Après le débat d’orientation budgétaire et celui sur le Rapport de la Cour des comptes à Pierrefitte, des élus municipaux d’opposition réagissent. 2/La parole à Yohan Sales Salada, La France Insoumise

, par La Rédac’

Le conseil municipal de Pierrefitte du jeudi 21 décembre avait à son ordre du jour deux dossiers particulièrement importants. D’abord le débat d’orientation budgétaire avant le vote d’un budget pour 2024 qui ne pouvait se dérouler sans avoir à l’esprit le rapport – inscrit à l’ordre du jour –de la Chambre Régionale des Comptes sur la situation de la ville. Le Blog de Saint-Denis a souhaité interroger l’ensemble des forces d’opposition suite à ce conseil. Après la réaction de Romain Potel, conseiller municipal et président de l’association « Rassembler pour Changer Pierrefitte », nous publions celle de Yohan Sales Salada, conseiller municipal La France Insoumise. A venir celle de Farid Aïd, conseiller municipal PCF et député suppléant et celle de Mohamed Diaoune, conseiller municipal de "Seine-Saint-Denis au cœur".

Le Blog de Saint-Denis – Le débat d’orientation budgétaire de la commune de Pierrefitte s’est déroulé jeudi 21 décembre. Il précède ce qui pourrait être le dernier budget d’une commune souveraine si, comme le veut le maire, Michel Fourcade, votre collectivité se dissout au sein d’une commune nouvelle avec la ville de Saint-Denis au 1er janvier 2025. Votre conseil municipal a aussi débattu du rapport de la Cour des comptes, qui 10 ans après une premier rapport assorti de nombreuses recommandations, pointe encore de nombreux dysfonctionnements au regard du Code général des collectivités territoriales.
Que retenez-vous d’essentiel de ces deux débats intimement liés ?

Yohan Sales Salada – Il est avant tout nécessaire de revenir sur le cadre donné par ce rapport. J’ai envie de répondre : de quel débat parle-t-on ? Comment débattre des orientations budgétaires d’une commune de moins de 40 000 personnes, alors que celle-ci est vouée à se fondre dans une ville de plus de 100 000 habitants ? La fusion des villes de Pierrefitte et de Saint-Denis se fait aujourd’hui sans concertation et sans cap si ce n’est apparaître en contradiction avec le calendrier recommandé par les magistrats de la Cour en termes d’équilibres budgétaires. La manière dont a été agencé notre dernier conseil municipal est symptomatique : le débat d’orientation budgétaire ne propose qu’un mauvais plan A, et a eu lieu... avant la présentation du rapport de la Cour des comptes ! La perte programmée de souveraineté de Pierrefitte rend donc, de fait, cette discussion caduque. Tout cela sonne extrêmement faux.
Sur le fond, je note un écœurant cynisme du PS sur leur gestion financière de la ville. Comme s’ils ne faisaient que subir des événements qui les dépassent, alors qu’ils sont au pouvoir depuis bientôt 20 ans. De manière très orwellienne, ils sont même allés jusqu’à se féliciter de ce rapport ! La non-maîtrise des dépenses publiques ? Les 55% d’achats réalisés hors-marché par le Maire alors que la récurrence et la nature de ces achats auraient, selon la CRC, dû conduire à passer des marchés publics ? Tout cela est repeint en « politique volontariste ». Derrière ce vocable très technocrate, il est intéressant de noter que Michel Fourcade a reçu les premières observations du rapport un mois à peine avant d’annoncer de manière brutale et autocratique la dissolution de Pierrefitte dans Saint-Denis. Dès lors, comment penser que ce projet est une solution à des problèmes financiers (qu’ils ont eux-mêmes créés) et non une simple manœuvre politicienne ?

