Acte 1. Notre maison brûle et on s’en balek…
« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » alertait un ancien président de la République au Sommet de la Terre en 2002.
Vingt ans après et après vingt ans de quasi inaction climatique, la maison brûle de tous les côtés. Sur tous les continents.
Répertoriée sur la base d’observations satellitaires, la Nasa cartographie les feux actifs sous le nom de FIRMS (Fire Information for Resource Management System). Cet outil cartographique est constitué de deux sources de données.
La première, MODIS (Moderate-Resolution Imaging Spectroradiometer) est une série d’instruments d’observation scientifique couplés à un système embarqué sur les deux satellites Terra et Aqua, satellites d’observations des phénomènes physiques terrestres, lancés par la NASA. La deuxième source, VIIRS (Visible Infrared Imaging Radiometer Suite) est un système de capteurs embarqués à bord de satellites météorologiques.
Ces deux sources de données permettent ainsi à la NASA de connaître l’endroit où, un incendie s’est produit et l’ampleur de celui-ci et en temps quasi réel puisqu’elles sont affichées dans les trois heures qui suivent l’observation par les systèmes MODIS et VIIRS.
La consultation des données est possible sur les dernières 24 heures ou la dernière semaine. Elle stocke également des données historiques sur les incendies et permet de remonter dans le temps depuis l’année 2000.
Oui la maison brûle. Et de plus en plus. Les sécheresses s’aggravent. Aujourd’hui, seuls 7 départements français sur 96 (dont la Seine Saint-Denis ) ne sont pas classés en alerte sécheresse.
Les canicules se font plus sévères, se multiplient partout et vont se répéter. La probabilité que nous y soyons confrontés chaque année et de plus en plus tôt ne fait que s’accroitre. Le mois de juin est concerné, bientôt elle pourrait s’étaler de mai à septembre sous nos latitudes.
C’est dans ce contexte qu’au-delà d’une adaptation systémique au réchauffement climatique une réflexion doit s’engager sur des réponses spécifiques aux périodes les plus critiques, en l’occurence répondre au besoin de rafraichissement des habitants en cas de pic de canicules mettant en jeu la santé des plus fragiles et affectant les capacités de résistance des organismes.
Acte 2. Street-pooling, fuite en avant technologique ou régulation ?
On ne connait pas d’ouverture de bouches à incendie en octobre, encore moins en décembre, pas plus qu’en février. Ces actes que la loi interdit et réprime fortement personne ne les commet pour le plaisir de voir l’eau jaillir. Ils ont lieu parce que la maison brûle.
Ces actes sont en effet commis uniquement en période de canicule et en milieu urbain. Ils sont dangereux. Pour les personnes qui les commettent. Pour ceux qui pourrait être victimes d’un défaut de la ressource pour faire face à un incendie, pompiers ou habitants. Ces actes sont consommateurs d’une énorme quantité de ressource qui dépasse et de très loin la quantité nécessaire permettant à ceux qui les commettent (ou en profitent) de se rafraîchir.
Une cartographie du street-pooling rendrait compte de sa sociologie. Il se pratique plus ici qu’à Neuilly, Saint-Germain-en-Laye ou Marnes-La-Coquette. Là-bas, on y part plus en vacances, on y dispose de plus d’espace, d’un bâti de meilleure qualité, de moyens financiers pour se mettre à l’abri : climatisation, espaces verts privatifs, piscines…
Là encore, là aussi la réalité sociale, urbaine prime.
C’est ainsi que fort de ce constat et des impacts caniculaires en milieu urbain, qu’au lieu de rechercher des solutions technologiques permettant de protéger les dites bouches à incendie, la mairie de New-York, prenant acte du besoin des habitants et de l’impossibilité de garantir à 100% l’inviolabilité des équipements, a mis en œuvre un système de régulation. Ce sont les services de la municipalité new-yorkaise, les pompiers, qui, dans les périodes critiques, ouvrent les bouches à incendie en en régulant le débit avec la pose d’un pulvérisateur.
Cette régulation publique permet une économie de la ressource, elle évite le danger lié aux ouvertures sauvages et s’avère bénéfique pour apaiser voire même échapper aux rapports conflictuels fondés sur un cycle délétère transgression/répression entre les auteurs de ces faits et les autorités.
Il est peu probable que le duo Centre de Supervision Urbain/Police municipale puisse endiguer dans les années qui viennent ce phénomène avec les instruments (surveillance et interpellation) dont il use aujourd’hui face aux risques identifiés. De la même manière les innovations en cours s’avèrent vite des artifices technologiques très coûteux finissant par être dépassés et contournés.
