Saint-Denis pourrait boucler son premier millénaire, puisqu’il est apparu au début du onzième siècle, de source connue en 1053, à l’occasion de l’ouverture de la chasse de Saint-Denis. C’est l’un des principaux marchés franciliens.
Sans conteste, il est un lieu de rassemblement, où l’on se retrouve, où l’on se donne rendez-vous le mardi (Dionysien·ne·s et salarié·e·s), le vendredi (autour de 10 000 chaland·e·s) et le dimanche (avec une zone de chalandise très étendue). Il pèse environ un million d’euros annuels pour la Ville ; son chiffre d’affaires est des plus conséquents. Ce marché d’abonnés, que complètent quelques volants, est considéré comme un marché du monde, un des plus diversifiés même si ces dernières années, il peine à garder sa qualité et a dû subir grèves, pandémies et confinements.
La Halle, classée halle Baltard, devrait évoluer avec la création d’un restaurant en mezzanine, une ouverture (au forceps) le samedi, et sans doute à terme aussi les mercredis et jeudis. La halle serait rénovée, et ce dès la fin de cette année.

Le pourtour sera-t-il maintenu ? Des bruits contradictoires circulent quant à son avenir.

Quant à place Jean-Jaurès, il est fortement question de travaux amenant un déplacement vers la place du 8 mai 1945.

Nombre de questions se posent :
• Quelle étude de chalandise argumente ces changements ? Sur quoi se base-t-on pour faire miroiter un accroissement de 40 000 client·e·s ?
• Quels sont les objectifs ? Libérer la place Jean-Jaurès pour des événements et grands écrans en 2023-2024 ?
Déplacer les (seuls) volants (qui viennent sur tirage au sort, par article, en fonction des places vacantes) place du 8 Mai, entre deux trams ?
• S’agit-il de dispositions transitoires ? Durables ? Quels risques prend-t-on quand on sait la fragilité d’un marché secoué économiquement depuis deux ans et qui pourrait ainsi être coupé en deux ?
• Quelles conséquences sur les commerces sédentaires, pour lesquels l’afflux au marché offre une clientèle, souvent indispensable pour se maintenir ?
• Installer un marché dans chaque quartier comme évoqué dans le plan 2016-2019 ne serait-il pas prioritaire ?
• La Ville prendra-t-elle en charge les dépenses supplémentaires liées aux travaux et à un éventuel déplacement , comme cela avait été le cas lors de la requalification de l’hyper centre (2001-2005) ?
• Irait-t-on vers un marché quotidien dédié aux "bobos" dont les prix ne seraient plus accessibles aux petits revenus ? Et un marché « pour les pauvres » sur la place du 8 mai ?
Dans quel projet urbain de centre-ville s’inscrit cette reconfiguration, alors que l’avenir du jardin Haguette reste incertain, qu’un projet de jardin « à la Parisienne » pourrait être envisagé à l’angle de la place Jean-Jaurès et de la rue Pierre-Dupond ?

Ces nombreuses questions ne lassent pas d’inquiéter. Le chiffre de 4 à 5 millions d’euros qui circule semble étonnant. Qui financerait pareille somme ? Ce projet, faute de présentation et de débat publics, en est d’autant plus obscur.
Le marché de Saint-Denis est central dans l’urbanité et l’attractivité du centre et de toute la ville.
Il y a là un impensé politique qui ne date pas d’aujourd’hui. On a longtemps couru après des enseignes qui ne voulaient pas venir à Saint-Denis et qui aujourd’hui ferment leurs succursales en centre-ville, partout, à l’occasion de chaque plan social (Marina, Fnac, Tati, Monoprix, la Halle aux chaussures, Eram, André, Nicolas, garage Renault, La Redoute, Orange…).
De telles secousses et grandes idées techno-bureaucratiques, copiées d’autres villes, semblent ne tenir compte ni du patrimoine dionysien, ni de son histoire, ni de sa clientèle et de ses réelles capacités économiques. Sans parler des évolutions de la consommation des ménages populaires. Le marché de Saint-Denis pourrait bien ne pas s’en relever.