Fin des fonctions de Frédéric Bonnot comme directeur de cabinet du Maire. De Bonnot à Lebon ou de l’entre soi à l’esprit cumulard.

, par Saska Rupert

On apprend ce jour par la presse que « Frédéric Bonnot est démis de ses fonctions de directeur de cabinet du maire de Saint-Denis, Mathieu Hanotin » et cela à partir du 31 août. C’est la conclusion du scandale qui a éclaté fin juin. Politique et directeur de cabinet. Qui fait tourner la machine ? Moins drôle que l’excellent film Quai D’Orsay de Bertrand Tavernier, une petite plongée sur des parcours de Dir’cab.

Et bien ! De deux choses l’une : soit il aura fallu un très très long moment de réflexion au Maire pour prendre la mesure des propos tenus par son dir’cab le 20 juin sur une boucle Whats’app interne au cabinet et prendre acte que son maintien se révélait impossible, ou c’est Frédéric Bonnot qui a décidé de jeter l’éponge, conscient de l’impasse dans laquelle il se trouvait pour assurer ses fonctions.

Quel que soit le scénario, tout cela semble parfaitement concerté, le timing maîtrisé.

Com’ de crise. On se calme. On calme le jeu. Les vacances approchent. L’été en pente douce. On gère à la rentrée. Entre nous on se dit tout.

Le Maire, souhaitant afficher qu’il n’a pas cédé à la pression s’exerçant début juillet en lâchant en pleine tourmente son directeur de cabinet, communique le mois d’août finissant.

L’entre soi.

Il faut dire qu’en politique le choix de ses plus proches collaborateurs en dit long. Ce sont des décisions hautement sensibles tant on sait comment cela fonctionne au sein des institutions.

Au plus haut niveau, il arrive que la nomination de certains directeurs de cabinet soit imposée par Matignon à des ministres. Cela illustre de fait le rôle politique que jouent ceux que l’on nomme les Dir’cab.

La situation se présente différemment dans les exécutifs locaux où le pouvoir très étendu d’un directeur de cabinet est à la mesure de la confiance que lui confère son commanditaire. Plus que la confiance, la connivence est de mise surtout quand on a fréquenté les mêmes lieux, les mêmes assemblées générales, les mêmes organisations.
Les parcours similaires façonnent les manières de faire et de penser.

Ainsi il va de soi que l’un engage l’autre et cristallise l’entre-soi au quotidien dans l’exercice du pouvoir.

Le vivier : L’UNEF…, le département…

On l’aura remarqué, le syndicat étudiant est le principal vivier des affidés de Mathieu Hanotin. Il puise aussi dans le département de la Seine Saint-Denis où se sont concentrés entre 2008 et jusqu’à peu, voire aujourd’hui encore, nombre de ses adjoints les plus proches.

Ainsi, ancien de l’UNEF, Frédéric Bonnot, ex-directeur de cabinet du Maire, a (déjà) derrière lui un long parcours qui n’est pas passé inaperçu que ce soit au sein de la mutuelle étudiante la LMDE ou au siège du Parti socialiste au temps de Solférino.

Le Nouvel Obs écrivait en janvier 2017 :

« Frédéric Bonnot, ancien trésorier de l’Unef et surtout ancien directeur général de la LMDE (La Mutuelle des étudiants) qui a été placée début février 2015 sous sauvegarde judiciaire. Née sur les décombres de la Mnef (Mutuelle nationale des étudiants de France), la LMDE était plombée par une dette colossale de 35 millions d’euros, dont 5 millions pour les seuls remboursements de frais de santé des étudiants. »

Les dysfonctionnements de la mutuelle avaient été sévèrement critiqués par la Cour des comptes, le Défenseur des droits ou encore l’UFC Que Choisir.

Commentaire d’un haut fonctionnaire à "Challenges", sur le plan de restructuration mené par Frédéric Bonnot : "Il a été mal conçu, mal conduit, et le dialogue social a été médiocre. Les dirigeants n’avaient pas les compétences et la LMDE n’avait pas les reins assez solides pour le mener."

Si l’UFC Que Choisir et le Défenseur des droits s’en sont mêlés, on supposera avec eux que les dysfonctionnements de la Mutuelle outrepassaient de classiques problématiques de gestion (la Cour des comptes y veille) mais avaient des impacts directs sur la situation des adhérents. On parle ici d’une Mutuelle de santé.

Esprit de courant et compte courant

En août 2017, sous la plume de Christophe Gueugneau, l’article de Médiapart intitulé « Les chers proches de Cambadélis au PS » révèle dans son enquête les largesses financières accordées en matière de salaire pour un petit cercle restreint au sein de l’appareil du PS à Solférino.

