Comité Social Territorial du 16 mai. Mathieu Hanotin lâche du mou, divise pour mieux régner et en tire bénéfice. Des « avancées », pour les agents toutes relatives… et jusqu’à quand ?

, par La Rédac’

Prévu une quinzaine de jours en amont du vote du 30 mai au conseil municipal celui des organisations syndicales est intervenu le 16 mai lors des Conseils sociaux territoriaux qui se sont tenus à Saint-Denis et à Pierrefitte. Leurs résultats ont donné lieu à un communiqué de Mathieu Hanotin travestissant en grande part la réalité. Retour sur le Comité Social Territorial dionysien, ce qui l’a précédé, son déroulement et ses conséquences pour l’avenir.

Rien n’était joué d’avance au CST concernant la position que les syndicats allaient finir par adopter. La CGT, L’UNSA, SUD, le SNUTER-FSU avaient depuis longtemps fait part de leur opposition à la fusion. La CFDT était signataire du courrier au préfet, dans le cadre d’une expression de ses instances départementales. Le SA-FPT s’orientait semble-t-il vers une abstention. FO de son côté, première force syndicale issue des dernières élections professionnelles, avait participé aux côtés des autres organisations syndicales aux réunions ayant pour but d’informer, d’alerter les agents et de mobiliser.

Rien ne semblait donc indiquer les votes favorables de FO, de la CFDT et du SA-FPT au CST consacré au projet de création d’une commune nouvelle, ni le refus de prendre part au vote du SNUTER-FSU.

Que s’est-il passé pour qu’un front syndical possible contre la fusion se fissure ?

D’abord un état de fait, la dispersion syndicale en 7 organisations ne facilite pas l’affaire. Elle est le résultat de stratégies divergentes, de la conjugaison de rancœurs diverses, d’incompatibilités quelquefois individuelles, qu’est venu renforcer un sentiment de méfiance lié à des conflits passés (automne 2020) où le front syndical possible a fait défaut. Malgré cela, l’entraide subsiste et un syndicat est toujours prêt à en épauler un autre lors par exemple de la demande d’un document que la municipalité rechigne à communiquer.
Pour autant les choses sont fragiles, propices à ce que l’employeur y voit un moyen de transformer parmi les organisations syndicales une lézarde en brèche, une fêlure en fracture ouverte.
Tout cela semblait en passe de pouvoir être dépassé, il n’en a rien été et c’est précisément ce à quoi s’est employé Mathieu Hanotin les jours précédents le Comité Social Territorial : fracturer, diviser.

Outre le résultat immédiat du vote au CST, l’enjeu était aussi pour Mathieu Hanotin de désamorcer sur le plan juridique la procédure lancée initialement par la CGT, SUD et le SNUTER-FSU contre les conditions introduites par Mathieu Hanotin dès son élection pour que les agents puissent toucher dans son intégralité la prime annuelle. Le maire avait contesté cette prime en indiquant qu’elle n’avait pas de base légale, ce que le tribunal avait rejeté mais il indiquait dans le même temps que l’employeur était libre d’en modifier les conditions pour la percevoir. Celle-ci était conditionnée dorénavant par le fait de ne pas dépasser un certain nombre de jours d’arrêts (30 jours) pour maladies, accidents de travail, maladies professionnelles. Les syndicats avaient donc perdus en première instance mais restaient jusqu’à hier, lundi 27 mai, la possibilité de faire appel. Les syndicats contestant toujours cette décision au nom d’une discrimination introduite selon des critères relevant de la santé. La CGT et SUD se pourvoient en appel, de son côté le SNUTER-FSU y a renoncé.

Manœuvrer avant le CST. Rencontrer, en bilatéral avant le CST, des syndicats dont Mathieu Hanotin savait qu’ils étaient, pour diverses raisons, des maillons faibles d’une possible opposition unifiée à la fusion, pouvait s’avérer payant. C’est ainsi que FO comme première force et le SA-FPT en force d’appoint ont été sollicités. Mathieu Hanotin n’a sans doute pas oublié que lors du mouvement de grève contre les mesures qu’il entendait prendre concernant le temps de travail, les congés et les conditions restrictives pour percevoir la prime annuelle, FO avait voté en faveur des mesures défendues présentées par la municipalité au Comité Technique Paritaire du 16 novembre 2020 .