– Quels sont les priorités et les perspectives auxquelles la ville de Pierrefitte devrait se consacrer et au regard du rapport de la CRC, la perte de souveraineté communale au profit d’une commune nouvelle – qui n’est encore qu’un projet – peut-elle apporter un début de solution ?
Yohan Sales Salada – Nous devons en premier lieu travailler sur la méthode de gouvernance. Le préalable à tout nouveau cap politique pour sortir la ville de l’impasse est la nécessité d’un sursaut éthique des élus. A la manière des 49.3 à répétition de la Première ministre sur le plan national, la gouvernance autoritaire des maires des deux villes est une dérive logique de la concentration des pouvoirs caractéristique de la cinquième République. Faire disparaitre Pierrefitte sans consultation populaire ? On peut le faire, alors on le fait. Augmenter d’un quart les indemnités des élus alors que la ville est dans l’impasse financière ? On peut le faire, alors on le fait. Partir en vacances avec son véhicule de service aux frais de la ville ? Après tout, pas vu pas pris ! Tout comme nous le prônions dans notre programme municipal de 2020, il nous appartient d’être aux avant-postes de la sixième République localement. Nous devons pour cela réinventer les pratiques démocratiques locales et se saisir d’outils d’éducation populaire pour co-construire les nouveaux projets structurants de la ville avec les Pierrefittois.
Cependant, nous, élus d’opposition de gauche et issus de collectifs citoyens, devons également prendre notre part de responsabilité. Tout cela passe aussi par la manière dont nous menons notre mandat et la lutte contre cette fusion. L’heure est à la construction et à la conquête, nous ne pouvons plus être dans la réaction permanente. Il n’est pas normal que sur 7 élus issus de la liste de notre campagne municipale de 2020, il y ait aujourd’hui 4 groupes distincts à notre Conseil municipal.
Cette bataille ne pourra se mener qu’unis, le plus largement possible, en transcendant les partis politiques traditionnels. J’écrivais en 2021 à propos du mouvement citoyen La Seine-Saint-Denis au Cœur : « le succès de leur démarche dans laquelle je me reconnais pleinement en tant que militant insoumis démontre bien la nécessité d’impulser une nouvelle manière de faire vivre la politique, impliquant les habitants par des processus collégiaux, et faisant appel à des processus de démocratie directe. C’est précisément là que les partis et forces politiques doivent se mettre à la page, et avoir la volonté de le faire. »
J’en appelle donc une nouvelle fois à une large fédération populaire. Pour être à la hauteur du moment, nous devons dès maintenant travailler à un programme de rupture clair, basé sur la proximité, la démocratie locale, la réimplantation des services publics, et un changement de paradigme en matière de tranquillité publique. Et cela, tout en maîtrisant nos dépenses publiques et notre budget. C’est possible, alors nous le ferons. Je suis prêt à travailler avec quiconque s’inscrit dans ce sillage.

– L’article 72 de la Constitution, introduit par la révision constitutionnelle de mars 2003 indique : « Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre ». Compte-tenu des nombreuses différences entre Saint-Denis et Pierrefitte, de leur taille et poids politique respectif – Mathieu Hanotin cumulant par ailleurs les fonctions de maire et de président de l’EPT –, ne serait-ce pas finalement, avec la création de cette commune nouvelle, une sorte de mise sous tutelle qui ne dit pas son nom pour les Pierrefittois au terme d’un processus où près de 150 000 habitants, qu’ils soient Dionysiens ou Pierrefittois, ne sont amenés à se prononcer sur l’avenir de leur ville ?
Yohan Sales Salada – Il y a sûrement une piste à explorer de ce côté-ci, tout comme sur bien des aspects techniques où la légalité du processus est a minima douteuse. La précipitation du projet va inéluctablement mener à l’erreur. Étant donné la différence de taille entre Saint-Denis et Pierrefitte, ce projet n’est rien d’autre qu’une fusion-acquistion.
Le maire de Saint-Denis met en avant le foncier disponible à Pierrefitte et Michel Fourcade demande aux Pierrefitois de vendre leur souveraineté en promettant une baisse d’impôts locaux. Tous deux se gardent de dire que les Pierrefittois perdront en qualité et en implantation de services publics car la première chose que le maire de "Saint-Denis-Pierrefitte- sur-Seine" fera sera de couper dans les effectifs, et ce, aussi violemment qu’il l’a déjà fait à Saint- Denis !
Cette démarche anti-démocratique n’est qu’une ouverture vers des politiques qui se feront encore davantage au détriment des gens. Mépriser la démocratie, c’est dégoûter davantage une population qui a déjà perdu la flamme pour la chose publique. Les dégoûter davantage, c’est pouvoir casser le service public et briser les corps intermédiaires sans opposition. L’antisocial nait dans l’antidémocratique. Michel Fourcade et Mathieu Hanotin organisent sciemment la résignation : organisons-nous et ne les laissons pas vendre notre ville !

On peut lire ici la réaction de Romain Potel, conseiller municipal et président de l’association « Rassembler pour Changer Pierrefitte ».