Retour sur le conseil municipal du 19 mai : au sujet de la charge de la police municipale le 6 février à la gare, le maire se mure dans le déni.

, par La Rédac’

Après la révélation des événements survenus à la gare de Saint-Denis le 6 février dans un article du Monde et documentés par deux vidéos, chacun attendait jeudi 19 mai, jour du conseil municipal, les explications et les décisions du maire et de son adjointe, Nathalie Voralek. Le communiqué de la ville le lendemain de la parution de l’article avait déjà donné le ton : à aucun moment le mot « charge » n’était prononcé. Ce fut aussi le cas lors du conseil municipal. Nathalie Voralek, omni-présente sur les réseaux sociaux, brillait, elle, par son absence toute diplomatique, évitant par là même d’avoir à répondre aux questions précises de l’opposition municipale. Lui a-t-on demandé de s’absenter ? Le maire lui a-t-il retiré sa confiance pour gérer le débat que celui-ci entendait mener seul ?

A l’ouverture de la séance, le maire n’a pas hésité à renouveler ses attaques contre la presse, contre l’article du Monde évoquant un article « injuste », comportant des « erreurs factuelles », « un titre indigne du journal Le Monde » et parlant de « désinformation ».

En réalité, ces propos ne sont pas surprenants. Ils témoignent de la posture classique de tous ceux qui, mis en cause par la presse, choisissent comme mode de défense l’attaque, mettant en doute le sérieux des enquêtes en jetant la suspicion sur le travail du journaliste ou la partialité du média. Beaucoup se sont essayés à cette stratégie, allant jusqu’à nier les faits, à persister dans le déni jusqu’à ce que leur ligne de défense s’effondre, ne pouvant résister à la manifestation de la vérité qu’établissent des documents qu’ils soient écrits, sonores ou visuels.

Lors du débat, le maire est même allé jusqu’à opposer « la rationalité », « les faits », - qu’il juge être de son côté - aux interventions et aux questions précises de l’opposition, les qualifiant de « post-vérité ».

Sur les bancs de l’opposition, qu’il s’agisse du groupe Saint-Denis à gauche ! ou de l’ensemble des non-inscrits qui se sont exprimé, tous ont été unanimes pour interroger la politique de sécurité défendue par le Maire. Et les propos tenus ont été forts.

Kader Chibane, pour appuyer sa proposition d’une mission d’information - dispositif prévu dans le cadre du règlement intérieur du conseil municipal - a dénoncé le comportement d’agents de la police municipale : « le tutoiement, les insultes, les gens qui sont poussés, agressés », « des gens qui vous parlent mal, qui vous menacent », « ils sont dans la dérive ».
Et d’ajouter que « ce type de pratiques et d’interventions ne peuvent pas durer ».

Bakary Soukouna, faisant référence à une intervention de la police municipale au Franc Moisin [qui n’aurait dû déboucher que sur une verbalisation et a donné lieu à de violents incidents. NDLR] soulignait l’absence de politique de prévention et les imprécisions quant au champ de compétences de la police municipale.

Ces deux interventions avaient été précédées d’un long propos de David Proult pour le groupe Saint-Denis à gauche ! s’attachant à montrer que les événements survenus le 6 février et d’autres rapportés en ville étaient, au-delà des comportements individuels des agents, la manifestation, les conséquences de la doctrine de sécurité adoptée par la nouvelle municipalité. Il réitérait, au nom du groupe, la demande d’une enquête administrative et la communication des rapports de l’intervention rédigés par la police municipale.

Brahim Chikhi a quant à lui interrogé le maire sur l’illégalité de la présence de chiens de la brigade cynophile utilisés lors de la charge et s’est félicité de l’existence de l’article du Monde sans lequel « personne n’aurait rien su de cette affaire ». Il a indiqué qu’il saisirait le défenseur des droits.

Résumant l’attitude du maire et soulignant au passage l’apparition d’un mot de compassion de sa part envers la victime qu’après 1h de débat, le conseiller municipal qui a quitté la majorité municipale il y a plusieurs mois a déclaré « Vous avez esquivé les questions, vous avez laissé faire et vous avez couvert [l’affaire] ».

A cette interpellation, dans une volonté de justifier les agissements de ses agents, le maire a opposé des arguments que nous qualifierons de mensongers car démentis par les videos : « La police municipale subissait des jets de projectiles » , « Une foule menaçante contre les effectifs de la police municipale ».

Faut-il le répéter à nouveau : cette charge était injustifiée et a été conduite au mépris de la loi. Rentrons donc dans les détails de la loi.

Le recours à la force au cours d’une opération de maintien de l’ordre public répond aux exigences des articles 431-3 du code pénal :
« Constitue un attroupement tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l’ordre public.
Un attroupement peut être dissipé par la force publique après deux sommations de se disperser restées sans effet adressées dans les conditions et selon les modalités prévues par l’article L 211-9 du Code de la sécurité intérieure ».

Et de l’article 211-9 du Code de la sécurité intérieure qui indique :
[…]
Il est procédé à ces sommations suivant des modalités propres à informer les personnes participant à l’attroupement de l’obligation de se disperser sans délai.
Toutefois, les représentants de la force publique appelés en vue de dissiper un attroupement peuvent faire directement usage de la force si des violences ou voies de fait sont exercées contre eux ou s’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent. »

– Alors, le groupe de personnes - par ailleurs présentes sur la place Georges Arnold à la demande de la police municipale, après une première dispersion au motif de ne pas gêner les flux d’accès et de sortie de la gare (un dimanche à 23 heures !), ce que le maire semble ignorer - troublait-il l’ordre public ? Non.