La régulation ne peut-elle être envisagée à titre expérimental, comme un instrument d’adaptation, y compris transitoire, exceptionnel, le temps que la ville, les villes, le monde urbain, façonné dans l’ignorance ou le déni de la question climatique ces cinquante dernières années, réalisent sa transition écologique ?
Acte 3. Une baignade au canal comme à la Villette ?
L’adaptation peut avant tout s’appuyer sur les ressources du territoire. Sans parler de la Seine dans laquelle le même président ( celui de « Notre maison brûle… » ) promettait qu’on pourrait s’y baigner, le canal semble le plus approprié, plus accessible que la Seine, longé d’aménagements, déjà plébiscité par beaucoup.
C’est le choix réalisé à Paris. Ainsi, la Baignade de La Villette accessible du 9 juillet au 21 août 2022 offre 3 bassins de baignade ouverts : un de baignade ludique pour les enfants d’une profondeur de 40 cm, un autre d’une profondeur maximale de 120 cm,et enfin un grand bain réservé aux nageurs confirmés d’une profondeur maximale de 2 m.
Ce qui vaut pour Paris, ne vaudrait-il pas pour la banlieue ? Ne serait-ce pas aussi l’occasion de contraindre plus fortement la ville de Paris à prendre plus soin des canaux dont elle a la charge, de les entretenir comme elle le fait intra-muros à Paris ? De susciter ici aussi un plus grand respect de ces lieux ?
Ne serait-ce pas là une féérie aquatique que nous pourrions offrir aux habitants ? Entre la Maltournée et la Briche, n’est-ce pas là l’opportunité d’une réponse (parmi d’autres) aux canicules à venir ? On n’oubliera pas le petit bras de la Seine à l’Ile Saint-Denis, ce serait là un véritable héritage de Paris 2024.
Acte 4. Et la baignade écolo au parc Georges Valbon ?
La baignade ? Le département y pense, Plaine Commune aussi. Un projet a émergé mais manifestement d’une façon à la fois brouillonne, hâtive, peu respectueuse des procédures existantes en matière de respect de l’environnement et sans aucune consultation du public, autrement dit des habitants.
En effet, le projet de baignade écologique au Parc Valbon n’est pas validé en l’état. Le recours gracieux formé par Mathieu Hanotin en tant que président de Plaine Commune été rejeté. Plusieurs motifs sont invoqués par la Mission Régionale d’autorité environnementale dont les suivants :
« L’autorité environnementale constate que l’étude d’impact du projet de création de la baignade, telle que définie à l’article L.122-1 du code de l’environnement, à laquelle vous faites référence, a été enregistrée par le pôle d’appui de la DRIEAT le 28 juin 2022, mais n’a pas encore donné lieu ni à un avis de l’autorité environnementale, ni à une consultation du public, ni à une décision autorisant le cas échéant ce projet et prenant en compte les incidences potentielles de ce projet sur l’environnement et la santé. ».
« Il ressort de l’instruction du dossier et de votre recours que les enjeux environnementaux en présence nécessitent dès le stade de la planification, et en complément des mesures qui pourront être mises en œuvre par le maître d’ouvrage du projet, d’exposer de manière détaillée comment le projet de PLUI a cherché à éviter et réduire, avant toute compensation éventuelle, les incidences négatives de l’opération qui justifie sa modification, notamment par la recherche de sites alternatifs d’implantation du projet sur un secteur de moindre impact. L’autorité environnementale considère en effet qu’il n’est pas démontré l’absence de solution de substitution raisonnable avérée permettant d’éviter la destruction des zones humides identifiées au PLUi en vigueur. Elle estime par ailleurs qu’à défaut d’une telle alternative, il n’est pas davantage démontré que les dispositions prévues dans le cadre du PLUi pour protéger les nouvelles zones humides envisagées en compensation des zones humides détruites seront suffisantes pour en garantir l’équivalence et le maintien des fonctionnalités écologiques. »
Cet rejet contraint Plaine Commune à réaliser, à juste titre, une évaluation environnementale de la modification n°2 du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) de Plaine Commune permettant de lancer ce projet de baignade au parc Georges Valbon.
Aller vite, s’affranchir des règles et procédures, forcer les calendriers semblent bien une marque de fabrique du Maire-Président. On l’a vu avec les travaux place du 8 mai 1945. Cela peut conduire jusqu’à une certaine précipitation brutale (et assumée !) dans les manières de faire.
Sur un tout autre sujet, l’affaire MaMaMa est malheureusement là pour nous le rappeler.