Le climat, les bus, Mamama et les sénatoriales en Seine-Saint-Denis. Liste à la Prévert ou vrais enjeux de justice sociale et climatique ?

, par Michel Ribay

Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu vient de lancer une consultation publique pour définir la trajectoire de réchauffement de référence sur lequel sera basé le prochain plan d’adaptation français au changement climatique (PNACC). Penser global, agir local, c’est depuis longtemps le credo des écologistes. Comment donc ici à Saint-Denis conjuguer justice climatique et justice sociale ?

La dernière version (2018) du Plan d’adaptation ne prenait en compte que l’hypothèse des objectifs de l’accord de Paris de 2015, visant à limiter le réchauffement de la planète en dessous de deux degrés et de préférence à 1,5 degré par rapport à la période pré-industrielle, soit une hausse de maximum plus trois degrés pour la France.

Pourtant la France a déjà atteint 1,7 degré. C’est donc sur la base d’un scénario à plus 4 degrés à l’horizon 2100 que la consultation est lancée.

Dans le même temps, un autre ministre, celui de l’Intérieur parlait il y a peu d’« écoterrorisme » pour évoquer les mobilisations qui n’ont pour but que de préserver le vivant !

Avec un scénario à plus 4 degrés, ce sont des canicules qui pourraient se prolonger jusqu’à deux mois, voire jusqu’à 90 jours. Les territoires les plus au sud du pays sont particulièrement exposés mais la canicule de 2003 a montré comme les suivantes depuis leurs impacts en milieu urbain. La Seine-Saint-Denis avait payé un lourd tribut en terme de mortalité due à la canicule.

La sécheresse s’installe durablement et sa localisation est en partie contre-intuitive. Elle sévit tout autant massivement dans le bassin parisien, en Normandie ou dans les pays de la Loire que sur le pourtour méditerranéen.

Justice climatique, justice sociale, même combat ?

Ici, à Saint-Denis, au nom de la lutte contre le réchauffement climatique – indispensable – on justifie la disparition de transports en commun en cœur de ville et les élus EELV, Kader Chibane et Whalid Allam, emboitent le pas à la municipalité PS ! On voudrait éloigner du combat pour le climat les catégories populaires qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

A contrario, le MNLE (Mouvement national de lutte pour l’environnement) dans la continuité de ses combats environnementaux pour la défense des espaces agricoles de Notre-Dame-des-Landes et du Triangle de Gonesse se porte aux côtés de ceux qui refusent de se voir imposer la suppression des transports en commun permettant l’accès de tous au cœur du centre-ville au nom de la végétalisation du cœur de ville (la place Jean Jaurès), de la lutte contre le réchauffement climatique et l’apaisement du centre ville.

Le combat des Collectifs d’habitants et du MNLE conjuguant défense de l’environnement et justice sociale, exigeant végétalisation et transports en commun ne faisait pas hier la une de l’actualité pour Le Parisien. C’est la bataille au sein d’EELV pour l’investiture de la première place en vue des sénatoriales de septembre 2023 qu’il retenait hier.

Le Parisien nous livre « les dessous » d’un affrontement entre d’un côté celle qui, retenue à ce stade, selon ses détracteurs ne « représentent pas suffisamment ni les compétences ni les nuances de notre mouvement, parce qu’ils ne placent aucune femme ou aucun homme issu.e de la diversité à un poste éligible » – elle porte de plus un patronyme maudit –, Anne de Rugy ; et celle qui représente « des personnes qui se battent pour nos valeurs cardinales, impliquées et représentantes des spécificités de leur territoire, des candidat.es mobilisé.es au quotidien et depuis des années » à savoir Nadia Azoug.

Anne de Rugy ou Nadia Azoug

Telles seraient les deux options en présence. On remarquera que dans l’article aucun espace d’expression n’est laissé à ceux qui considèrent la candidature retenue d’Anne de Rugy comme légitime. L’article intitulé « Sénatoriales : chez EELV, la désignation de la sœur de François de Rugy crée du grabuge » ne donne la parole qu’aux détracteurs de ce choix.

Et leur charge est lourde : « Notre mouvement est-il condamné à être trusté par une minorité opportuniste de cadres professionnels de la politique ne voyant que par des intérêts claniques ? Les tenanciers du fait majoritaire, associés par opportunité, rusent avec nos règles, tordent la démocratie représentative, ignorent la proportionnelle pourtant intrinsèque de nos valeurs. Nos représentant.es demain, sauront-ils lutter contre le principe du 49.3 lorsque nous en pratiquons l’esprit dans l’interne de notre mouvement ? »

On ne sait pas qui parle. Des adhérents verts écrit Le Parisien ? Des adhérents Verts écrirons-nous. Très bien. Mais qui sont donc ceux qui dénoncent « une minorité opportuniste de cadres professionnels de la politique ne voyant que par des intérêts claniques » ?

