Patrimoine ? Mobilités douces ? Handicap ? Nuisances sonores ? Rénovation du centre ville. Trop c’est trop !
Notre précédent article sur la rénovation urbaine du centre ville se concluait par cette question : qu’en sera-t-il, avec le projet que la municipalité souhaite imposer, de ce centre ville revisité ?
De son accès pour tous, des mobilités, de l’ampleur de la végétalisation, de son offre culturelle, des attendus en matière de sécurité, de ses aspects patrimoniaux et paysagers, de sa composition sociale, en somme de tout ce qui fait identité…
Nous indiquions que nous reviendrons en bloc et en détail sur ces points.
Commençons par l’aspect patrimonial. Le choix de la municipalité concernant les revêtements du sol aura de fortes incidences sur de nombreux usages et sur le paysage urbain. Revue de détail.
La proposition pour le revêtement du sol de ce parvis élargi retenue par la municipalité (place Victor Hugo, place Jean Jaurès et place du Caquet comprise) laisse pantois. La première adjointe, Katy Bontinck, interrogée dans un journal professionnel indique : « Ce qui a séduit le jury est une approche centrée sur les usages couplée à la prise en compte du patrimoine ». Et puis, ce qui a été le déclencheur de la décision, c’est un traitement des sols très qualitatif, qui fera repère, et un marqueur du secteur Basilique place Jaurès ».
Déclencheur de la décision ! Rien que ça ! On s’était plutôt habitué au choix judicieux d’un traitement des sols assez neutre valorisant les façades, le bâti ancien, celui des faubourgs, ancien, vernaculaire, faisant de sa diversité patrimoine, révélant les contrastes, les strates historiques du paysage urbain.
La répétition au sol d’un motif de voute, d’un arc plein cintre verse dans le pastiche, le kitsch.
On pouvait souhaiter une meilleure inspiration en matière d’identité, de référence moins prégnante, moins invasive, premier degré où l’on vous colle les yeux au sol en vous répétant en boucle : « Vous êtes ici, et c’est la Basilique, ici c’est le centre ville… »…
On se rapportera par curiosité à l’image de nombreux parvis de cathédrales, où, si la présence de pavés est ancienne, reprise ou envisagée dans des rénovations, leur utilisation est classique et dans le cas d’un motif celui-ci reste sobre, discret et ne prend pas le pas sur le paysage ou les architectures des façades.
A vouloir en rajouter, à surjouer l’identité patrimoniale, on atteint à la fluidité naturelle entre l’hypercentre et ses abords immédiats. Si les usages peuvent être différenciés rien n’est plus opposé à l’urbanité que de vouloir segmenter, séparer aussi nettement par leur traitement des espaces dont l’histoire est faite de leurs relations, de leur dialogue fût-il en tension. A vouloir maximiser l’identitaire on peut y perdre la fluidité historique, celle des liens construits entre ces espaces.
Last but no least, outre les coûts de cette « rénovation », (la reprise de l’étanchéité de la place du Caquet est toute récente), certains soulignent avec grande justesse les freins, les désagréments que cela va constituer pour les mobilités douces, qu’elles se pratiquent à vélo, en patinette ou autre véhicule propulsée par la force musculaire de son utilisateur.
On lira ci-après à ce sujet la pertinente remarque de l’association Vélo à Saint-Denis.
Pavés de velours
J’étais hier jeudi à la réunion de présentation du projet de rénovation de la rue de La Boulangerie. Après avoir attendu bien longtemps avant que le maître de cérémonie me donne la parole, je fus rapidement interrompu, car ce monsieur n’aime pas la contradiction. Quand on est sûr de la qualité d’un projet, on a confiance, on a la courtoisie de laisser les gens s’exprimer.
Mais c’est difficile d’expliquer que l’on roulera mieux sur des pavés que sur des dalles de pierre, parce que c’est une contre-vérité. Vanter les mérites du pavé portugais, une sorte de pavé de velours, c’est prendre les gens pour des andouilles. Une surface pavée est moins roulantes qu’une dalle de pierre. Ce revêtement gênera tous les déplacements actifs et tout ce qui roule, poussettes, chariots de marché, trottinettes, patins à roulettes, fauteuils roulants, ...
Moins de déplacements actifs, plus de sédentarité voilà les effets quasi invisible que l’on peut attendre. A cela cela s’ajoute le saucissonnage d’une rue déjà étroite. A quoi bon des trottoirs dans une rue piétonne ? A quoi bon des bornes anti-stationnement qui ne gêneront pas les SUV, mais qui sont autant de pièges pour les mal-voyants, les distraits et les cyclistes. Il y aura aussi un peu de verdure c’est dans l’air du temps. Arrosage automatique qui ne manquera pas de tomber en panne pour une végétation maigrichonne qui ne rafraîchira rien et prendra de l’espace dans une ville où la place manque déjà. Une carcasse métallique en guise de pergola qui attendra longtemps les plantes grimpantes avant d’obturer la perspective de la rue.
Nous aurions préféré un plateau unique fait de dalles de pierres claires avec une pente centrale pour recueillir les eaux de pluie et rien d’autre. Au gré des usages et des besoins on installe des arceaux pour les vélos, là un banc, un brumisateur pour les jours de canicule, un peu d’ombre avec des toiles, des fanions des drapeaux et rien de plus. Mais tout est ficelé, l’appel d’offre est clos, le projet en route, circulez il n’y a rien à voir !
Je n’ai pas pu savoir si il y aura un léger décaissement de la rue par rapport aux trottoirs, juste deux ou trois centimètres bien accidentogènes à pied ou à vélo. Je n’ai pas pu savoir s’il y a des joints de dilatation de prévus sur la longueur de la voie.
Mais je sais que l’on aurait pu faire mieux pour moins cher dans le respect de tous les usages.
On ne peut que souscrire pleinement à ce diagnostic plein de bon sens.
Le choix de la municipalité a en effet peu de chance d’être plébiscité par de nombreux dionysiens. Les plus jeunes, les plus âgés, les plus en difficultés pour se déplacer. Les aspérités d’un sol pavé générateur de vibrations sont particulièrement appréciées des enfants en poussette et pour ceux dont les premiers pas sont hésitants la chute est quasi certaine. Une petite aspérité entrainera celle de nos anciens, la fracture du col du fémur y est en embuscade. Les personnes handicapées ont aussi peu de chance d’y trouver confort, repères où guide pour les personnes malvoyantes.
Cerise sur le gâteau, on a déjà dans les oreilles le délicat bruit des valises sur les pavés de toutes les jeunes filles qui, en groupe, rejoignent chaque fin de semaine le métro Basilique, à partir de la Maison de la Légion d’honneur.
Pourrait-on nous épargner tout cela ? Le coût ? Les désagréments ? Les risques ?
La municipalité entend-t-elle poursuivre dans cette mauvaise voie, dans le choix de surjouer le patrimoine dans l’hypercentre au détriment d’autres sites ?
Sous les pavés, l’entêtement ?