Le Blog de Saint-Denis – Quand a été crée la première Amap à Saint-Denis et de quelle idée, besoin êtes-vous partis pour le faire ?
Jean-Claude Richard – L’AMAP Court-Circuit, créée en 2010 fait suite à la Dionyversité, l’Université populaire des St-Denis qui a été créée en octobre 2007 et a commencé ses activités en mars 2008 sous forme de 2 cycles de 4 cours par mois à la Bourse du travail de Saint-Denis et au Musée d’Art et Histoire de St-Denis. A partir de janvier 2011 un seul cycle de 4 cours par mois a été programmé et à partir de 2013 des cycles occasionnels. Pendant sa période d’activité, de 2008 à 2013, l’Université Populaire a donné 273 cours et reçu 8369 auditeurs.
– Comment cela s’est-il passé ? De la recherche des producteurs à la distribution ?
J-C. R. – L’AMAP Court-Circuit, créée en 2010 c’est donné comme but de fournir aux habitants de Saint-Denis des produits alimentaires bio ou de qualité à des prix raisonnables. (le panier de cinq légumes était de 10€ en 2010 et il est de 11.50€ en 2024).
Depuis 2010, l’AMAP regroupe entre 230 et 260 familles qui peuvent bénéficier chaque semaine des produits proposés par des producteurs. Le premier maraîcher a été démarché sur le marché de St-Denis (La famille Vavasseur qui faisait des pommes et des poires). Le fils, Damien, c’est lancé dans le maraîchage. Les autres producteurs ont été démarchés au fur et à mesure : - du pain Bio fabriqué par un boulanger de St-Denis à « prix libres »,- des œufs bio provenant d’un maraîcher/producteur situé à Chery dans l’Aisne,- des légumes provenant d’un maraîcher installé à Craone dans l’Aisne également, - des produits laitiers de vaches provenant de la ferme Beaulieu à Pécy, Seine-et-Oise,- des champignons de la Marianne à Méry dans l’Oise,- du poisson en provenance du port du Havre, famille de pêcheurs,- des fromages de chêvres de la Ferme de Riberpréà Thil (76),- des fromages de brebis du « Pré de Viette » à Ammeville, Calvados,- des volailles de la Ferme Galobio de Livarot, Calvados, - des agrumes en provenance de Porte Vecchi, Corse.
– Comment cela s’est-il développé au fil des années ? De quel soutien avez-vous disposé en terme de logistique ? De subventions ?
J-C. R. – Dès le lancement, l’AMAP a compté 70 familles et au bout de deux ans 150 familles ce qui nous a obligé à trouver un second maraîcher. L’AMAP Court-Circuit a recherché l’autonomie financière et ne demande pas de subvention. Nous avons un local loué à Plaine Commune Habitat et nous assurons le paiement d’un loyer mensuel. L’ensemble des membres participe au financement du loyer, de l’assurance, de l’électricité et de l’eau à hauteur de 20€/an. Il n’y a pas d’adhésion dans notre modèle.
– Vous avez développé cela avec une très forte volonté que les personnes s’emparent du sujet et fasse vivre eux-mêmes le projet et sa « gestion » dans la durée, pourquoi cette volonté ?
J-C. R. – La question de la gouvernance, et donc de l’implication des membres est le coeur du projet lancé par le groupe anarchiste Henry Poulaille. Au delà des produits bio et du soutien aux petits producteurs, nous avons cherché à mettre en place des procédures réduisant les espaces de pouvoirs et ainsi laissé un maximum d’espaces de libertés aux femmes et aux hommes du collectif. A titre expérimental, nous avons posé, dès la première réunion à la Bourse du travail en 2010, le principe de l’absence de structure organisationnelle. Une association nécessaire juridiquement bien sûr mais qui ne fonctionnerait pas. Cette première décision a entrainé l’absence de décision collective (AG) et autres commissions, présidence, bureau, agora.... La question était de savoir si ces absences nuiraient au bon fonctionnement d’un collectif de plusieurs centaines de personnes.
Nous pouvons répondre aujourd’hui : loin de nuire, ces absences ont, au contraire, permis une énorme implication des membres dans le fonctionnement.
– Combien de personnes cela a-t-il concerné au fil des années ?
J-C. R. – Dans l’AMAP depuis 2010 - 500 à 600 familles, pour les épiceries DIONY-COOP depuis 2015 - 1438 familles.
– Après les Amap comment s’est posé la question des coopératives ? Comment elles-aussi se sont-elles mises en place ?
J-C. R. – Le concept d’épicerie est apparue naturellement comme un manque. L’AMAP fournissait de nombreux produits alimentaires mais il manquait tout le reste... A partir de là et après une rencontre avec Didier Paillard (maire de 2004 à 2016), l’association (qui ne fonctionne pas !...) signe un bail avec Plaine Commune Habitat pour le local de la rue de la Ferme.
La question du local étant réglée, les membres de l’AMAP concernés par le projet ont mis en place des commissions de travail éphémères qui ont pris des décisions expérimentales (cette façon de fonctionner est venue d’elle-même du fait que les membres de l’AMAP étaient baignés dans un espace de liberté et de responsabilité individuelle). Ces décisions ont été communiquées à l’ensemble des membres de l’AMAP mais il n’y a jamais eu de décision démocratique par rapport à ces décisions expérimentales.
