De quoi Hanotin est-il le nom ? La pernicieuse méthode d’une « PME en expansion » : le déni de démocratie.

, par Sylvestre Lachenal

L’annonce d’une fusion entre les communes de Pierrefitte et de Saint-Denis a sidéré de nombreux habitants des deux villes. La nouvelle, que rien ne laissait supposer, a, tant elle semblait extravagante, été prise pour un poisson d’avril tardif. Les premiers instants de stupéfaction passés, tout bien réfléchi, la préparation dissimulée du projet, les formes prises par son annonce, la volonté d’aller très vite et de parvenir à ses fins en dehors de tout processus de consultation et d’expression démocratique des habitants signent une méthode déjà éprouvée : celle du maire-président, Mathieu Hanotin. A l’heure où nous publions, la conférence de presse annoncée vient de débuter, vers 13 h45, au pied d’un lieu symbolique : les Archives nationales.

Cette annonce s’inscrit à Saint-Denis dans un continuum, une manière de faire et surtout de défaire, des acquis sociaux, des services publics, des projets, d’altérer l’histoire de la ville et une forme d’identité dionysienne.

La manière de faire est brutale, récurrente et toujours frappée du même déni de démocratie : l’absence de mandat accordé par les habitants à ses décisions.

Déplacement du marché, suppression de six arrêts de bus en centre ville et maintenant un projet de fusion de communes.

Miner la démocratie, nourrir le dégoût et l’abstention

Ni mandat, ni consultation des citoyens et passage en force. Mathieu Hanotin pratique le 49.3 municipal. Même sa majorité, comme celle de Michel Fourcade, a été tenue à l’écart. La dissimulation n’a pas de limites.

Tel est encore une fois le constat. Cela peut-il être toléré ?

Assurément non car cette pratique insulte la démocratie. Pire, elle en mine les fondements. Et dynamite encore le peu de confiance dans la démocratie représentative. Elle charrie dans sa manière de faire un double mépris, celui des citoyens et des institutions.

Cette manière de faire alimente par nature l’éloignement déjà massif des citoyens des urnes, elle en est le carburant.

Chez combien de citoyens déjà éloignés des urnes cette pratique ne va-t-elle pas les conduire à se dire « A quoi bon voter ? »

Des décisions aussi importantes qui n’ont jamais fait l’objet d’un seul mot, d’une seule ligne de programme lors des élections municipales de 2020, comment alors les justifier ?

La stratégie du choc. J’assume.

Elu en surplomb, singeant le savant technocrate et la classe managériale, bonimenteur au besoin – « Imaginer demain un grand plateau piéton » pour justifier la suppression de transports en commun–, le Maire-Président, s’arrogeant le monopole de la vertu démocratique – « J’ai recueilli 59 % des suffrages », sait et anticipe ce qui est bon et profitable pour ses administrés.

Il sait, anticipe, prescrit la potion et si les Dionysien.nes déclarent la trouver plus qu’amère, il assume. Tout.

« Assumer, – comme le note François Bégaudeau dans son dernier ouvrage intitulé Boniments –, apparait comme le verbe pivot de la force autoproclamée. Comme la formule du néobonapartisme, de la tautologie autocrate : ce que je dis est vrai puisque c’est moi qui le dis ; ce que je fais est juste puisque c’est moi qui le fais ».

Et François Bégaudeau de poursuivre : « Il est alors tentant de lier la diffusion virale de la formule à une poussée mondiale de narcissisme. Les tiktokeurs, les Anges de la télé-réalité, les rappeurs vendeurs, les leaders dit populistes, toutes les têtes de gondole qui assument à gogo seraient le produit d’une époque où l’individu est devenu la mesure de tout. Or ces libéraux immanents ont surtout métabolisé la recommandation liminaire des coachs de vente : quoi que vous vendiez, ayez toujours l’air vous même friand du produit. Et si c’est vous que vous vendez, que ce soit en entretien d’embauche, face à votre banquier, sur un live Instagram, en promo d’un album, ayez toujours l’air sûr de votre valeur. Cet album, ce projet, est formidable puisque c’est le vôtre.

Stupéfiant ? non ? (voir dans le portfolio le diaporama !)

Assumer. Le transfert du public au privé. L’armement de la police municipale. Le licenciement des précaires. La liquidation du JSD. La fermeture de ludothèques. La suppression de six arrêts de bus. Le gilet pare-balles à Langevin. La décoration sur le contingent de Darmanin. Il assume. La stratégie est assumée.

Et maintenant un projet de fusion territoriale entre deux communes. Tout cela vient de loin. Et ce sont des personnages de son premier cercle qui en parlent le mieux.

« Mathieu, c’est une PME »

Ainsi, évoquant notre maire-président, Leyla Temel, aujourd’hui son adjointe, déclarait dans un article de Slate présentant les équipes des candidats à l’élection présidentielle de 2017 :

« Dans sa tête, c’est comme un jeu de stratégie ». « Il adorait le Risk, il pouvait passer des soirées à monter son armée, à conquérir des territoires… Il aime ça faire des alliances, s’implanter, parler avec tous les interlocuteurs, qu’ils soient communistes ou de droite dans le département, ou à Solférino [ancien siège du PS] quand il juge bon d’avoir quelques soutiens. » 

Et l’article de poursuivre : « Hanotin a quatre collaborateurs, deux à temps plein et deux mi temps, qui gèrent ses affaires de conseil (sic ! NDLR) délégué au conseil général de Seine-Saint-Denis, celles de l’Assemblée nationale, la campagne de Hamon, et les affaires du PS à Saint-Denis, où Hanotin est l’opposant numéro un du maire communiste en place. » 

« Mathieu, c’est une PME », explique un proche. « Nous, on est un peu tous ses couteaux suisses, et lui n’a pas de vie », détaille Antoine Mokrane, qui travaille pour Hanotin au conseil général de Seine-Saint-Denis. [Antoine Mokrane est aussi aujourd’hui un de ses adjoints.]

« Demandez à ses collaborateurs, passés et présents, et tous répondent que la PME Hanotin est en pleine expansion. »

Ainsi se termine l’article de Slate.

Cette volonté d’expansion sans limites, seule l’expression de la volonté démocratique des citoyens peut la contenir, la freiner, l’enrayer, y mettre un terme. On ne peut tolérer plus longtemps cette manière de faire destructrice.

Un dernier mot. Il se chuchote ici ou là que cet homme serait de gauche. Ne le répétons pas trop fort, certains, à défaut d’y croire, s’en sont déjà convaincus pour l’essentiel : viser loin, plus loin. Et à toutes fins utiles…

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