Le Parisien n’en dit rien.

On ne prendra pas parti ici. Anne de Rugy on ne la connait pas, on ne connait pas plus ses compétences, la seule chose que l’on sait c’est qu’on ne voit pas pourquoi elle devrait pâtir des frasques, positions politiques et autres allergies aux crustacés de son illustre frère, François de Rugy.
On s’en tiendra donc au célèbre lui c’est lui, moi c’est moi.

« Une minorité opportuniste de cadres professionnels de la politique »

Ce qu’on pourra dire en revanche c’est que ranger Anne de Rugy, dans la catégorie des « professionnels de la politique ne voyant que par des intérêts claniques » permettant en creux de présenter Nadia Azoug comme tout son contraire est pour le moins outrancier.

Anne de Rugy est conseillère municipale à Bagnolet, conseillère territoriale déléguée à l’agriculture urbaine à Est Ensemble et conseillère métropolitaine du Grand Paris. Elle fut adjointe au maire du 11ème arrondissement de Paris. Cela fait-elle d’elle « une cadre professionnelle de la politique » ?

Nadia Azoug est conseillère municipale à Pantin, vice-présidente d’Est-ensemble, quatrième vice-présidente au département. Elle a été maire-adjointe à Pantin et conseillère régionale membre de l’exécutif. Elle a brigué la députation en 2017.

Nadia Azoug, avec ses nombreux et successifs mandats électifs exécutifs possède un profil de « politique » bien étoffée. L’accusera-t-on d’être « une cadre professionnelle de la politique » ?

Alors ? Qu’est-ce qui les distinguerait ? Les compétences ? Elles sont toutes deux universitaires mais c’est loin d’être le seul parcours valant compétences, combien d’élus, de militants politiques, de responsables syndicaux, associatifs ne sont pas universitaires !

Alors ? On ne connait ni les pratiques de l’une ni de l’autre.

Inaction et silences complices

Ce qu’on sait en revanche parce que cela se sait, s’est vu, se voit encore, c’est ce que les politiques ne font pas. Ce qui se voit surtout ce sont les situations dans lesquelles ils n’assument pas leur mandat et les compétences qui leurs sont confiées.

Ainsi, on s’étonne encore de savoir Nadia Azoug, vice-présidente au département en charge de l’enfance, de la prévention et de la parentalité depuis juin 2021, n’être, ni intervenue en leur faveur, ni avoir contacté, ni s’être déplacée pour rencontrer l’association MaMaMa.

Une association œuvrant, c’est de notoriété publique, depuis 3 ans, au cœur du champ de compétences du département confiées par une vice-présidence à Nadia Azoug : l’enfance, la prévention, la parentalité.

L’enfance ?, la prévention ?, la parentalité ? MaMaMa alimente 173 centres de Protection Maternelle et Infantile en Ile-de-France, 95 sur les 107 présents dans le 93 et 100 % de ceux implantés sur Saint-Denis. MaMaMa a accueilli dans toutes leurs diversités des milliers de femmes avec ses 13 000 rendez-vous d’accueil. Engagement, compétences, diversité des bénéficiaires.

Alors Nadia Azoug n’a-t-elle pas voulu se fâcher avec Stéphane Troussel, président de la SEM Plaine Commune, propriétaire des locaux qu’occupe MaMaMa, qui a assigné l’association en justice en vue de son expulsion ?

N’a-telle pas voulu aussi se fâcher avec son colistier, ayant fait binôme avec le premier fédéral du parti socialiste Mathieu Monot, lors de l’élection départementale ?

N’a-t-elle pas voulu de plus se fâcher avec ses collègues du département, membres de la majorité municipale d’un autre Mathieu, maire de la plus grande ville du département et président de Plaine Commune.

Quoiqu’il en soit le constat d’inaction est là. Comme celui qui concerne les élus EELV au conseil municipal de Saint-Denis. Pas un mot sur MaMaMa. Rien. Le néant. Le petit doigt sur la couture du pantalon.

On regrettera qu’une organisation comme EELV, issue d’une organisation pionnière, Les Verts, qui a alerté, bataillé, travaillé des décennies pour mettre au centre des préoccupations politiques la question majeure du climat présente, à travers cet article, un visage délétère d’elle-même fait d’invectives violentes, d’accusations, le tout pour un poste – hypothétique– au Sénat, institution dont EELV souhaite la disparition au profit d’une Chambre des Régions.

De notre côté, on ne s’en tiendra qu’aux faits, connus et incontestables : l’inaction, les choix politiques et les silences complices.

Et aux fondamentaux : justice sociale et climat.

C’est tout le sens de la pétition portée par les différents collectifs de Saint-Denis qui a réuni plus de 5000 signataires avec une exigence pour notre cœur de ville… des bus et des arbres.