Mépris, mensonges et videos : retour sur le conseil municipal du 30 mars. Les conseillers municipaux « trompés » ? L’ANRU « flouée » ?

, par Michel Ribay

Confronté à la mobilisation contre le projet de supprimer six arrêts de bus des lignes 153, 253 et 239 au cœur du centre ville, le maire a ajouté à l’ordre du jour du conseil municipal du 30 mars un temps de débat consacré au sujet. Dès 18 h, 200 personnes s’étaient rassemblées devant l’hôtel de ville pour y exprimer leur profond désaccord. Des bancs du public assistant à la séance s’est exprimée toute la colère d’habitants réaffirmant la nécessité d’une desserte en transports en communs. Le maire a suspendu la séance et menacé de poursuivre celle-ci à huis clos. Outre les indignations du public choqué par des propos moralisateurs et teintés de mépris, le débat a suscité de rudes échanges avec l’opposition.

Encore une fois dans un débat essentiel puisqu’il concerne l’évolution du centre ville, la majorité municipale s’est tue. En particulier ceux qui, au titre de leur délégation, que ce soit celle des transports, des seniors, des discriminations ou du handicap, ont adopté la politique de la carpe ou de l’autruche laissant encore une fois le maire et sa première adjointe introduire, rapporter, commenter et conclure le débat.

Un débat qui s’est conclu, si les mots ont un sens, par un mensonge du maire, celui-ci déclarant, à l’issue d’une intervention de la conseillère municipale Sophie Rigard réclamant le vote d’une délibération au conseil concernant la suppression de six arrêts de bus, : « Je vous rassure vous avez déjà voté, peut-être même que vous avez voté pour puisque c’était contenu dans la convention ANRU que nous avons voté ici » .

Un mensonge à visée multiple pour faire croire :

– qu’un vote a déjà eu lieu sur le sujet précis évoqué : la suppression des six arrêts de bus. C’est faux.

– que l’opposition aurait même peut-être voté pour, laissant supposer soit la mémoire courte de l’opposition, son incohérence voire un intérêt velléitaire pour le sujet. C’est faux.

Comme l’a souligné à l’issue de son intervention Sophie Rigard « C’est faux, c’est archi faux, c’est honteux de faire une chose pareille ».

Les faits. Rien que les faits.
Le vote sur la convention ANRU a eu lieu le 27 janvier 2022. Et à l’issue du débat, l’ensemble de l’opposition a, en toute connaissance de cause, voté contre (video ci-dessous). Une seule personne, à l’époque "dans l’opposition " s’est abstenue : Kader Chibane. On connait la suite.

Lors du débat, la même conseillère municipale était revenue en détail (voir ci-dessous) sur la question de la supposée concertation qui n’a en fait donné lieu qu’à des réunions d’informations, très espacées d’ailleurs, puisque, répétons-le, l’étude dite "Apaisement du centre-ville » date de janvier 2022. Elle n’a été évoquée en réunion publique d’information que le 11 février 2023 au cours de laquelle la suppression des six arrêts de bus a été annoncée.

Ainsi, plus d’un an s’est écoulé sans que ce projet ne soit dévoilé.

La primeur en avait été réservée… à la presse professionnelle en date du 31 janvier 2022 dans un article intitulé « Saint-Denis désigne l’agence Base pour "requalifier les usages" de son centre-ville ».. Les habitants devront eux attendre.
Comme l’article le révèle : «  Le secret a été bien gardé jusqu’à la séance du conseil municipal - même les conseillers n’ont pas eu connaissance du projet lauréat. » C’est dire le souci de la transparence et du partage d’informations de l’équipe en responsabilités. (voir extrait de l’article dans le portfolio)

Le maire se félicitait lors du conseil du 30 mars de l’existence de video qui permettent d’établir sans conteste ce qui est défendu, dit et prononcé. Ce point de vue est partagé.

C’est ainsi que son intervention, du 27 janvier 2023, concernant la mise en place de navettes électriques à l’été 2023 afin de se substituer aux bus de grande capacité pour assurer la desserte du cœur du centre ville est à réécouter ci-dessous, suivi d’un extrait sur la question de la circulation de transit qu’il faudrait traiter et tout autrement que par la suppression d’une desserte de transports publics. Le maire nous annonçait des navettes électriques.