Détacher FO, première organisation syndicale, voire d’autres, avait toute son importance. D’une manière générale, il fallait effacer tout ce qui pouvait laisser penser qu’avec la création de la commune nouvelle un pourcentage significatif d’agents des deux communes avait du souci à se faire quant à leur avenir. Dans un tract commun d’appel (CGT, SUD et le SNUTER-FSU) à une assemblée générale le 25 avril des agents des deux villes, ces organisations syndicales l’estimaient à 20 % au titre des « fins de contrats, de la mobilité forcée, des suppressions de postes, des suppressions des « doublons » et de la baisse de l’offre du service public ».

Il fallait donc désamorcer les craintes, montrer patte blanche, arrondir les angles, diviser un front syndical redouté, lâcher du mou et à la fois être offensif dès l’ouverture du CST.

FO, le SA-FPT et le maire ont estimé, c’est bien ce qu’il en ressort, qu’il y avait encore « du grain à moudre » pour arriver à ce que ce qui avait été grignoté par Mathieu Hanotin depuis son arrivée soit restitué, les conditions pour toucher la prime annuelle allégées, des gains offerts aux agents pierrefittois, bref ce qu’il fallait pour que l’obstacle du 16 mai soit franchi aisément. Avec un plus, fruit des rencontres bilatérales, l’augmentation de la prime annuelle.

La version du document de la municipalité Etude d’impact-Ressources Humaines pour la création de la commune nouvelle en date du 30 avril comportait déjà avant celle du 16 mai (en page 9) dans son intégralité le tableau qui fait office de communiqué de FO et du SA-FPT après le CST. Cela était donc déjà acquis, acté.

FO se prévalant des avancées, souhaite conforter, en plus de la prime au sortant, sa place lors des futures élections professionnelles en juin 2025 de la potentielle commune nouvelle que rien ne semble à ce stade pouvoir entraver.

Et c’est ainsi qu’au mépris de la loi qui veut que l’ensemble des documents doit être communiqué aux membres du CST 10 jours avant sa tenue et selon le protocole en vigueur à Saint-Denis 15 jours, c’est la veille qu’un document additionnel est transmis annonçant le résultat de ces négociations bilatérales.

Mathieu Hanotin n’a donc reculé devant rien ou, pour le dire autrement, a accordé ce qui était nécessaire en vue du CST pour parvenir à ses fins et le tout sans une minute de grève. Preuve de l’interêt qu’il y avait pour lui à aborder le CST dans de bonnes conditions. Même consultatif, un vote défavorable des syndicats unis aurait fait désordre auprès du préfet amené à valider le vote à venir sans surprise au conseil municipal du 30 mai.

Manœuvrer jusqu’à la dernière minute pendant le CST. Les négociations semblent d’ailleurs s’être poursuivies pendant le CST puisqu’à de nombreuses reprises, selon les informations recueillies, à l’image d’entrées et sorties dignes du théâtre de boulevard, le maire saisissait l’occasion de s’entretenir avec untel ou untel saisissant l’opportunité d’une pause cigarette ou d’une pause pipi, un DGA participant aussi à ce ballet … Ce qui pouvait ainsi semblé acquis, stabilisé à tel ou tel moment pouvait être remis en cause plus tard, basculer dans un sens ou un autre.

Diviser, élargir la brèche d’entrée de jeu au CST mais rien n’est vraiment joué à l’avenir

En préambule et en accord avec sa stratégie, Mathieu Hanotin a été aussi clair qu’expéditif dans son propos en direction de l’assistance que l’on peut résumer ainsi : « Je n’ai pas besoin de votre avis, celui ci n’est que consultatif de toute façon, la loi me permet de discuter et de passer un accord avec une organisation, la plus représentative, c’est fait et c’est ce que je ferai à l’avenir ».

