
Savez-vous vraiment comment sont traités ceux qui s’occupent de vos enfants ? Pour les animatrices et animateurs des centres de loisirs, en grève le 23 mai, et les enfants, trop c’est trop.
Faibles rémunérations, RTT à la baisse, précarité massive, taux d’encadrement des enfants modifié, politique d’inclusion ambitieuse remise en cause, cars supprimés pour les sorties, mobilité « systématique » imposée au agents… les animatrices et animateurs des centres de loisirs sont en grève et certains ont été menacés pour leur participation au mouvement. Les raisons d’un conflit.
Une réunion s’est tenue avec la direction générale ce lundi 22 mai en début d’après-midi. Aucun élu n’était présent, ni Leyla Temel en charge de l’enfance, ni Yannick Caillet en charge du personnel et du dialogue social. La municipalité reste sourde aux revendications des animatrices et animateurs. Ceux-ci sont contraints à poursuivre le mouvement.
Après les trois journées de mobilisation des 8 et 25 avril et du jeudi 4 mai, le mouvement de grève des animatrices et animateurs se poursuit le 23 mai.
Ce mouvement de protestation et de revendications trouve sa source dans la réorganisation des services qui a été présentée lors d’un Conseil Social Territorial (ex-Comité Technique Paritaire), la structure consultative dans laquelle doit être présentée tout projet qui touche aux conditions de travail, aux créations, modifications ou suppression de postes ou tout autre élément modifiant l’activité des agents de la collectivité.
Cette réorganisation du service enfance modifie plusieurs aspects liés aux conditions et à l’organisation du travail des agents :
– nouvel organigramme
– nouvelles définitions de postes
– nouveau mode de calcul des congés défavorable aux agents
– mobilité « systématique » des agents
Sur ce point il faut rappeler que la mise en place de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a mis fin aux situations dérogatoires en matière de temps de travail dans les collectivités territoriales par rapport à la fonction publique d’Etat. Cette loi pose le principe que, sauf exceptions légitimes liées notamment à la pénibilité, la durée de travail effective de tous les agents publics est fixée annuellement à 1 607 heures (1600 heures annuelles soit 35 h par semaine, puis 1607 heures annuelles depuis la mise en place de la journée de solidarité en 2004. Les communes et intercommunalités étaient tenues de délibérer pour se mettre en conformité avec la loi avant le 1er janvier 2022).
Augmentation du temps de travail des agents : à Paris, Hidalgo résiste, à Saint-Denis, Hanotin accélère
A la mise en place de cette loi sous la pression du gouvernement, les collectivités ont répondu de manière différenciée, beaucoup de collectivités dirigées par des maires de gauche ont bataillé pour conserver tant leurs prérogatives d’organisation du travail en tant qu’employeur, qu’un climat social favorable au meilleur exercice du service public local.
Le bras de fer entre collectivités et préfectures s’est prolongé très tard à l’exemple en ile de France du Val de Marne et à Paris jusqu’au début de l’année 2022 et au delà devant les tribunaux, ces collectivités tentant d’utiliser tous les moyens de droit pour préserver leurs agents des impacts de la loi du 6 août 2019.
En revanche à Saint-Denis, dès octobre 2020, la municipalité conduite par Mathieu Hanotin a été l’une des premières collectivités a accélérer le mouvement de mise en place de cette réforme aux conséquences lourdes pour les agents.
A l’occasion de cette réforme, la nouvelle municipalité a supprimé tous les congés existant qui étaient le produit d’accords issus du dialogue social, des revendications des organisations syndicales et des choix de politique sociale des municipalités précédentes.
La perte des congés liés à ce qui s’appelaient « les journées du maire », la semaine accordée pour la médaille du travail acquise au bout de 20 ans de service ou celles précédant la retraite d’un agent se comptent en dizaines de jours.
Le service de l’enfance a particulièrement fait les frais de ce changement. Ce service est conséquent car il est le reflet du nombre important d’établissements scolaires sur la ville et du choix des municipalités précédentes d’une politique dédiée à l’enfance ambitieuse avec au sein de chaque groupe scolaire un centre de loisirs.
Ainsi les équipes d’animations sont composées de :
– 579 agents permanents (336 titulaires et 243 mensualisés)
- 50 agents contractuels à temps plein (ACTP) en remplacement d’agents momentanément indisponibles ou en attente de recrutement d’un agent titulaire
- 350 contractuels horaires intervenant ponctuellement en remplacement ou en cas de progression des effectifs
Une diversité de statut donc où pour le même travail effectué les conditions de calcul des congés, des RTT diffèrent et créée de fortes inégalités qui viennent se surajouter aux congés perdus depuis l’accession aux responsabilités de la nouvelle municipalité.
A cette situation vécue déjà comme injuste et discriminatoire les décisions prises par la municipalité conduite par Mathieu Hanotin dégrade les conditions de travail et la qualité de l’accueil des enfants au sein de 38 centres de loisirs avec 2300 enfants chaque mercredi, 3700 enfants chaque soir dont 1100 sur le temps d’aide aux leçons jusqu’à 17H45 et 8050 enfants chaque jour pendant la pause méridienne.
Plus d’enfants à prendre en charge, des taux d’encadrement hors normes certains jours et une régression programmée de l’accompagnement des enfants handicapés
En effet le taux d’encadrement a été modifié, il est passé de 1 animateur pour 8 enfants des Toutes Petites Sections à 1 animateur pour 10, pour les sections maternelles de 1 pour 10 à 1 pour 14 et pour les élémentaires de 1 pour 14 à 1 pour 18.
