Mathieu Hanotin, philosophe ?

, par Halim Al Karem

Lors du dernier conseil municipal, en introduction du rapport sur le budget participatif, le Maire Mathieu Hanotin – lisant avec hésitation et trébuchant sur les mots du pensum écrit à son intention – a cru bon de faire appel à l’autorité intellectuelle de Jacques Derrida pour étayer son propos sur la démocratie. Une démocratie qui ne serait par nature jamais établie, achevée pour les démocrates.
On en conviendra sans difficulté, rien n’est jamais acquis en la matière. C’est un combat constant. Celui de la controverse, de la dispute politique qui rend le débat démocratique vivant.

Débat vivant aussi parce que public et non restreint à l’enceinte de l’assemblée issue de la démocratie représentative : le conseil municipal.

Débat vivant et jamais achevé parce que respectueux aussi des avis que peuvent formuler les citoyens entre deux élections.

Et c’est là qu’on ne suit plus du tout le Maire et sa référence à Jacques Derrida.

Qu’en est-il de l’avis du conseil citoyen qui s’oppose à la résidentialisation de l’ilôt 8 du centre Basilique ?

Qu’en est-il de la démocratie quand dans le journal municipal sous la signature de la première adjointe, on lit en page 11 que « Malgré le temps resserré vis-à-vis de l’Anru, la révision du projet a été actée en tenant compte des remontées de l’ensemble des acteurs du quartier, notamment par des réunions de concertation avec le conseil citoyen ».

A lire la déclaration du conseil citoyen au Comité de pilotage du 5 mai 2021, on ne peut qu’en conclure que l’avis du conseil citoyen est passé volontairement sous silence : « Cette orientation nous ramène au projet de 2015 qui avait été dénoncé par les habitants du quartier. Elle n’est pas argumentée sérieusement. Elle fait fi de la concertation en profondeur réalisée et de l’avis des habitants, qui n’auront, au plus, que la possibilité de discuter des aménagements à la marge si ce n’est des conditions de leur exclusion du quartier. Ainsi, nous tenons à vous dire notre désaccord tant sur la méthode pour adopter cette rénovation que sur le fond du projet proposé même si notre présence à ce COPIL et notre déclaration vous permettront peut-être de cocher la case « concertation » et ainsi de satisfaire aux obligations incluses dans le règlement de l’ANRU. »

Au mieux c’est donc un mensonge par omission au pire c’est un mensonge tout court et dans les faits un déni de démocratie.

Si la démocratie n’est jamais achevée au sens où l’entendait Jacques Derrida, cette manière de faire achève la démocratie.

Il semble d’ailleurs que les concepts de Jacques Derrida soient mal compris par le premier magistrat. Il en est un, le prenant à la lettre, qu’il applique avec obstination : la déconstruction.

– Déconstruire un équipement culturel (le Conservatoire) avant même qu’il ne soit construit.

– Déconstruire les points d’accord entre les locataires du centre Basilique et l’ancienne municipalité (pas de résidentialisation, pas de déconventionnement, pas de vente du parc social).

– Déconstruire les outils d’accès au droit commun et à la citoyenneté comme la Mission citoyenneté qu’il supprime.

–Déconstruire un outil d’information reconnu, pluraliste, réalisé par une équipe de journalistes, le JSD, au profit d’un magazine de communication municipal(e) en en usurpant le titre.

– Déconstruire les outils d’élaboration, d’expression citoyenne, d’évaluation des politiques publiques avec la disparition du Conseil de développement à Plaine Commune annoncée cette semaine.

Où cela va-t-il nous mener quand on malmène les outils – fragiles – de la démocratie et de l’hospitalité chère aussi à Jacques Derrida ?

Laissez au moins, Monsieur le Maire et vos plumitifs, les philosophes reposer en paix.

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