Mathieu Hanotin annonçait dans la foulée qu’il ne discuterait pas avec un syndicat nommément désigné, en l’occurence SUD, qu’il a d’ailleurs toujours refusé de rencontrer depuis son élection !

Voilà pour sa conception du dialogue social dont il a fait l’entame de son communiqué : « Au terme d’un dialogue social important et constructif, les CST (Comités Sociaux Territoriaux) de Saint-Denis et de Pierrefitte ont tous les deux voté ce matin en faveur du projet de création de la commune nouvelle » !!!

Le maire annonce dans son communiqué qu’à Saint-Denis il s’agit de 18 voix « pour » tout en omettant de préciser que parmi ces 18 voix il y en a 12 qui sont celles des représentants de la municipalité qui votent à l’image de sa majorité au conseil municipal comme un seul homme.
Les autres 6 voix « pour » représentent les votes cumulés des représentant de FO (3 voix), de la CFDT (2 voix) et du SAF-PT (1 voix). A ces 18 voix se sont opposées celles de la CGT (3 voix), de l’UNSA (1 voix), et de SUD (1 voix). Soit 6 voix des organisations syndicales se prononçant « pour » contre 5 pour les organisations syndicales « contre », le SNUTER-FSU (1 voix) ne prenant pas part au vote.

L’analyse des voix recueillies aux dernières élections professionnelles par les uns et les autres démontrent que l’écart entre les tenants du « pour » et du « contre » est très limité, seules 62 voix les séparent (en faveur du pour). Un vote « contre » du SNUTER-FSU aurait rétabli l’égalité des voix au CST (6 contre 6) et la majorité des voix acquises lors de élections professionnelles (en faveur du « contre »).

La CGT et l’UNSA ont publié un communiqué suite au CST. La CGT ne voit dans « les maigres « avancées » qu’un médiocre retour à ce que M. Hanotin avait supprimé dès son arrivée ». L’UNSA dénonce une « opération de bas étage » et « les positions individuelles et personnelles et les intérêts personnel d’un syndicalisme opportuniste mais pas combatif. » De son côté le SNUTER-FSU explique son choix de ne pas prendre part au vote par l’attitude profondément antidémocratique affichée d’entrée par le maire et le déroulement lui-même du CST, pour ce syndicat les « dés étaient pipés ».

S’agissant strictement du résultat et des positions adoptées par les organisations syndicales, la tonalité – triomphaliste – du communiqué du maire est en effet à relativiser. On le voit en terme de voix et comme l’indique dans son communiqué le SNUTER-FSU, il reste sur le fond opposé à la fusion.

Du côté de Pierrefitte, lors du CST, nous supposons que le représentant de la CGT sachant sans doute d’emblée la bataille perdue ne s’est pas présenté. Le vote « pour » s’avère donc unanime pour les syndicats présents (CFDT et SA-FPT), ce qui ne surprendra personne tant les liens apparaissent au beau fixe entre le représentant du syndicat majoritaire SA-FPT qui s’affiche régulièrement avec son employeur sur les réseaux sociaux. La notion de partenaires sociaux semble prendre ici sa pleine mesure.

Mehdi Akaouch, le secrétaire du syndicat SA-FPT de Pierrefitte en compagnie de Michel Fourcade, maire de Pierrefitte et de Sonia Bennacer, son adjointe, lors d’une manifestation publique consécutive à un événement sportif en 2023.

Des « avancées » variables pour les agents et jusqu’à quand ?

La municipalité se prévaut donc à ce stade dans son communiqué, tout comme le syndicat FO et le SA-FPT sur les réseaux sociaux, d’avancées pour le personnel sous forme d’un tableau Avant-Après … identique à celui de la municipalité daté du 15 avril, agrémenté de l’augmentation de la prime, de la monétisation jusqu’à 5 jours par an du compte épargne temps, de la mise en place du congé menstruel (mais dont les modalités restent à définir), d’autorisations spéciales d’absence supplémentaires et du risque invalidité introduit dans la prévoyance. Les deux syndicats ayant sans doute considéré que tout ce qui semblait bon à prendre maintenant était bon à prendre.

