A Saint-Denis, une deuxième marche pour réclamer Vérité et justice pour Yanis. Un appel a été lancé pour la création d’un collectif contre les violences policières dont l’acte de fondation se tiendra le 26 novembre.

, par La Rédac’

Près de 200 personnes ont manifesté samedi dans les rues de Saint-Denis pour réclamer vérité et justice pour Yanis, contre l’impunité et les violences policières. Bien qu’interdite par des instructions ministérielles, Yanis, en scooter, est poursuivi le 14 avril 2021 par un véhicule de la BAC. L’accident redouté dans ce type de situation survient et Yanis sombre dans le coma. Il décède à l’hôpital le 3 juin. Depuis, la famille réclame des vidéos de l’accident que ni la police ni la justice ne fournissent.

Samedi 5 novembre, près de 200 personnes ont marché à Saint-Denis contre les violences policières et pour Yanis à l’appel du comité Justice et vérité pour Yanis. De nombreux soutiens avaient répondu présents à l’appel du comité, parmi eux Assa Traoré pour le comité Adama, Justice pour Ibo, Vérité et justice pour Gaye, chacun du nom d’une victime de la police, le réseau d’entraide Vérité et Justice, le collectif Vies Volées mais aussi des Gilets jaunes avec le collectif des Mutilé.e.s pour l’exemple et d’autres encore.

Le 14 avril 2021, Yanis est pris en chasse par la police alors qu’il rentrait chez lui en scooter après un match de foot. Un accident met un terme à la course-poursuite sur l’autoroute A1, à quelques centaines de mètres de son domicile. Yanis est dans un état critique et est amené à l’hôpital. Il sera plongé dans un coma qui durera 49 jours, avant de mourir le 3 juin.

Depuis, la famille se bat pour obtenir des réponses aux questions que posent légitimement l’accident, et notamment la potentielle implication des agents de police dans l’accident de Yanis. Le chemin qu’a pris Yanis ce soir-là est truffé de caméras de vidéosurveillance dont la famille a réclamé le visionnage, sans suite.
« Nous réclamons justice et vérité pour Yanis ainsi que pour toutes les victimes de violences policières. Je réclame les vidéos qui me permettront de savoir ce qui est arrivé à mon fils. Pour que Yanis ne soit pas mort pour rien », a expliqué Valérie, la mère de Yanis, à la tribune.

Débutant la marche à la porte de Paris, près du lieu de l’accident, de nombreuses familles de victimes sont intervenues pour exprimer leur solidarité avec la famille de Yanis, et pour dénoncer les crimes d’Etat et les violences policières. 
Nordine, criblé de balles par la police à Stains il y a un an est revenu sur l’importance de lutter ensemble.

« Pourquoi le système protège toujours les mêmes, même quand il y a des preuves accablantes contre les policiers ? Face à cette machine qui nous écrase, il faut nous soutenir les uns les autres. Je me suis retrouvé sur le banc des accusés, alors que je suis victime, avec des séquelles à vie ».

Depuis le 16 août 2021, jour où la police a tiré sur sa voiture à Stains, Nordine ne cesse de clamer son innocence. Touché de plusieurs balles il est en urgence absolue. Une dernière balle a transpercé le corps de son amie, Merryl B., enceinte à l’époque, qui perd l’enfant. Le couple garde des séquelles physiques importantes depuis. 
C’est pourtant Nordine qui a été entre temps condamné à deux ans de prison ferme le 18 février 2022. Il est maintenant sous la menace d’une peine de 5 ans d’emprisonnement pour « tentative d’homicide » suite à une plainte des policiers répliquant à la sienne pour « tentative d’homicide volontaire ». Le délibéré sera rendu le 29 novembre au tribunal de Paris.

Après une longue marche jusqu’à l’Hôtel de ville, de nombreux soutiens de la famille de Yanis ont pris la parole pour dénoncer le traitement fait à celle-ci, et appuyer la nécessité de s’organiser à l’échelle locale et nationale contre ces crimes.

Localement cette marche a été aussi l’occasion de dénoncer la politique sécuritaire de la municipalité conduite par Mathieu Hanotin.

Devant l’hôtel de ville les manifestants ont brandi des photos témoignant des violences policières à Saint-Denis que ce soit celle du 6 février 2022 à la gare qui a entrainé de graves blessures pour une enfant, l’intervention très violente survenue au Franc Moisin le 5 avril de la même année, ou celles intervenues lors du match de la Champion’s League impliquant conjointement la police nationale et la police municipale.

D’autres clichés témoignaient de la posture sécuritaire qu’affiche ostensiblement la municipalité, que ce soit le maire PS, Mathieu Hanotin, affublé d’un gilet pare-balles à la cité Péri ou celui de son adjointe à la prévention, aux solidarités et droits des femmes, Oriane Fihlol (Génération.s), maniant une matraque télescopique sous le regard de policiers lors d’un événement de l’association Raid Aventure Organisation.

Au nom du collectif contre les violences policières dont la constitution officielle interviendra le 26 novembre, un de ses membres, M., a conclu dans ces termes son intervention  : « On doit s’organiser pour qu’ils comprennent qu’ils sont sous surveillance et que leurs pratiques ne seront pas sans conséquences. On doit s’organiser pour faire en sorte que leurs violences ne soient pas impunies. On doit s’organiser parce que, eux, ils s’organisent. On doit s’organiser parce que nous ne pouvons compter que sur nous même quand eux ont les institutions pour les protéger. »

L’appel à la création de ce collectif est une réponse à la multiplication des cas de violences policières et à la politique sécuritaire et de surveillance qu’affichent les autorités en vue des JO de 2024, Gérald Darmanin annonçant un objectif de « Zéro délinquance », après une ignominie toute récente : l’invention – par un ministre de l’Intérieur ! – d’une nouvelle qualification pénale, celle de l’« éco-terrorisme », terriblement insultante pour les victimes du terrorisme.

Cette manifestation a permis de rendre visible la lutte contre l’impunité policière, d’exprimer la solidarité avec les comités et les familles des victimes et de dénoncer la politique sécuritaire menée à Saint-Denis. Le combat pour la justice et la vérité pour Yanis va se poursuivre comme pour toutes les victimes de violences policières.

Les manifestants l’ont rappelé avec force dans les rues de Saint-Denis s’époumonant à répéter une fois de plus que « Tant qu’il n’y aura pas de justice, il n’y aura pas de paix. »