– A-t-il été procédé à des sommations comme le prescrit l’article 211-11 du Code de sécurité intérieure ? Non.

– Des violences ou voies de fait ont-elles été exercées par le groupe de personnes présent place Georges Arnold ? Non.

– Le terrain que la police municipale occupait était-il attaqué par le groupe de personnes présent place Georges Arnold ? Non.

A ces questions toute personne de bonne foi visionnant la vidéo répondra non à quatre reprises.

Se refusant à admettre des faits incontestables en déclarant : « Rien dans cette vidéo ne démontre un comportement délictueux des forces municipales de Saint-Denis » le maire soit ignore la loi soit feint de l’ignorer. Ou ment-il sciemment ?

Quelque soit le cas, chacun conviendra que cela pose un sérieux problème concernant le premier magistrat.

S’agissant de son ignorance de la loi, ce sujet a fait l’objet d’un échange avec Sophie Rigard, conseillère municipale d’opposition, membre du groupe Saint-Denis à gauche !, témoin directe des événements du 6 février et mis en cause dans le communiqué paru le 15 mai sur le compte Facebook de la ville.

En plus de l’accuser d’instrumentaliser l’affaire, il a cru bon de lui reprocher de ne pas avoir respecté l’article 40 du code de procédure pénale au nom duquel elle aurait dû signaler les agissements des policiers municipaux et nationaux immédiatement au procureur de la République..

Mal lui en a pris à deux titres. D’une part puisqu’en disant cela il reconnait implicitement les fautes commises, d’autre part parce qu’elle n’était nullement dans l’exercice de ses fonctions ce soir-là à son domicile, contrairement à ce que dispose l’article de loi en question.

En retour, Sophie Rigard n’a pas manqué de lui faire remarquer qu’en revanche son directeur de police municipale, son adjointe à la sécurité – et lui-même de manière générale – exerçaient pleinement leurs fonctions au moment du debriefing de l’intervention le lendemain ou dans les jours qui ont suivi.

Elle a poursuivi et ainsi égrené les questions : « Vous niez les agissements de votre politique municipale mais vous reconnaissez que le jet de grenade du policier national est inacceptable.

– Est-ce que vous avez signalé au procureur de la République le délit de ce policier national ? Non. Vous avez choisi de laisser faire la préfecture de police. Vous n’avez donc pas respecté la loi qui vous oblige. »

– « Vos agents de police municipale sont également tenus de respecter l’article 21-2 du code de procédure pénale […] et ils ont bien vu et entendu le policier national jeter la grenade et dire « Messieurs, cadeau », est-ce qu’ils vous l’ont rapporté dans leur rapport ? Non.

– Le seul agent municipal qui voit ses collègues charger sans sommation, il vous a rapporté cela ? Non.

– Le directeur de la police municipale qui a regardé les images des caméras de surveillance, il vous rapporté tout cela ainsi qu’au procureur ? Non. »

Selon nos informations un courrier de l’avocate de la victime va être adressé au maire dans tous les prochains jours l’interrogeant sur la position qu’il compte adopter s’agissant d’une indemnisation pour les préjudices subis par la fillette de 8 ans.

Si cette affaire trouve une issue rapide et respectueuse des intérêts de la victime, elle ne pourra pour autant dispenser la municipalité de s’interroger sur sa politique en matière de sécurité, les graves entorses qu’elle suscite ainsi que les comportements des agents que les Dionysien.nes constatent bien trop souvent et ne peuvent accepter.

Deux heures avant le conseil municipal, le comportement d’un agent de la police municipale devait faire l’objet d’une main courante déposée au commissariat de Saint-Denis par une habitante qui relatait ainsi les faits sur Facebook :

« Quand tu promènes ton petit fils de 9 mois en poussette dans la rue piétonne à 17h (Rue de la Rép.) et que tu vois foncer sur toi un agent de la Police Municipale te foncer dessus avec sa moto électrique et n’éviter la poussette qu’au dernier moment sans même un regard sur nous, sans même un mot d’excuse, trop occupé à faire le Kéké avec son nouveau jouet. Des piétons qui se trouvaient à marcher près de moi sont venus me parler, estomaqués qu’ils étaient et très inquiets par ce comportement déviant. En effet , il semblerait que la frontière entre la police municipale de Saint-Denis et ses délinquants soient très ténue. On n’a pas droit à un nouveau conservatoire de Musique à Saint-Denis car elle coûte "un pognon de dingue" mais si c’est pour gonfler un peu plus les chiffres de la délinquance, où va t-on ? Est-ce ainsi que le nouveau maire règle les problèmes de sécurité, en recrutant des baltringues qui jouent les cow-boys et qui ont dû se faire jeter d’autres communes. Faudrait peut-être avoir des exigences sur le niveau de compétences... On est mal barrés, les scandales liés à cette police se multiplient, pour ma part, je vais déposer une main courante auprès de la Police Nationale qui quoiqu’on en dise est nettement plus respectueuse... »

Monsieur le maire, entendez-vous ce que vous disent les habitants ?

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