Soutien à l’association MaMaMa ? Stéphane Troussel et Mathieu Hanotin y mettent fin. Leur refus du sursis demandé par l’association s’apparente à un coup de grâce. Vont-ils revenir à un peu de raison ?

, par Michel Ribay

Depuis quelques jours le conflit opposant l’association MaMaMa à la Ville de Saint-Denis et à la SEM Plaine Commune Développement a pris une ampleur médiatique à la hauteur du formidable travail de solidarité accompli en un peu plus de deux ans. La Croix, Actu.fr, France Bleue, France 3… et d’autres se sont emparés de l’affaire. Les soutiens affluent de toutes parts, médiatiques (Nagui, Lea Salamé, Julie Gayet) ou politiques (les anciennes ministres Elisabeth Moreno et Cécile Duflot), d’associatifs, de citoyens. Ils témoignent de l’incompréhension du sort qui est fait à cette association et des menaces qui pèsent sur son activité. Décryptage.

C’est en 2020, au moment où éclate la crise du Covid que l’association démarre ses activités avec le soutien politique de l’ancienne municipalité et d’autres acteurs du territoire.

Cette naissance, l’association nous la livre dans ces termes sur le site de l’association :

"Amies et bénévoles pour l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP) et la Croix-Rouge pendant le confinement, Aïcha, Magali, Marielle et Marguerite ont suivi quotidiennement, par téléphone, des patientes touchées par le COVID-19. Les appels les plus difficiles étaient ceux auprès des mères seules et isolées. Elles étaient malades, inquiètes et épuisées. Certaines nous racontaient qu’elles sautaient des repas pour acheter des couches, alors que d’autres n’avaient tout simplement plus rien pour nourrir leur nourrisson.

Pour les aider, nous avons décidé de leur livrer des colis alimentaires et de produits d’hygiène de première nécessité. Peu de temps après nos premières actions, nous avons créé l’association MaMaMa. Les statuts et le nom de l’association, improvisé en urgence à partir des prénoms des 3 présentes ce jour-là, ont été déposés en préfecture le 6 mai 2020.

Grâce au soutien et à la confiance de l’équipe Covidom, de l’AP-HP et du Dr Ghada Hatem de la Maison des Femmes (Saint-Denis) , la première livraison d’alimentation pour nourrisson (lait, céréales infantiles, compotes, petits pots) a été acheminée dès le 7 mai dans un ancien studio du Club Dorothée, mis gracieusement à disposition par la Mairie de Saint-Denis et la SEM Plaine Commune Développement. Cette opération n’aurait jamais pu avoir lieu sans l’aide généreuse de 3 entreprises du transport, du cinéma et du BTP, qui n’ont rien à voir avec les bébés mais qui nous ont aidées sans hésiter. Merci à Farid Boufraine d’Oise Transport, à Didier Diaz de Transpalux et à Didier Dubrac de Dubrac TP. Ces premiers coups de pouce ont été déterminants !

Dès la fin de sa mission dans la cellule Covidom, Aïcha, nous a rejoint. Aucun “M” mais plusieurs “a” dans son prénom qui se sont parfaitement insérés dans l’identité et le nom de l’association. Et ses compétences de médecin et de pédiatre ont été essentielles dans la façon d’envisager nos actions contre la précarité féminine et infantile.

Des dizaines d’amies, de voisins, de voisines, de bénévoles, nous ont ensuite aidé à préparer des colis et à commencer les distributions sur le territoire. Depuis, l’aventure continue grâce à l’énergie de près de 200 bénévoles, mais également grâce au soutien matériel et financier apporté par des centaines de donateurs, comme vous."

Ainsi, dès le début, c’est bien un soutien politique, citoyen, d’entreprises qui est accordé à cette association. Un soutien d’autant plus nécessaire que les besoins s’avèrent immenses et que plus de deux ans après la création de l’activité, les besoins sont toujours là : 70 000 femmes et enfants aidés en 2 ans, 500 colis distribués chaque semaine, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Des colis destinés entre autres à la Croix-Rouge, aux Restos du Cœur ou au Secours Populaire...

La situation économique, la précarité, les bas salaires, l’isolement sont toujours là. L’inflation des prix vient aggraver la situation de milliers de femmes pour qui MaMaMa est un soutien indispensable.

C’est dans ce contexte économique aggravé que la SEM Plaine Commune Développement, propriétaire des locaux que MaMaMa occupe, les enjoint de quitter les locaux d’ci le 1er septembre.

Disons en premier lieu que la SEM Plaine Commune Développement, bras armé de la collectivité en matière d’aménagement n’est en tant que telle pas en cause. La SEM a, d’une manière générale, des impératifs, des engagements contractuels, des calendriers. Elle répond à des commandes du politique, des collectivités pour lesquelles elle met son savoir-faire, ses compétences et l’expertise de ses membres. Je le dis et l’écris car du professionnalisme des équipes j’en ai été témoin.

Elle ne peut décider seule de minorer un loyer, voire d’accorder des locaux à titre gracieux. Elle répond, quand cela est le cas, à une commande politique. Ce fut le cas en mars 2020. Et cela s’est poursuivi jusqu’à ces derniers jours. Un choix politique, celui du soutien donc.

