Un nouveau règlement à la hussarde pour le marché. En protestation, les commerçants ne tiendront pas leurs étals le mardi 26 avril. Du jamais vu à Saint-Denis.
On ne l’attendait pas. Concocté semble-t-il dans le secret des services, le (projet de) nouveau règlement du marché de centre-ville fait déjà l’unanimité contre lui. Il a provoqué une levée de boucliers de la part des commerçants qui se sont rendus en mairie la semaine dernière pour marquer leur mécontentement et leur opposition à ce projet en totale rupture avec l’esprit qui prévalait entre la ville et les commerçants : le dialogue.
Exit donc la concertation…. La commission mixte paritaire qui permettait une gestion partagée entre la Ville et les commerçant.e.s est remplacée par une instance facultative où l’autorité publique invitera qui elle veut. Le syndicat des commerçant.e.s forains passe lui aux oubliettes.
L’ensemble du projet est marqué par la répression et les interdits. La Ville prend les pleins pouvoirs. Même pour les sanctions, les plus graves -l’exclusion du marché- aucun examen contradictoire, juste la possibilité de « faire des remarques » !
On comprend dès lors la colère générale qu’ont notifiée des dizaines d’abonné.e.s dans le hall de la mairie le vendredi 15 avril au matin.
Les jours et horaires sont décidés sans concertation : le samedi est obligatoire (l’expérience n’avait pourtant guère été concluante !) ; et la fin du marché après 16 heures place du 8-mai-1945. Bonjour le temps de travail !
La Ville pourrait aussi décider seule de toute modification.
On cherchera vainement dans ce texte la moindre notion du modèle économique des marchés forains. Déjà mis à mal par la scission Halles du marché/place du 8 mai, le modèle économique est mis en péril par la rupture de continuité, d’attractivité entre le pourtour, les halles et les non alimentaires. Ce pari technocratique, déjà tenté à Montpellier, Nantes ou Toulouse n’a guère fait la preuve de son efficacité… L’attractivité des uns est utile aux autres. En scindant les espaces on affaiblit l’ensemble. Seuls les étals « haut de gamme » y trouvent leur compte.
On peut supposer que la ville, qui aura désormais seule la main sur les attributions d’étals, a en stock une kyrielle de commerces prêts à prendre la relève !
Rien dans ce texte n’indique une évolution des familles d’articles, moins encore une façon de travailler ensemble sur ce sujet compliqué. On y apprend cependant que " la vente de produits à caractère confessionnel concourant à des actions de prosélytisme religieux" serait interdit. Veut-on y proscrire la vente de croix, de kippas, de voiles, de djellabas ? Ne veux-t-on pas de fait y proscrire des signes d’appartenance à une foi que partagent de nombreux dionysien.nes ? Tout cela surprend. Est-ce bien conforme avec la liberté du commerce et la liberté de culte ? Tout cela choque. Comme l’indique sur son profil Facebook un dionysien peu soupçonnable d’islamogauchisme, cela contenterait Marine Le Pen et le président du RN, Jordan Bardella pour qui l’interdiction du voile reste un objectif.
De nombreuses dispositions interrogent, tant par leur autoritarisme, que par les dangers que comporte le remplacement de la négociation collective par du gré à gré entre Ville et commerçant : ne serait-ce pas la porte ouverte aux magouilles et aux bakchichs ?
Les abonnés devront chaque année (comme les volants) demander à le rester : c’est une drôle de façon d’inciter à investir dans son stockage, son étal, sa logistique, son écoresponsabilité ?
Les commerçants sédentaires obtiennent désormais des droits d’accès au marché : c’est non seulement en rupture avec les marchés d’abonnés mais c’est un encouragement à la spéculation sur les baux commerciaux (ce nouveau droit permettant la vente sur l’espace public, hors les murs, le prix de négociation des murs est à la hausse…).
La loi Pinel qui permettait une proposition de transmission de la place et un départ à la retraite décent à bien des abonnés passe de fait aux oubliettes.
A côté des abonnés et des « boutiquiers », les volants sont rebaptisés « passagers ». Amis de la poésie, bonjour ! Là aussi en plus de la négation du métier de commerçant forain (non sédentaire) c’est tout le vivier des volants qui est anéanti avec la suppression des procédures mises en œuvre jusqu’ici.
Quant aux préconisations écologiques et sociales, hormis l’augmentation sensible du temps de travail (sic !), elles sont réduites à leur plus simple expression (emballages et hygiène) et généralement totalement absentes.
Nombre de commerçants sont abasourdis par ce projet. Quant aux volants (tirés au sort chaque matin de marché sur les places vacantes à 7h) c’est pour la plupart leur gagne-pain qui s’en va, le marché de Saint-Denis étant celui qui leur assure un minimum de revenus…
Si le syndicat a émoussé son efficacité ces dernières années, si des dissensions et des divergences sont apparues entre sites, catégories, tailles… la perspective d’une action forte semble reprise par beaucoup de forains présents lors de ce week-end pascal. Les cloches pourraient sonner la révolte.
Visiblement l’incompétence rivalise avec l’irresponsabilité.
Car une telle absence de règles négociées, partagées, organisant le dialogue et la gestion du marché de centre ville, laisse la Ville seule face aux problèmes. Ce n’est pas sans danger. Quant aux client.e.s l’avenir dira si c’est la grande distribution (ou de beaux marchés voisins) qui en tireront bénéfice.
Les commerçants de la place Jean-Jaurès déménage au début de l’été. Combien de forains ne suivront pas ? L’absence d’aide de la ville en conduira de toute façon plusieurs vers la cessation d’activité.
Notre marché du monde méritait un joli coup de main après ces deux années difficiles marquées par la Covid. Ce projet de règlement ressemble lui à un coup de pied.