Réunion de bilan de mandat et rénovation du centre ville. Un dispositif conçu pour éviter tout débat : monologue du maire et une séquence questions-réponses au pas de charge

, par Michel Ribay

Une heure et dix minutes d’un monologue au cours desquelles le Maire a fait, à l’aide d’un powerpoint, le passage en revue des 52 pages imprimées sur papier glacé et distribuées toutes boites sur la ville vantant « Quatre ans d’action de la municipalité pour vous ». Chapitre après chapitre, le maire en a fait la lecture. Ignore-t-il que les Dionysien.nes savent lire ? Tout de ce qu’a dit le maire durant une heure et dix minutes, montre en mains, était déjà dans la brochure.

Aucun élément nouveau dans cette longue présentation-monologue même pas la révélation de la surprise concoctée par le maire pour « Bel hiver », maintenant dit-il qu’un « vaste espace est disponible ». Tout est possible, ira-t-il jusqu’à installer une grande roue ?
Même teasing pour l’immeuble détruit place Victor Hugo pour lequel il faut savoir qu’a été retenu « un magnifique projet d’architecte… mais on ne peut pas en parler ».
On ne peut rien en dire. C’est pas grave. Ça meuble. Pour le magnifique, l’inquiétude persiste.

Les dates de démolition des immeubles et de livraison des prochains logement et cellules commerciales dans le cadre de la lutte contre l’habitat indigne et insalubre (sujet majeur pour lequel des avancées notables en termes de moyens ont été mis en œuvre) étaient déjà indiquées dans un encart de 12 pages au mois d’octobre consacré à la rénovation du centre-ville ; tout comme ce qui concerne le socle du Campanile ou la nouvelle passerelle du passage des étuves… Bref, le maire aurait pu faire court, il a fait long. C’est une stratégie. C’est comme un gros pudding, ça plombe. C’est l’objectif.

Une heure et 10 minutes d’exposé en place d’un échange sur le bilan de « Quatre ans d’action de la municipalité pour vous ».

Bien entendu, il ne peut s’agir de cela, le maire, la municipalité ne le souhaitent pas. Le format retenu a justement pour fonction d’éviter tout débat. La succession de deux séquences s’impose.

Long monologue à l’aide d’un powerpoint et, portion congrue pour le temps restant, la séquence questions-réponses qu’on enchaine les unes après les autres. Le rythme doit être tenu afin qu’aucun moment on ne s’attarde sur un sujet ou un autre et que cela vienne enrayer la mécanique. Rendez-vous compte un sujet pourrait se prêter à l’expression d’une parole divergente, pire, à un diagnostic contradictoire.

Le rythme est soutenu puisque en sus des questions posées oralement, des questions s’affichent sur un écran, envoyées via une plateforme numérique. Le pudding n’empêche pas d’être dans le coup, agile, en basket, powerpoint en support, QR code, esprit start up, encore un effort, on est dans le stand-up, l’humour en moins car ce n’est pas drôle du tout. Il s’agit de la ville et de ses habitants.

Du coup, réponses et commentaires compris, le maire tient le crachoir durant quasiment 1 heure et 40 minutes.

10 mn sont accordées – pour la parité ? – à la première adjointe, Katy Bontinck pourtant en charge de la rénovation du centre ville… Quant au services, qu’ils soient de la ville ou de Plaine Commune, alors qu’il est quand même d’usage qu’ils puissent eux-aussi rendre compte du travail mené ou répondre à des aspects précis, ils ne sont pas sollicités.

Le débat, le possible contradictoire, l’échange public est donc, avec ce dispositif, de facto tué dans l’œuf. Comme au conseil, le maire, parle, parle, parle. Maitre des horloges et du micro.

Alors que dire de plus ? Des infos nouvelles ? Il y en a peu.

Elles ont été distillées au fil de la séquence questions-réponses. Après le monologue, le pot-pourri. Et ça démarre très fort.