Mathieu Hanotin s’assignait pour ce CST plusieurs objectifs :
– un vote favorable à la fusion au CST… à valoriser auprès du préfet et sur les réseaux
– conforter la place de syndicats plutôt que d’autres en vue des élections professionnelles de juin 2025
– désamorcer la bataille juridique toujours en suspens concernant la prime

L’ensemble de ces objectifs à atteindre conditionnant deux échéances cruciales, la fusion et dans son prolongement l’élection municipale de mars 2026.

D’ici là, Mathieu Hanotin ne fera rien qui pourrait heurter les syndicats qui se sont exprimés pour la fusion. Rien non plus qui pourrait inquiéter le personnel sur la suite des événements d’ici mars 2026. Arrondir les angles, montrer patte blanche, rassurer tiendra lieu de ligne de conduite.

En cas de réélection à la tête d’une supposée commune nouvelle, qui peut garantir que Mathieu Hanotin ne reviendra pas – à l’exemple de ce qui a suivi son élection de juin 2020 à Saint-Denis – à des pratiques conjuguant brutalité, privatisation et déstabilisation du service public ?

Au vu du passé, qui y mettrait sa main à couper, puisque ce qui est fait aujourd’hui peut être défait demain : la prime, son montant, les conditions pour la percevoir, les autorisations spéciales d’absence…, l’ensemble et l’avenir étant comme le prévoit le Rapport au Comité Social Territorial soumis au prisme de « l’optimisation et l’amélioration de l’emploi pour contenir les dépenses salariales ». Des avancées variables et donc toutes relatives.

Ce que Mathieu Hanotin confirme à sa façon dans l’article du Parisien dans l’après-midi du 16 mai rendant compte du CST : « Le maire de Saint-Denis ne masque pas sa volonté, à terme, de faire des économies d’échelle : « Est-ce que la commune nouvelle va permettre de la mutualisation ? Évidemment, c’est l’un des objectifs. Dès qu’on peut faire des économies en rendant un service équivalent pour moins cher, on va le faire. Est-ce que cela se fera de façon brutale au 1er janvier ? Non, on ne va pas dire aux agents : Désolé, on n’a plus de poste pour toi. Cela se fera progressivement (sic !) et à certains endroits où il y a, au contraire, un manque de cadres, la fusion permettra des évolutions. »

Subsiste une donnée essentielle, outre les agents, que stratégie oblige Mathieu Hanotin a décidé, à ce stade, de « cajoler » un peu pour assurer son avenir, ce sont les citoyen.nes – dont ceux qui participent à la votation citoyenne en cours – qui auront le dernier mot.

PS : Des échanges ont eu lieu avec la CGT, le SNUTER-FSU et SUD avant et après le CST. Un échange tardif devait avoir lieu avec FO avant la parution de notre article mais n’a pu se concrétiser. L’UNSA et le SAFPT sollicités nous ont fait part de leurs communiqués. Relancée à plusieurs reprises, la CFDT n’a pas donné suite.

Article modifié le le 29 mai à 14 h. La version du document de la municipalité Etude d’impact-Ressources Humaines pour la création de la commune nouvelle en date du 30 avril (et non du 15 avril comme indiqué par erreur) comportait déjà avant celle du 16 mai (en page 9) dans son intégralité le tableau qui fait office de communiqué de FO et du SA-FPT après le CST. Cela était donc déjà acquis, acté.

Article modifié le 30 mai à 13h15. Précision. La photo où apparait Mehdi Akaouch, le secrétaire du syndicat SA-FPT de Pierrefitte en compagnie de Michel Fourcade, maire de Pierrefitte et de Sonia Bennacer, son adjointe n’est pas une photo issue du compte Facebook de Mehdi Akaouch. Elle a été prise suite à un événement sportif. Cette précision nous a été apportée lors d’un échange téléphonique avec Mehdi Akaouch que le Blog de Saint-Denis rencontrera prochainement.