La municipalité met fin à sa collaboration avec Raid Aventure Organisation… mais uniquement sur le temps scolaire et péri-scolaire. Concernant le financement de ces « animations » la municipalité n’a pas répondu à nos questions.

, par Michel Ribay

Confrontée aux protestations de nombreux parents d’élèves, dont des parents élus affiliés à la FCPE, la municipalité les a reçu à leur demande en début de semaine dernière. A l’issue de cette rencontre et face au mouvement d’indignation suscité par « l’animation » du 27 septembre, la municipalité renonce à poursuivre celles-ci dans le cadre scolaire et péri-scolaire. Interrogée, concernant les aspects financiers de ces « animations », la municipalité n’a pas répondu à nos sollicitations. Entretien avec Aurélie, parente d’élève.

Vous étiez à la réunion du mardi 11 octobre, en tant que parent de l’école Balzac avec la municipalité suite à la demande des parents d’élèves de la FCPE choqués de ce qui s’est passé le 27 septembre : la participation sur le temps scolaire d’élèves de primaire à une après-midi, co-organisée par Raid Aventure Organisation, une association de policiers, et la municipalité, présentée comme un moment autour du sport et de la citoyenneté. Que s’est-il passé en fait ?
Aurélie : Le 27 septembre, un de mes fils de 7 ans (en CE1) a participé à l’animation « Prox’aventure » il me raconte donc sa journée au cours de laquelle il a été invité au maniement de pistolet laser en tenue de Police... Il me regarde en me disant : "Finalement c’est sûr, maman, tu n’aurais pas aimé…" Voilà pour le retour que j’ai eu de mon enfant.

Et lors de la réunion du 11 octobre ?
La rencontre a débuté par un tour de table. J’étais la seule parente dont l’enfant avait participé...
A l’issue de la réunion nous avons obtenu que ce type "d’animation" ne se reproduise plus ni sur le temps scolaire ou périscolaire. La mairie reconnaît aussi que ce dispositif n’était pas forcément adapté au CP/CE 1… mais plutôt aux CM1et CM2 !
J’ai soulevé tout de même la question du financement et de la pertinence de ce type d’intervention en direction des jeunes des quartiers populaires... et aussi le fait que parler de prévention sans jamais avoir évoqué le recours éventuels à des professionnels de la prévention spécialisée était plus que surprenant !
Bien que des éducateurs sportifs ainsi que des anciens « policiers » intervenant sur cette action soient bénévoles, la municipalité a précisé que ce dispositif est financé par le budget de la prévention et que de toute façon sur le quartier ciblé (Péri) malgré les difficultés et problématiques il n’y a pas d’intervention d’équipes d’éducateurs mais seulement des réflexions concernant la prévention situationnelle (aménagements urbains pensés sous le prisme de la sécurité).
Pourtant, la municipalité dispose de ressources en matière de prévention, l’association de prévention Canal est d’ailleurs associée, à l’occasion des vacances scolaires, à une intervention de ce type dans le quartier Cosmonautes. Celle-ci présentée comme une animation de quartier.

Qu’explique la municipalité à travers l’adjointe élue à la prévention, présente à cette réunion ? Comment justifie-t-elle que ce soit au titre de sa délégation que cette initiative se déroule et que la prévention semble être le motif de ces interventions ?
Elle justifie cette intervention par la nécessité d’ouvrir le dialogue entre police et jeunesse. En disant, que lorsqu’il y a connaissance réciproque, finalement les rapports jeunesse- police sont plus apaisés.

La municipalité renonce donc à ces initiatives en primaire suite à la mobilisation des parents. Est-ce pour vous suffisant ? Est-ce un dérapage ou cela révèle-t-il des choses plus profondes ?
Pour moi ce n’est évidemment pas suffisant, les parents d’élèves et la municipalité reconnaissent que ce type d’intervention n’est pas adapté à des enfants dans le cadre scolaire voire périscolaire mais laisse l’action se reproduire sur un temps de vacances scolaires comme une animation de quartier… Mon analyse est aussi en lien avec un contexte général de dérives sécuritaires dans l’optique de préparer les jeux olympiques 2024.

Une video de présentation des activités De Raid Aventure Organisation a été retirée de leur site ces derniers jours, une plaquette de présentation est toujours accessible dans laquelle on peut voir un jeune enfant casqué, avec gilet et épaulettes de protection, être initié au maniement d’un Tonfa…
La vidéo a été évoquée dès le début de la réunion en mairie. L’élue a alors expliqué qu’il s’agissait d’une vidéo de promotion et que ce dispositif était adaptable.

Comment peut-on en arriver là et comment est-ce possible que l’Education nationale valide encore ce type d’intervention ?
Je n’ai pas d’informations à ce sujet, je sais seulement que les parents élus de l’école Balzac souhaite une rencontre avec l’Education nationale et qu’à l’issue de cette réunion il serait question d’une motion portée pour la première fois par des enseignants et des parents d’élèves.

A la fois parent concerné et professionnelle du secteur de la prévention, cette affaire vous a choqué à double titre ?
Je tente d’initier un esprit de non violence auprès de mes enfants et des jeunes avec lesquels je travaille. En protection de l’enfance, les sorties du types Paintball ou Lasergame sont fortement déconseillées voir même interdites en fonction des établissements.
La prévention spécialisée repose sur des principes fondamentaux. La libre adhésion c’est à dire la nécessité pour le jeune d’être libre pour adhérer à un projet le concernant ; les équipes inscrivent le développement de leurs actions dans le temps et vont tenter de construire un lien de confiance, les jeunes connaissent nos prénoms, les noms des équipes mais ne sont pas face à une institution. Les éducateurs eux aussi connaissent les surnoms, les prénoms des jeunes mais ne disposent pas de dossier nominatif et leur travail ne relève pas d’une prise en charge émanant d’une autorité administrative ou judiciaire. Ce sont ces principes qui garantissent un rapport de confiance sans lequel rien n’est possible.

Le secteur de la prévention spécialisée annonce des mobilisations, en quelques mots pouvez-vous nous en indiquer les temps forts et les motifs ?
Les attaques sont multiples sur ce secteur pourtant méconnu : les conseils départementaux retirent ou diminuent leurs dotations pour les structures. Les associations peinent à recruter car les grilles salariales conventionnelles sont assez faibles.
Un appel national a été lancé par la fédération Sud Santé Sociaux pour ce 17 octobre, date d’anniversaire de l’arrêté qui reconnaît l’utilité publique de la prévention spécialisée. Rendez-vous est donné à Privas en Ardèche où une délégation sera reçue par les conseillers départementaux avant de rejoindre la mobilisation des collègues au sujet de l’expérimentation du versement du RSA soumis à des heures de bénévolat.

Précision ajoutée le 19 octobre à 18 h. Deux parent.e.s d’élèves dont les enfants ont participé aux "animations" étaient présent.e.s à la rencontre avec la municipalité.
Par ailleurs, le conseil d’école de Langevin a pris position (à l’unanimité moins une abstention) pour que ce dispositif ne soit pas mis en œuvre dans les écoles et centre de loisirs de Saint-Denis.

Ci-dessous les questions posées à l’adjointe au maire en charge de la prévention pour lesquelles nous n’avons pas eu de retour :
– Quel est le montant des dépenses engagées par la ville et sur quel budget/direction (s) ? Prévention ? Police municipale ?
– Quel est le montant versé à l’association en question, Raid Aventure Organisation ?
– Une convention existe-telle entre la ville et l’association ?