Les politiques dans cette affaire sont connus. Stéphane Troussel est président de la SEM, et ses contacts et échanges avec l’actuel directeur de la SEM doivent être assez fluides, basés sur la confiance puisque c’est son ancien directeur de cabinet au département.
Le maire-président de Saint-Denis et de Plaine Commune l’est aussi : c’est Mathieu Hanotin.
C’est donc bien de la responsabilité de ces deux décideurs politiques dont il s’agit. Ils se connaissent de longue date, et leurs rapports sont aussi fluides que ceux évoqués précédemment.

Ils disposent de services, de milliers d’agents communaux, territoriaux, départementaux. Et d’un pouvoir cumulé, mutualisé, potentialisé ici sur le territoire, qu’aucun président de Plaine Commune, maire de Saint-Denis ou président du département n’a eu.

Et c’est bien le sujet dans cette affaire.

Car quoiqu’en dit le communiqué commun de la Ville de Saint-Denis et de la SEM sur le soutien apporté que personne ne nie (on peut s’étonner néanmoins du montant de valorisation avancé), chacun sait qu’une association, a fortiori une association qui a grandi aussi vite, a sans cesse la tête dans le guidon pour répondre au mieux à son objet et qu’on ne peut attendre de celle-ci qu’elle soit la structure la mieux placée, la plus pro-active pour la recherche de locaux.

C’est sans nul doute là le nœud de l’affaire. Que font-ils de leur pouvoir ?

Une association de solidarité, dont les élus du territoire devraient être fiers de l’avoir vu naitre ici, ne dispose pas de la force de frappe, de l’entregent, du poids politiques des décideurs dont la responsabilité est de trouver, construire, réunir (en mobilisant leurs moyens) les conditions de la pérennité d’une activité d’utilité publique.

Botter en touche, comme le font la première adjointe Mme Bontinck et Mme Filhol, adjointe aux solidarités de Saint-Denis, aux droits des femmes à St Denis et conseillère déléguée au département, en invitant les soutiens de MaMaMa à faire ce travail, en appelant des "territoires favorisés d’Ile de France" à apporter leur soutien au prétexte que la Seine Saint-Denis aurait déjà donné, n’est pas très digne. Il ne s’agit pas dans cette affaire de "bonnes œuvres" mais d’un choix politique qu’il s’agit d’assumer.

Et le recours à la notion d’équité entre associations ne tient pas quand on sait que les montants attribués lors des subventions varient très fortement d’une association à l’autre.

Pas plus qu’appeler l’ouest parisien à prendre le relais. Ouest parisien qui, on le sait, ne le fera pas. Manière peu élégante de se délester d’un enjeu, d’un choix politique.

La dénonciation d’un "lynchage médiatique" dont seraient victimes la Ville et la Seine Saint-Denis prêterait à rire si on oublie que lorsque la presse révèle des faits, interroge, enquête, la municipalité tente de disqualifier le travail des journalistes comme elle a tenté de le faire avec l’article du Monde sur une charge de la police municipale en février dernier.

Assumer. Nous y reviendrons.

1200 m2. Trouver 1200 m2 a-t-il été au-dessus des moyens de ces deux décideurs politiques ? Décideurs politiques qui administrent un territoire de 1 700 000 habitants, dont 440 000 pour Plaine Commune et 110 000 à Saint-Denis.

Le conseil donné à l’association de se contenter, par réalisme, dans un premier temps, de 500, 800 m2 est-il sérieux ? Alors que dans le communiqué commun de la ville et de la SEM il est souligné "l’encombrement très important de l’entrepôt".

Un entrepôt de 1200 m2 encombré au regard du niveau d’activité de l’association à qui on propose d’en réduire la surface de moitié ? Qui peut comprendre cela ? Sauf à savoir que d’autres associations occupent une partie des lieux par du stockage avec l’autorisation du propriétaire, la SEM en l’occurence.

Alors oui, il s’agit d’assumer son soutien politique ou d’assumer d’y mettre fin.

C’est bien ce que dit le communiqué commun : " la SEM et la Ville de Saint-Denis assument d’avoir été au bout du chemin du partenariat".

Le même communiqué fustige en conclusion "les conditions exigées par l’association " concernant un local. Les mots sont importants. Il ne s’agit pas de conditions pour MaMaMa mais d’un besoin pour assumer leurs missions. S’agissant de conditions elles sont plutôt formulées par ces décideurs politiques dans des termes jugés inacceptables par l’association.

Les mots sont importants et la vérité politique aurait dû conduire à formuler les choses autrement. A assumer en somme. Et clairement. De la manière suivante : " Le président de la SEM, Stéphane Troussel et le maire de Saint-Denis et président de Plaine Commune, Mathieu Hanotin, assument d’avoir été au bout du chemin du partenariat « .

Assumer. Un verbe que leurs proches affectionnent.

On se souvient du fameux "Nous assumons de mettre fin aux CDD" de Leyla Temel, élue à Saint-Denis et à Plaine Commune concernant le personnel exclusivement féminin assurant l’entretien dans les écoles.

Là aussi, la même histoire. Une histoire de précarité.

Lors des derniers échanges avec la Ville et la SEM mercredi soir, MaMaMa appuyée par la Fondation des femmes, demandait un sursis de six mois. Le refus qui leur est opposé claque comme un coup de grâce asséné en plein été.

Stéphane Troussel et Mathieu Hanotin vont-ils revenir à un peu de raison ?