On notera l’outrance des propos du maire-président qui parle de "la taille de lignes de bus qui vont d’un bout à l’autre du département » ! Non, ces lignes de bus ne desservent que des portions des villes de Plaine Commune, outre Saint-Denis, la ville de Stains, La Courneuve, Aubervilliers. Des villes du territoire de Plaine Commune. Une excursion très utile du 239 jusqu’à Rosa Parks pour assurer la connexion avec le tramway T3, idem pour le 153 à Porte de la Chapelle. Elles irriguent la collectivité dont Mathieu Hanotin est le président et ne vont ni à Coubron, Tremblay-en-France ou Neuilly Plaisance.
A-t-on vu beaucoup de président d’intercommunalité se plaindre des transports en commun irriguant leur territoire ? A-t-on vu beaucoup de président d’intercommunalité se plaindre que des lignes de transport passent et s’arrêtent au cœur de la ville-centre ? Les commerçants et bien d’autres apprécieront le propos.

La promesse de navettes…
On s’interrogera en conséquence sur la sincérité du scrutin pour lequel les conseillers municipaux ont été invités à se prononcer puisque lors du débat le maire annonce la continuité d’un service public de transport, avec des navettes électriques, se substituant aux arrêts des 153, 253 et 239 en cœur de ville, certes avec une rupture de charge mais avec la promesse que tout cela fonctionnera à l’été 2023 !

Les conseillers municipaux, ceux pour qui «  Le secret a été bien gardé jusqu’à la séance du conseil municipal - même les conseillers n’ont pas eu connaissance du projet lauréat. » comme nous le relatons plus haut auraient-ils été "trompés" après avoir été ignorés ?

Par défaut d’information et par une annonce trompeuse les conduisant à approuver la Convention pluriannuelle de l’ANRU ?

On ne commentera pas ici le dossier de la Convention comportant 502 pages, tout cela est très précis, documenté, normé (on engage des millions d’euros d’argent public) mais on en publiera quelques passages, 10 pages, pour lesquelles nous avons souligné tout ce qui concerne le projet centre-ville aux regards des transports, de la concertation et du suivi de projet. (Les passages soulignés en jaune représentent tout au plus deux pages et encore, n’hésitez pas à les consulter dans le portfolio)

Les conseillers "trompés", l’ANRU elle-même, les signataires de la convention aurait-ils été "floués" ?

On s’arrêtera donc un moment sur la Fiche Opération du centre ville (en page 177 de la Convention, consultable dans le portfolio) détaillant les Eléments clés de l’opération (conditions auxquelles le financement est accordé) répertoriant quatre secteurs d’intervention et dans laquelle on peut lire concernant le secteur 3 :

"Une action forte sur l’îlot 7 se justifie par son attractivité et les flux piétons très importants à cet endroit : c’est le cœur de Saint-Denis, ville elle-même au centre du territoire de Plaine Commune. Il s’agit d’y reconquérir de l’espace de circulation, de la qualité de vie et de l’agrément. Afin de répondre aux enjeux d’engorgement et d’insécurité, il est proposé de créer une ouverture de la partie sud du socle du bâtiment sur 7 mètres de hauteur sans démolir l’intégralité du bâtiment Campanile. L’ouverture du socle du bâtiment Campanile va générer un déploiement en éventail des flux piétons en sortie de métro. Elle s’accompagnera nécessairement d’un apaisement de la rue Jean-Jaurès, au droit de l’îlot 7. Un plateau piéton partagé, réservé aux bus et aux modes doux est envisagé. C’est l’une des préconisations de l’étude flux et mobilités douces à l’échelle du NPNRU."

Vous avez bien lu, notifié noir sur blanc dans le descriptif de l’opération à mener : "Un plateau piéton partagé, réservé aux bus et aux modes doux est envisagé."

L’ensemble de l’opération déclenchant les financements.

Il n’est à aucun moment indiqué dans la Convention ANRU la suppression de ces six arrêts de bus assurant une desserte dans le cœur du centre ville mais bien la pérennité d’un plateau partagé piétons et bus.

Le maire avait-il déjà "vendu" à l’ANRU les fameuses navettes électriques dès l’été 2023 ?

On laissera nos lectrices et lecteurs tirer toutes les conclusions qui s’imposent de ces quelques lignes, documents et videos tous d’intérêt public.

S’il semble difficile par l’argumentation et l’exposé des besoins des habitants de faire revenir le maire à la raison, peut-on espérer qu’il se mette en conformité avec les termes de la convention signée ?

Au vu de l’entêtement dont il est capable on peut en douter, la bataille pour l’abandon de ce mauvais projet va donc se poursuivre.