Concernant la politique d’inclusion des enfants affectés d’un handicap, le recul est significatif puisque pour chaque enfant identifié, signalé par les parents ou repéré par les équipes un animateur supplémentaire était adjoint à l’équipe constituée sur la base des anciens ratios d’encadrement.
Dorénavant la réorganisation supprime cette politique ambitieuse en faveur de l’inclusion des enfants, qui de plus permettait un meilleur taux d’encadrement.
C’est un traitement au cas par cas qui est retenu. C’est dans le cadre de la création d’un cinquième poste de référent territorial (qui remplace les 8 postes de coordinateurs) que celui-ci « aura la particularité d’accompagner les enfants qui ont des besoins particuliers ou en situation de handicap en plus de venir au soutien de ses collègues sur des missions de suivi ou de remplacement. Ce poste permettra de définir et de mettre en place l’ensemble des ressources nécessaires pour garantir cet accueil en accompagnant les équipes, les familles et les enfants et les partenaires qui le sollicitent. »
« La rédaction d’un protocole d’accueil d’ores et déjà rédigé suite à un groupe de travail avec des directeurs d’accueil de loisirs et la chargée de mission handicap permettra de définir le besoin en accompagnement de chaque enfant (conditions d’encadrement, suivi médical, amplitude d’accueil,…). » (extraits du rapport présenté au CST du 16 mars).
Le recul peut donc s’avérer très sévère pour la politique d’inclusion et le travail des équipes. Qui sera chargé de l’évaluation outre la Mission handicap, la MDPH ? Comment le point de vue des équipes, de ceux qui connaissent au plus près les enfants sera pris en compte ? L’on sait par ailleurs que des parents sont réticents voire opposés à faire reconnaitre d’une façon officielle, par les structures institutionnelle existantes un handicap, un déficit, un trouble comportemental.
Il semble bien que là encore, le choix qui prévaut est celui de la gestion, du coût au détriment de la mission d’accueil de tous les enfants.
Une mobilité « systématique » imposée aux agents
Une mobilité contractuelle, négociée qui s’inscrit dans le parcours professionnel des agents, multiplie les expériences et favorise la montée en compétence et l’initiative des agents peut sembler, définie comme telle, tout à fait bénéfique.
Encore faut-il qu’elle n’entraine pas de déstabilisation des équipes, la perte de l’expérience acquise et de la cohésion des équipes au service des enfants, la dissolution répétée des liens avec les enfants et les familles ou qu’elle vise la disparition de collectifs de travail soudés, voire revendicatifs.
Les équipes restent à ce stade dubitatives voire à ce stade opposées à ce systématisme de mobilité d’autant qu’il se met en place accompagné de mesures qui signent un recul pour la qualité de leurs missions (taux d’encadrement, inclusion de tous les enfants) et leur conditions de travail (rémunération, droit inégal aux RTT…) sans compter le statut précaire qui concerne 400 d’entre eux sur 979 agents.
A cela s’ajoute le refus de la municipalité de permettre au directeurs adjoints d’accéder au concours de catégorie B, la suppression des sorties en cars sur Paris en préconisant l’utilisation des transports en commun tout en s’appuyant sur le plan VigiePirate de niveau 3 pour interdire il y a peu aux parents de pénétrer dans les centres de loisirs (sic !), la suppression des temps de réunions consacrées au travail en lien avec l’Education nationale, les nouvelles missions comme l’organisation de l’aide aux devoirs dévolue auparavant aux enseignants.
On comprend le profond malaise des équipes. La grève du 18 avril (hors vacances scolaires) fut massive et s’apprécie au regard de la situation qu’on connu les groupes scolaires (voir tableau joint).
Coups de pression sur les grévistes
C’est de plus dans ce contexte social que des contractuels et vacataires faisant grève ont fait l’objet de pressions et menaces quant à leur avenir au sein des centres de loisirs.
Un modèle de courrier émanant de la direction a par ailleurs été édité invitant chaque direction de centre de loisir à établir un “Rapport circonstancié en vue de l’engagement d’une procédure disciplinaire » à l’égard des agents qui s’étant initialement déclaré comme grévistes ont renoncé à faire grève (ce qui est leur droit le plus légitime) et se sont donc rendus sur le lieu de travail pour leur prise de poste. Ils ont été invités oralement par les directions à quitter les locaux. Cette demande étant illégale au regard du droit du travail et n’étant pas accompagné d’un écrit les protégeant ultérieurement soit d’une procédure pour un abandon de poste soit de conséquences juridiques graves en cas d’accident sur le trajet (domicile-travail-domicile), ils ont refusé de céder à ces injonctions.
Certains ont de plus été invités par la suite à s’excuser de leur participation au mouvement afin de sauvegarder leurs vacations à venir dans le service.
Que dire d’un“Rapport circonstancié en vue de l’engagement d’une procédure disciplinaire » sans motif caractérisé et lors d’un conflit du travail !
Qu’on nous explique : ce courrier est-il une initiative de l’administration validée a postériori par les élus ? Ou est-ce une directive des « hommes et femmes de gauche et de progrès » de cette majorité municipale ?
Des « hommes et femmes de gauche et de progrès » qui n’hésitent pas à faire tourner sur les réseaux moults photos de leur participation à des cortèges syndicaux… Qu’on nous explique…
Les explications données ces derniers temps aux parents sont plus que parcellaires.
En tout cas, pour les agents et en trois mots, trop c’est trop.
Article modifié à 16h48 avec les informations issues de la réunion qui s’est tenue en début d’après-midi ce lundi 22 mai.
Un pique-nique de l’Education est programmé par des parents d’élèves de plusieurs écoles primaires et du collège Elsa Triolet dimanche 4 juin à partir de 12h. Toutes les infos en cliquant ici.