On est effectivement en droit de se demander si le développement des alternatives à la voiture, en particulier les mobilités douces, est réellement une priorité de la nouvelle municipalité. Au conseil municipal du 12 juillet, l’élu en charge du vélo Christophe Piercy nous présentait une délibération ainsi fagotée : cinq nouvelles stations Vélib verront le jour à Saint-Denis, sur les quartiers Confluence, Barbusse, Pierre Sémard, Langevin et Péri-Fabien. Mais ce déploiement se fera en deux phases : trois stations en 2022 (Confluence, Barbusse, Langevin) et deux en 2023 : celles de Pierre Sémard et de Péri-Fabien, au niveau de l’arrêt de tramway Roger Sémat. Pourquoi un tel phasage ? Mathieu Hanotin assume : selon lui "cela coûte trop cher".
Un petit coup de pouce pour le vélo serait donc trop cher payé ?
Regardons un peu dans le détail le coût d’une station. Les travaux d’installation ne sont pas financés par la mairie mais par le syndicat mixte Vélib, dont Saint-Denis est adhérente aux côtés de toutes les autres villes qui accueillent ce service. Ensuite, le fonctionnement annuel d’une station (maintenance, retrait et réapprovisionnement en vélos..) revient à 20 000 euros. Or la mairie ne paye que 10 000 euros car l’autre moitié est prise en charge par la métropole du Grand Paris. On comprend que ces conditions financières relativement confortables visent à inciter les villes à déployer ce service de transport. Cinq nouvelles stations de Vélib représentent donc un coût supplémentaire de 50 000 euros, sur un budget de fonctionnement de la collectivité de 222,2 millions d’euros en 2021.
Alors non, 50 000 euros ça n’est objectivement pas, dixit la délibération présentée en conseil, “un développement budgétaire conséquent”. C’est même une goutte d’eau si on compare ce chiffre à d’autres “développements budgétaires” entérinés les yeux fermés par cette nouvelle majorité : multiplication par 4 du nombre de caméras de vidéo-surveillance, centre de supervision urbain, cantine gratuite... qui se chiffrent en millions d’euros de dépenses ou en renoncement de recettes. C’est même une goutte d’eau dans un verre d’eau puisque les dépenses de fonctionnement qui participent des politiques “ville durable et transition écologique” ne représentent que 1% du budget global de fonctionnement. Une perspective purement comptable qui interroge sur le traitement qu’ils réservent à certaines de leurs soit-disantes “priorités politiques” à savoir : l’urgence climatique votée en juillet 2020 !
La couverture des autres quartiers renvoyée aux calendes grecques
Saussaie-Floréal-Courtille, Cosmonautes, Franc-Moisin, Delaunay-Belleville...aucune programmation de stations n’est prévue dans ces quartiers où l’offre en Vélib est clairement insuffisante voire totalement absente. Ces quartiers peuvent-ils compter sur cette municipalité pour leur dédier 10 000 euros en fonctionnement d’ici la fin de la mandature ? La question reste entière. Si l’on en croit l’avis du maire et de son conseiller délégué, le sort de ces habitants est suspendu au choix des villes limitrophes d’adhérer ou non au syndicat mixte. Ainsi, les habitants de Franc-Moisin ou de Cosmonautes devraient demander aux maire de la Courneuve et pour d’autres de Stains de se mettre au Vélib pour pouvoir espérer que leur maire - à eux - leur octroie une station... Bienvenue sur les terres du Roi Ubu. Mathieu Hanotin n’est-il pas aussi le président de Plaine Commune qui a adopté aussi une délibération sur l’urgence climatique ?
Pour nous rendre compte de la situation, comparons. Pantin, qui représente moins de la moitié de Saint-Denis en termes de population et de superficie, compte aujourd’hui 19 stations, soit ce que nous atteindrons en 2023 avec les 5 nouvelles stations !
Bien sûr, la pratique du vélo ne se décrète pas, elle s’accompagne par tout un tas de leviers et en premier lieu celui du développement d’infrastructures cyclables sécurisées. Tout ceci se travaille, s’anticipe, se programme. Depuis plus d’un an de mandature, aucun plan d’action pour le vélo (alliant développement des pistes cyclables, des parkings sécurisés, aides à l’acquisition d’un vélo personnel, etc.) n’a été présenté au conseil municipal avec un chiffrage pluriannuel. Quels sont les objectifs et de quels moyens la Ville se dote-elle ? La délibération de juillet sur le Vélib a révélé ce manque de perspectives.
Un dispositif qui faciliterait pourtant la vie dans le cadre de la ZFE
Tout ceci est d’autant plus regrettable que les chiffres confirment que les dionysiens et les usagers du territoire ont adopté le Vélib et qu’ainsi ce service s’avère un outil nécessaire dans le cadre de la mise en œuvre de la zone à faibles émissions (ZFE). La ZFE, en vigueur depuis le 1er juin 2021 à Saint-Denis, vise à exclure progressivement les voitures les plus polluantes du territoire de la métropole. Si aucun contrôle des vignettes Crit’air n’est effectué à ce stade il s’agit bien de s’y préparer car c’est la moitié du parc automobile des dionysiennes et dionysiens qui ne pourra plus circuler avec ce dispositif.
Face à ce défi, la ville doit tout faire pour favoriser les alternatives : développer les transports en commun, augmenter leurs fréquences, mettre en place des navettes inter-quartiers pour acheminer vers les gares RER et métro, etc. Notre territoire a un fort potentiel en matière de vélo en raison de ses faibles reliefs et de sa densité qui favorise des déplacements de courte distance. La quasi-totalité du territoire a accès à une station de gare ou de métro en moins de 10 minutes à vélo, c’est une chance ! Ainsi, quoique bien incomplet, le Vélib est un des moyens de transport dont les habitants vont avoir besoin, aussi bien dans un objectif de multimodalité que pour tout simplement faciliter les déplacements entre les différents quartiers de Saint-Denis - thématique qui s’était également imposée lors des dernières élections. On ne peut pas chercher à limiter le recours à la voiture si en parallèle rien n’est fait pour accélérer les alternatives. Or tous les appels en ce sens de notre groupe d’opposition “Saint-Denis à Gauche !” sont, pour l’instant, restés lettre-morte…
La nouvelle municipalité doit changer de braquet. N’est-il pas vrai que tout cycliste apprend que pour ne pas tomber il faut s’élancer, aller de l’avant pour atteindre l’équilibre et une bonne vitesse de croisière ? Il en est de même pour une vraie politique en faveur du vélo : un bon coup de pédale pour être en tête du peloton, le nez dans le guidon, viser l’équilibre - territorial - plutôt que la com’ à deux balles !
Et le climat dira merci.
Sophie Rigard, conseillère municipale