Le projet du maire de « rénovation urbaine » continue à marche forcée. Bientôt six arrêts de bus supprimés en centre ville (lignes 153, 239 et 253) ! Plusieurs pétitions circulent. Rassemblement jeudi 30 mars, jour de conseil municipal, à 18 h devant la mairie pour s’opposer à ce projet inacceptable.

, par Michel Ribay

Une réunion d’information sur le projet que porte la municipalité pour la rénovation du centre ville et son hypercentre s’est tenue samedi 11 février au matin. A l’aide d’un Powerpoint, qu’il aurait été utile, pour la clarté, la qualité des débats et des questions de communiquer avant la réunion – le maire a répondu – ou esquivé – aux (les) nombreuses questions des personnes présentes. L’assistance était nombreuse dans la salle des mariages tant ce dossier suscite, au-delà des intentions affichées que l’on peut partager, de multiples inquiétudes. D’autant plus légitimes qu’aucune réponse précise n’a été apportée concernant l’accès au centre ville après l’annonce de la suppression de six arrêts des lignes de bus desservant le cœur du centre ville.

Les liens des pétitions en cours et en portfolio le communiqué des Collectifs après la rencontre du 23 mars avec les élu.es.

COLLECTIFS Des usagers et Dionysien.ne.s de La Plaine SAINT-DENIS

COLLECTIF HABITANTS CENTRE VILLE SAINT-DENIS

Collectifs Habitants SDF/Franc-Moisin/Bel-Air

Collectif d’habitants Saussaie-Floréal-Courtille / Usagers Saint-Denis / CNL

Au risque de se répéter, nous le redisons ici, ce projet – et toutes ses conséquences – n’a jamais été avancé lors de la campagne des élections municipales. Ni le déplacement du marché, ni la suppression de la desserte du cœur de ville par les bus n’ont été annoncés. Ce n’est pas rien.

En second lieu, si le maire-président peut revendiquer d’assumer, sans mandat sur ce sujet des Dionysien.nes à l’occasion des élections municipales, l’ensemble des compétences qui sont les siennes en matière d’aménagement, un large débat sur un sujet aux impacts multiples aussi importants n’était pas du luxe mais un simple souci démocratique.

On l’a dit et écrit. Nous alertions, sur ce blog, dès octobre 2021 sur une manière de faire peu démocratique et sur un sujet crucial, à nouveau en avril 2022, celui des mobilités, de l’accès pour tous au centre ville… Que de temps perdu et de mépris pour la concertation.

Il y avait le temps d’organiser comme nous l’avons écrit un large débat public que pouvait mener la Commission Nationale du Débat Public. C’est son rôle. Nous avions pointé différents points qui aujourd’hui reviennent avec force actualité et ne sont toujours pas stabilisés, encore moins réglés (les transports) ou acceptés par les premiers concernés (la résidentialisation de l’îlot 8).

Nous écrivions cela :

« Concernant le centre-ville, l’équipe en place ne va-t-elle pas devoir répondre, malgré son empressement et l’absence de réelle concertation, à des obligations et à des éléments qui nécessitent un peu de temps :
– un permis d’aménagement nécessaire (création ou modification d’une voie existante dans le périmètre de sites patrimoniaux remarquables et aux abords d’un monument historique)
– un nouveau plan de circulation à valider et les moyens afférents
– le respect du calendrier opérationnel des opérations contractualisées concourant à la mise en œuvre du projet déclenchant les financements de l’ANRU
– la nature des avenants éventuels aux conventions adoptées par le conseil de territoire en décembre 2021 et au conseil municipal en janvier 2022 en particulier au regard de projets de résidentialisation impactant les charges des locataires
– les possibles recours sur différents sujets
[…]
N’est-il pas temps de hiérarchiser les interventions en fonction des besoins : priorité à la rénovation du bâti et des logements de la ZAC Basilique, priorité à la rénovation des espaces publics des îlots, priorité à la végétalisation des espaces extérieurs, dalles et terrasses de l’îlot 8, replantation, entre autres, du vaste espace de l’îlot 4 … ou priorité à la place Jean Jaurès, au miroir d’eau, à la reprise des revêtements de sol de la même place… »

L’article du 1er avril 2022 se concluait de la sorte : Qu’en sera-t-il, avec le projet que la municipalité souhaite imposer, de ce centre ville revisité ? De son accès pour tous, des mobilités, de l’ampleur de la végétalisation, de son offre culturelle, des attendus en matière de sécurité, de ses aspects patrimoniaux et paysagers, de sa composition sociale, en somme de tout ce qui fait identité…

Chacun se réjouira de la réhabilitation du bâti et des logements de l’ilot 8, indispensable, trop longtemps négligée, trop longtemps attendue. Le maire a eu quelques mots, bien tardifs, pour l’architecte René Gailhoustet lors de la réunion, et a réaffirmé, tout comme son adjoint à l’urbanisme et président de Plaine Commune Habitat, Adrien Delacroix, la volonté de résidentialiser l’îlot 8, ce à quoi les membres du Collectif de l’îlot 8 sont toujours opposés.

Du côté de la végétalisation, le maire annonce 100 arbres… Une démarche aboutie d’adaptation au réchauffement climatique appelait un revêtement autre, du stabilisé, plus perméable que le pavage retenu au motif répétitif.