Un passage est éclairant. Présentée dans l’article comme proche de Jean-Christophe Cambadélis, Karine Gautreau, directrice de la communication du PS après avoir été cheffe de cabinet, était son assistante parlementaire dans les années 1990 et responsable du courant « Camba » au sein du syndicat étudiant Unef-ID.

Karine Gautreau perçevait plus de 7 600 euros brut à Solférino outre ses indemnités d’adjointe au maire du 19e arrondissement (1 500 euros brut par mois).
Interrogée par Médiapart, celle-ci déclarait : « Je ne me suis jamais fait de blé sur qui que ce soit en politique. »
Elle enchaînait : « Je suis moins payée que Florence Bonetti, mon prédécesseur, alors qu’elle n’avait que la com’ et moi j’ai la com’ et la presse. À l’époque tout le monde se gavait, j’aurais pu demander ma part. »

« Je pense que nous avons tous des salaires trop élevés », finissait-elle par trancher.

Cet éclair de lucidité avait-il également effleuré Frédéric Bonnot qui émargeait à Solférino à plus de 9 100 euros par mois, soit 2 000 euros de plus que son prédécesseur selon Médiapart  ?

On ne le saura pas et on ne veut pas le savoir.

… L’UNEF toujours, la LMDE encore…

Le choix du nouveau directeur de cabinet se serait donc porté sur David Lebon, actuel directeur du cabinet de la présidence …de Mathieu Hanotin à Plaine Commune.

David Lebon, était présenté ainsi sur le site internet du magazine Réunionnais du Monde :

“David Lebon. Après avoir milité très jeune dans des syndicats et associations lors de ses études secondaires et universitaires, il fait ses premières armes à Tours en se faisant élire au bureau national de l’Union Nationale des Etudiants de France (UNEF), puis de la commission de contrôle de ce syndicat. Il poursuit son parcours dans le mouvement social en intégrant le bureau national de La Mutuelle des Etudiants (LMDE).”

Parler socialiste, ça s’apprend

Dans un article de l’Express publié en novembre 2014, intitulé “PS : après l’affaire Thévenoud, plongée dans la génération apparatchiks” les auteurs
Matthieu Deprieck et Marcelo Wesfreid écrivent : “Chef de cabinet d’Arnaud Montebourg lorsque celui-ci était ministre du Redressement productif (de mai 2012 à août 2014), David Lebon loue ce que son propre passage à l’Unef lui a apporté : "On y apprend à organiser ses idées, à mobiliser un groupe derrière soi et à transgresser sans être rejeté par son organisation. On cite du Blum, du Jaurès. Ça permet d’acquérir une légitimité indéniable."

" Après le départ du gouvernement d’Arnaud Montebourg, David Lebon décide d’arrêter la politique et reprend des études en ressources humaines. Qui mieux qu’un apparatchik repenti pour évoquer le sujet ? "Oui, j’ai été coupé des réalités mais je ne m’en rendais pas compte. A 20 ans, faire le tour des facs de France, sac au dos, parce que vous êtes au bureau de l’Unef, ce n’est pas une vie normale." reconnait David Lebon.

Pleinement plongé dans la réalité après son départ du cabinet d’Arnaud Montebourg, David Lebon rejoint en 2015, (l’année des Accords de Paris sur le climat), le groupe Auchan en tant que directeur du développement du projet Europacity dont il vantera à plusieurs reprises sa dimension E.C.O.L.O.G.I.Q.U.E !

Quand on a appris à parler socialiste, on peut aussi apprendre (vite) à mimer l’écologiste.

Un Super Dir’Cab à deux postes ?

A Saint-Denis, exit donc Frédéric Bonnot, son CV lesté de l’affaire dite de la chauve-souris.

Voilà donc David Lebon. A en croire les informations du Parisien, il pourrait s’agir d’un Super Dir’Cab, cumulant à la fois le poste de directeur du cabinet du maire de Saint-Denis, mais aussi celui de directeur de cabinet du président de Plaine Commune.

« L’idée, c’est de trouver une manière de travailler plus adaptée au double statut de maire et de président du territoire » selon l’entourage de l’élu, rapporte Le Parisien.

C’est joliment dit. Alors ballon d’essai ? Période d’intérim ? Si cela était confirmé (cette majorité nous habitue à craindre le pire), cela ne manquera pas d’attiser davantage les tensions relatives à la gouvernance de Plaine Commune.

Mathieu Hanotin en maire-président, David Lebon en super Dir’cab.

L’esprit cumulard, disiez-vous ?