Saint-Denis, ville-monde et toujours capitale.

, par Michel Ribay

Etrange mouvement que celui qui consiste à ériger dans toutes les sphères de l’activité humaine la compétition. Ce fait de nature a contaminé jusqu’à la Culture. Celle-ci appelle plutôt aux frottements, à l’interrogation et à l’interpellation féconde qu’à l’affrontement et au story-telling territorial, surtout quand il est porté hors sol.

9 villes étaient donc en compétition. Toutes appelées à faire valoir leurs arguments. 
La nôtre avait un handicap. Un lourd handicap. Dès la conception.
Une idée saugrenue ayant germé dans la tête de nos édiles troquant un équipement culturel financé et programmé pour un hôtel de police. On tuait dans l’œuf la symphonie en lui préférant la sirène municipale à deux tons. Misère.

La candidature tardive, le sprint était contraint quand d’autres labouraient depuis fort longtemps le terrain, choyant leurs partenaires, accompagnant leurs acteurs culturels et puisant force et crédit dans leurs liens avec la population.
Le concept exploité jusqu’à la corde de la périphérie et du centre même botoxé de clips acidulés bleu nuit et pomme Granny n’est pas parvenu à masquer l’absence d’engouement dionysien, le faible ancrage territorial. L’érection d’une nouvelle flèche ou l’enrôlement joyeux de classes d’âge pré-pubère sur les colonnes de Buren ne fait pas racines. On ne peut gouverner et supprimer impunément ludothèques et subventions sans retour de bâton.

Rugby 2023, JOP 2024, Capitale 2028.
Ne manquait plus que l’hybris politico-territorial pour effrayer le jury ? Cumul de mandats et cumul d’événements vont en bateau…

Les plus fervents promoteurs de cette candidature ne sont-ils pas en fait ses premiers fossoyeurs ?
On ne parle pas ici de tous ceux qui, connus ou moins connus, artisans de toujours et acteurs culturels de premier plan, installés sur les planches, dans une chaufferie, d’une salle de projection ou dans un chapiteau, de leurs ateliers, d’une galerie hors les murs, en plein champ ou sous les voutes d’une Basilique, inventent, défrichent, travaillent en somme à rendre la vie tout à la fois plus douce, tout à la fois plus folle, toujours surprenante. Pour eux la déception est vive mais demain reste un autre jour en création.

Parlons plutôt de ceux qui se taisent quand le premier – magistrat – d’entre eux assène avec aplomb en conseil municipal que « la publicité au cinéma participe de la mise en ambiance » ou que pour certains la culture consisterait « à programmer des films que personne ne va voir ». Misère.

Hybris et populisme font ici bon ménage.

Moins bruyante qu’une sirène à deux tons, Nora Hamadi avait pourtant sonné l’alerte. On a toujours la mémoire courte.

Saint-Denis en a vu d’autres. Depuis longtemps, même sans tête, elle marche encore.