Mais c’est bien la question des transports, des mobilités qui aujourd’hui est le point aveugle de ce projet. Aveugle car après les annonces de suppression de la desserte aujourd’hui existante du cœur de ville par les bus, la suppression de six arrêts et le report sur des boulevards circulaire de leurs circulations rien n’est avancé pour répondre concrètement à l’interrogation qui s’est exprimée samedi matin : comment et a fortiori pour les publics les plus éloignées du centre ville y accéder, des quartiers les plus éloignés, pour les personnes âgées, en difficultés de mobilités, handicapées, chargées, avec de jeunes enfants, en poussettes…

Le projet de la municipalité ne tombe pas du ciel, il s’inscrit dans le long travail pionnier, au fil des années, porté par les municipalités précédentes, qui a consisté à créer un très vaste plateau semi-piéton en centre ville, autrefois traversé par un flot continu de véhicules. Cette démarche a permis la rue de la République que l’on connait, la place Victor Hugo et ses abords, la place Robert de Cotte plus récemment…

Mais aujourd’hui, l’étape que souhaite franchir Mathieu Hanotin et son équipe semble d’une autre nature. Souhaitant contraindre encore plus la place de la voiture, supprimer la circulation de transit, (louable intention) ils en viennent à une conclusion surprenante : sans suppression de l’entrée des bus dans le cœur de ville, celui-ci ne pourrait être apaisé !

On ne comprend pas. S’il s’agit d’empêcher la circulation de transit, de la dissuader, de mettre un terme à la pratique du petit train derrière les véhicules autorisées ou ceux de la RATP, un outil existe : la video-verbalisation dont la même municipalité vante sans cesse les outils qui pourraient la permettre : les caméras.

Plutôt qu’un choix visant le trafic de transit (option mise en place et déjà éprouvée dans diverses métropoles européennes) on supprime des dessertes de services publics de transports urbains sans avoir la moindre assurance d’y substituer les fameuses navettes… !

Bref et pour faire simple et illustrer le propos, comment un adulte accompagné d’un enfant de 5 ans, d’un autre de 7, d’une poussette avec un nouveau né, accède au marché ou en repart chargé de ses courses, possiblement faites aussi à Carrefour ou à Action, en direction de la Saussaie ?

Quel est le service de mobilités offert à l’habitant du quartier de la Mutualité pour l’accès au centre ville ? Pour l’habitant de La Plaine ? Du quartier Calon ?

D’un quartier à l’autre, chacun avec ce projet qui retranche plutôt qu’ajouter, peut dès à présent estimer comment cela modifiera ou non ses possibilités, ses déplacements, son rapport à la ville, ses liens.

Heureux ceux qui, en proximité du T1, T5 ou de la ligne 13, continueront à avoir accès (dans les conditions que l’on connait) aux services qui font la ville…mais les autres devront marcher, les bus 153, 253 et 239 ne desserviront plus le cœur de ville, les six arrêts (voir carte) étant supprimés et ce dès l’été 2023. Un seul arrêt de bus serait créé au cimetière de Saint-Denis.

Un bouleversement pareil n’aurait-il pas demandé une concertation ? Manifestement pour le maire et son équipe, non. Ni avec les habitants, ni avec les commerçants, les conseils citoyens, pas plus avec des associations ayant une expertise dans le domaine des transports. Qui a fait l’étude d’impact pudiquement dénommée "étude apaisement" ? Quelles en ont été les considérants ? Son périmètre ?

Marcher. C’est aujourd’hui la seule réponse apportée par la municipalité tant la probabilité de voir financer des navettes électriques pour le cœur de ville ou le renforcement de la Ligne Bleue paraissent très hypothétiques. Le maire l’a dit, aujourd’hui seules les études sont en cours et un rendez-vous pris avec le président de la RATP, l’ex-premier ministre Jean Castex.

Que va-t-il lui dire, lui fera-t-il part du constat qu’il a exprimé samedi matin concernant le meilleur fonctionnement de la ligne 13 (sic !) depuis la mise en service de la ligne 14 ? Il ne doit pas la prendre très souvent… Qu’obtiendra-t-il ?

A défaut de répondre concrètement à ce sujet majeur, l’accès aisé et rapide, dans de bonnes conditions pour tous aux services du centre ville (administratifs, commerciaux, culturels, de santé, à l’ensemble des aménités d’un vrai centre ville …) l’intention « d’apaiser le centre ville » se traduira par une fracturation plus importante entre le cœur de ville et ses périphéries. De nombreux habitants seront contraints de regarder ailleurs, de renoncer, la municipalité s’apprêtant, on peut le craindre, à leur tourner le dos avec ce projet conçu en chambre et sans assurance de le mener à bien. Voir à ce sujet les temps de transport actuels résumés par les documents (dans le portfolio) sur les choix contraints d’habitants des quartiers nord-est.

Le maire et son équipe avait promis tout autre chose lors de la campagne municipale : réparer les fractures urbaines, lutter contre des quartiers trop séparés les uns des autres…

Près de trois ans après, à ce stade, le constat est sans appel. Rien n’a bougé et l’inquiétude domine.

L’inauguration, en clôture de la réunion publique, d’une portion de la rue de la Boulangerie (Etait-ce vraiment une priorité ? Définie où ?), ne suffira pas à détourner le regard des Dionysien.nes sur l’enjeu à cette étape : le droit à la (sa) ville, un cœur de ville pour tous.

C’est aussi, parmi d’autres questions tout aussi politiques sur lesquelles nous reviendrons, de cela qu’il s’agit.