Une rénovation urbaine à marche forcée et sans les habitants ?

, par Jean-Marc Bourquin

La municipalité organise une réunion publique d’information pour le centre-ville le vendredi 10 décembre sur la rénovation des espaces publics. Elle donne un certain relief à cette réunion qui va se faire à l’Hôtel de ville, en présence du maire qui veut faire de la rénovation urbaine un point fort de son mandat.

C’est une réunion qui ne vise pas à mettre en discussion des propositions d’aménagement du centre-ville avec les dionysiens mais à entériner dans un cadre formel et symbolique (à l’hôtel de ville) ce qui a déjà été décidé par la municipalité. L’essentiel a d’ailleurs été dévoilé lors de la venue de la ministre du logement dans la communication du maire reprise par divers média tel Le Parisien ou Actu 93.

Une façon de mettre tout le monde devant le fait accompli. Aucun débat préalable sur d’autres options n’est à l’ordre du jour.

Ni débat avec les dionysiens, ni débat particulier en conseil municipal sur un sujet qui dépasse le devenir du centre-ville.

L’ordre du jour de cette réunion s’organise autour de l’aménagement de la place Jean Jaurès – et de ses marges – qu’il est prévu de végétaliser au motif que c’est le seul espace « en pleine terre » où il est possible de le faire.

De nombreuses questions jamais débattues

Ceci pose la question du déplacement d’une partie du marché, très majoritairement composée de commerces non alimentaires vers la place du 8 mai 1945, question sensible vu le rôle économique que joue cette « locomotive commerciale ». Le scénario déjà adopté pour la rénovation urbaine sur ce secteur questionne aussi l’avenir du cinéma l’Ecran alors que l’association qui le gère subit une baisse de sa subvention municipale et que le projet de son extension reste à construire.

Le maintien de l’hôtel Campanile qui ne devrait pas être démoli mais dont la base serait évidée, l’aménagement de la place du Caquet et « l’apaisement » de la rue Jean Jaurès, la limitation de l’usage de la voiture dans le centre-ville, le rôle des bus qui font le lien avec les quartiers périphériques, la pérennisation du jardin partagé dans l’ilot Haguette végétalisé ou la « mise en valeur » du séchoir des Arbalétriers par la suppression des cafés qui l’entourent sont autant de sujets qui demanderaient un long temps de concertation et de réflexion, d’ateliers citoyens, des échanges nourris et croisés avec des professionnels, architectes, urbanistes afin que chacun puisse se forger un avis éclairé. Les impacts, les délais, le coût, les objectifs ?

Aujourd’hui, Il n’en est rien. Et sans mobilisation des habitants, il n’en sera rien. C’est pourtant en contradiction avec les intentions affichées de l’ANRU quant à l’indispensable participation des habitants au processus de rénovation urbaine. C’est une des règles édictées pour l’ANRU2.

Alors pourquoi ? Que dit cette manière de faire ? Quel est l’enjeu ?

Derrière l’arbre de la végétalisation, qui ne peut que faire consensus, pointe la vision d’un centre-ville désincarné et boboïsé où les initiateurs du projet cherchent à faire disparaitre tout ce qui fait l’identité de cette ville populaire.

Sinon que veulent dire les multiples signaux envoyés par la municipalité comme le souhait de l’installation de commerces de bouche de qualité dans les galeries marchandes du centre commercial Basilique, la rénovation des halles avec l’implantation d’un restaurant gastronomique dans une mezzanine qui reste à construire, le souhait de la disparition des commerces non alimentaires « bas de gammes » ou encore le remplacement des bus par des navettes pour traverser le centre-ville ?

Cette discussion sur les espaces publics n’est donc pas sans enjeu, mais alors que le débat est à peine amorcé il semble déjà mort né au vu de l’agenda imposé : dépôt du projet ANRU effectué, JOP 2024, élection municipale de 2026 et candidature au label Capitale européenne de la culture pour 2028.

Derrière l’arbre de la végétalisation du centre-ville il y a aussi la résidentialisation de la ZAC Basilique, qui n’est pas à l’ordre du jour de la réunion publique du 10. La municipalité prétend que l’ANRU et la préfecture ont validé son principe mais de fait elle devra faire l’objet d’un nouveau comité d’engagement de tous les acteurs de la rénovation qui devrait se tenir en 2022.

La sélection sociale en marche

Mathieu Hanotin ne cache pas ses intentions. Il considère qu’il y a trop de pauvres, trop de logements sociaux, pas assez de diversité et de mixité sociale, discours qu’il tient aussi concernant le quartier de Franc Moisin. Mais si dans ce dernier la solution brutale qui a été choisie c’est la démolition de 447 logements pour laisser place à du logement privé ou en accession sociale, au centre-ville l’outil c’est la résidentialisation : isolement des ilots, suppression des passerelles, suppression des escaliers, transfert des charges d’entretien et de la végétalisation de Plaine Commune aux locataires ce qui ne peut que renchérir le coût des loyers et celui à venir de l’accès aux logements.

Par ailleurs, Plaine Commune est en train de créer un Office Foncier Solidaire (OFS) pour faciliter l’accession à la propriété sociale mais pour le moment le bailleur ne dit pas quelle formule concrète il va appliquer pour les logements de la ZAC Basilique : déconventionnement ? accession sociale ? vente ? Et quelle sélection des locataires ?

La municipalité joue la montre

Le collectif de l’ilot 8, soutenu par le conseil citoyen du centre-ville, a lancé une pétition depuis le mois de mai 2021. Une table dans les halls, des panneaux et une discussion avec les locataires qui passent. Une centaine de signatures aisément acquise, principalement sur le refus de la hausse des charges qu’implique la résidentialisation, d’autant que les loyers, qui sont au plafond, sont perçus comme élevés.

Le choix de la résidentialisation pose de très nombreuses questions aux locataires. La municipalité ne prend pas la peine d’y répondre. A la demande de réunion d’information spécifique pour les habitants de la ZAC la réponse a été renvoyée en… 2022 sans plus de précision.

Ce n’est évidemment pas à la réunion publique du 10 décembre que la municipalité prendra l’initiative de discuter du statut des logements, de la forme concrète que va prendre la sélection sociale planifiée.

Ce 10 décembre, la municipalité n’entend que présenter l’habillage de sa politique du logement, sa conception de l’urbain dont elle a déjà, toute seule, conçu le décor.

Les habitants du centre ville, les dionysiens ne peuvent accepter ce déni de démocratie et une politique d’éviction sociale. Il faudra bien que la voix des habitants soit enfin entendue.