Dans le modèle, nous partons du principe que les porteurs d’un projet ne savent pas, qu’ils peuvent expérimenter et donc qu’ils peuvent se tromper. Tout à fait le contraire du fonctionnement démocratique où l’on est censé décider de quelque chose que l’on sait !
– Quels sont les principes qui font vivre ces coopératives ?
J-C. R. – Les grands principes sont la liberté, la responsabilité individuelle, le droit d’expérimenter, le droit de se tromper et surtout une organisation qui a cherché à réduire au maximum les espaces de pouvoirs sur le collectif.
La question n’est pas d’avoir le droit de donner son avis (principe démocratique par excellence) mais d’avoir le droit de faire (principe autogestionnaire).
Concrètement, les commissions éphémères ont décidé à titre expérimental (qui n’est plus expérimental après 8 années de fonctionnement) :
– Que tout membre d’une épicerie peut prendre l’initiative de faire entrer un nouveau produit dans l’épicerie sans demander l’autorisation à quiconque. (sauf au trésorier pour le montant qui sera à payer) ;
– Que les produits devaient être vendus le moins cher possible aux habitants de St-Denis et que donc, il n’y aurait aucune marge ajoutée sur les produits achetés au tarifs "revendeurs". En d’autres termes nos produits bio sont vendus 30 % moins chers que dans les enseignes nationales distribuant des produits bio ;
– Qu’il n’y aurait pas de gestion informatisée dans les épiceries ;
– Qu’une dizaine de jeux de clés seraient accrochés dans les épiceries et que tout à chacun pourrait prendre l’initiative d’ouvrir pendant les heures d’ouverture et aussi de lancer de nouveaux créneaux d’ouvertures ;
– Que les commandes régulières seraient passées par une ou plusieurs personnes auto-désignées ;
– Que chaque coopérateur ferait le compte de ses achats et qu’il mentionnerait le montant sur sa fiche individuelle de coopérateur sans aucun contrôle (principe de confiance).
– Aujourd’hui quel bilan tirez-vous de tout cela ?
J-C. R. – Du point de vue libertaire, nous avons la confirmation que la liberté engendre la responsabilité et surtout que l’absence de zone de pouvoir permet aux initiatives citoyennes de s’exprimer dans la pratique. Globalement, notre collectif fonctionne sans conflit puisque personne ne peut devenir "calife à la place du calife". Chacun fonctionne à son rythme et le fait d’en faire plus ou moins que d’autres n’apporte aucun pouvoir ou critiques. Par exemple, il n’y a pas d’obligation d’ouvrir les portes, de passer les commandes, d’en assurer les réceptions,... et néanmoins tout fonctionne !
Nous avons dans les boutiques entre 900 et 1000 produits différents et nous avons fait 362.000€ de ventes en 2022.
– En ce début d’année après avoir tiré le bilan de l’année 2023, quels sont les perspectives pour la suite ? Affrontez-vous des difficultés particulières ?
J-C. R. – Nous rencontrons les mêmes problèmes que tous les autres modèles d’épiceries ouvertes par les consommateurs (un douzaine en 2015 et plus de 350 aujourd’hui sur l’ensemble de la France) avec une baisse du nombre de membres. Nous avons un déficit de communication propre à notre organisation et aussi au fait que le journal de St-Denis n’est plus hebdomadaire. Le JSD était pour nous un formidable outil de communication avec des petites brèves constantes sur nos activités.
Le mouvement de population à Saint-Denis oblige à communiquer constamment vers les nouveaux arrivants or ces derniers sont extrêmement difficile à toucher.
– Des nouveaux projets ? Des nouvelles ouvertures de coopératives ?
J-C. R. – Le propos dès le départ était de couvrir le territoire. Il reste donc à ouvrir une DIONY COOP à la Plaine et une DIONY COOP à Pleyel...
– Vos meilleurs souvenirs de cette aventure ? Des regrets ? Des colères ? Des espoirs ?
J-C. R. – A titre personnel et comme militant libertaire, né à St-Denis il y a maintenant 76 ans, je peux dire que le lancement de l’Université Populaire, de l’AMAP Court-Circuit et enfin des Coopératives alimentaires DIONY COOP ont été le point d’orgue de ma vie militante. Ces réalisations ont confirmé la prégnance des valeurs organisationnelles anarchistes.
Notre précédent article sur la solidarité alimentaire à lire ici.
Contact : dionyversite@orange.fr
Horaires :
La Ferme : 2, rue de la Ferme
Lundi 18h30-20h30
Mercredi 12h-14h
Jeudi 18h30-20h30
Samedi 10h30-12h30
Bel Air : Place du Bel Air
Mardi 18h30-20h
Mercredi 10h-12h
Jeudi 18h30-20h
Samedi 10h30-13h
La Gare : 10 bis rue Dézobry
Lundi 18h-20h30
Mercredi 10h30-12h30
Jeudi 18h-20h30
Samedi 10h30-13h