– Les arbres de la place Jean Jaurès seront plantés à la Saint-Catherine (sic !).

– La fontaine au débouché de la passerelle des Etuves, à côté du « futur restaurant marocain », à l’arrière de l’hôtel de ville, sera implantée ailleurs.

– Le devenir de la Porte de Paris est « en étude urbaine », un espace vert sera étendu à partir du canal jusqu’à la porte de Paris et il y aura bien un caniparc comme au parc Cachin.

– Une réunion (en décembre 2024) sera consacrée à présenter le projet de reprise de Gabriel Péri Sud entre la place de la Résistance et la porte de Paris.

– Des fouilles archéologiques auront lieu à partir du 18 novembre le long du Campanile puis se déploiera le travail d’un « magnifique artiste ». Un labyrinthe comme « on peut en voir ailleurs ».

– Un espace culturel doit voir le jour en rez-de-chaussée du bâtiment d’Oscar Niemeyer, ex-siège du journal l’Humanité et les discussion sont en cours pour pouvoir profiter du « magnifique panorama » qu’offre la terrasse pour « y boire un verre ou y croquer un morceau » tout au moins « pouvoir y accéder et profiter de la vue ».

– Les nouveaux arrêtés du maire interdisant les regroupements, s’ils constituent bien des actes de « privation de liberté », sont des mesures de « prévention » et un échange de l’adjointe au maire Mme Badufle-Douchez est prévu avec les associations de défense des libertés publiques.

– La rue Bonnevide devra attendre pour sa réfection que la situation juridique qui concerne le bâtiment qui risque de s’effondrer soit réglée. En revanche, après la rue de la Boulangerie, de Toul, Gasquet, Nay et Suger ce sera au tour des rues Viollet le Duc, Delaune, Lanne, et Renan d’être reprises.

– On plante de jeunes arbres place Jean-jaurès, « cent », d’un ou de deux ans. Sur les 23 arbres existant place Jean-Jaurès, 5 ont été plantées à la Maltournée, un est mort.

– Un dispositif de sécurité équivalent à celui mis en place pour les JOP 2024 sera mis en place pour le match de foot du 14 novembre entre la France et Israël.

What else ? Rien d’autre.

On le voit, par définition, la séquence Questions-Réponse ne permet pas de s’attacher à un bilan, à un ou deux sujets saillants et les interrogations sont diverses et toutes légitimes.

C’est bien normal car ni l’absence de réunion de quartiers régulières remplacées par des grands-messes où seul officie le maire, ni la disparition des conseils citoyens, ni celle du Journal (hebdomadaire) de Saint-Denis n’ont asséché pour les habitants l’envie de savoir ce qui se passe dans leur ville.

Que reste-t-il ? La séquence questions (45 minutes) lors de la grand-messe, bilan de mandat et rénovation du centre-ville. Soyons honnêtes, si cela ne suffit pas, ils peuvent toujours poser une demi-journée, un mercredi après-midi pour de 15h à 17h 30 pour venir rencontrer l’équipe du projet centre-ville au 3 passage de l’aqueduc.

Quelques remarques sur des sujets différents symptomatiques de la manière du maire de mentir, médire, défaire ou ne rien faire

Les antennes-relais et le pouvoir du maire-président. A une question interrogeant le maire sur l’autorité en charge de contrôler les projets des opérateurs, celui a répondu que la collectivité ne pouvait rien faire, « cela ne faisant pas partie de ses compétences », qu’il recevait de nombreux courriers d’habitants « se plaignant de zones blanches en centre-ville » et qu’à titre personnel il pense que pour « réduire le risque, il vaut mieux multiplier les antennes ».
Sa réponse ne constitue que des semi-vérités. Tout d’abord parce que la législation permet au maire d’informer les administrés, d’organiser des réunions, de vérifier la conformité du Dossier d’Information à la Mairie (DIM). S’il est vrai que la technologie permet avec la multiplication de plus petites antennes de réduire les émissions, les opérateurs ne le souhaitent pas pour des questions de coûts mais il ne s’agit pas du tout de cela aujourd’hui. Il s’agit d’antennes de forte capacité de couverture et en 5 G pour laquelle de nombreux scientifiques appellent à un moratoire.

Le maire ne peut-il alors rien faire ? Faux. Le maire peut agir politiquement. Faut-il encore le vouloir. Le maire qui ne manque pas une occasion de mettre en avant son poids politique accru avec une commune nouvelle de 150 000 habitants, deuxième ville d’Ile-de-France, n’aurait pas les moyens de peser vis à vis du bailleur I3F porteurs de projets immobiliers sur Plaine Commune dont un, prévoyant 500 logements, à Saint-Denis au Fort de l’Est ?! Des sornettes, du baratin ou la volonté de ne rien faire.

Un projet culturel en gestation : « Je n’exclue pas qu’on puisse y arriver ».
Le maire parle de l’ancienne piscine du boulevard Félix Faure, à côté de l’école Sorano, bâtiment dans lequel un projet culturel est prévu de longue date. Le maire donc « n’exclue pas qu’on puisse y arriver », c’est une bonne chose. Pourquoi enchaîner avec le propos qui consiste à dire que la municipalité n’a pas vocation à financer « un bar et une boite de nuit » alors qu’il n’en est rien. Une caricature du projet ne constitue ni une information pour les Dionysiens ni une aide pour boucler le dossier. A défaut, « d’y arriver dans les mois qui viennent », le maire indique « qu’on en fera un gymnase ».

Les bus, le compromis et IDF mobilités. Sur ce sujet, on touche à la fois le fond et ce qui caractérise la « méthode Hanotin » : décider seul puis, dans le cas présent, tenter de flouer tout le monde.

Imaginons un instant. Un maire entend supprimer le passage des bus de grande capacité dans l’hypercentre de sa ville. Dont acte. Il sait dans le même temps que ceux-ci constituent un moyen de transport essentiel qui permet aux quartiers périphériques d’accéder à un tas de services (administratifs, de santé, culturels, des commerces…) et de sortir du centre-ville pour rejoindre tel ou tel quartier.
Qu’à cela ne tienne, le maire informe, débat, mobilise les élus, les services, la population pour porter ce projet auprès de IDF Mobilités et de la RATP et substituer au bus de grande capacité, de plus petits bus, électriques, permettant la continuité du service public. Elus, services, associations, citoyens tout le monde après débat engagent ensemble une bataille pour la continuité et l’amélioration d’un service public de transport, la réduction de la pollution, l’apaisement des mobilités, la réduction du trafic de transit.

Et bien non. La « méthode Hanotin » consiste à supprimer un service public sans aucune concertation. Seul. A deux ou trois au maximum. Le reste de l’équipe fait le SAV ou se tait.

Confronté à la colère des usagers, la mobilisation le contraint et le conduit :
– premièrement à rétropédaler et à devoir rediscuter avec IDF Mobilités pour revoir le parcours du 239, après avoir supprimé des arrêts et modifié le parcours, (comme c’est malin !) le tout en refusant de recevoir le Collectif pour le maintien des bus !
– deuxièmement à se retrouver en difficulté dans les discussions qui achoppent avec IDF Mobilités concernant le 153 (après avoir supprimé des arrêts et modifié le parcours, comme c’est malin !)
– troisièmement, à finir par lancer un appel au Collectif d’accepter un compromis (tout en ayant refusé de constituer un comité de suivi) et de venir réclamer à d’IDF Mobilités avec le maire un (partiel) retour en arrière et assurer à IDF Mobilités (et à lui-même, comme c’est malin !) l’assurance qu’il n’y aura plus de contestations.

Bilan. Tout faux. Mépris et cynisme compris.

Pour en finir, on relèvera qu’il n’a pas consacré ne serait-ce que quelques minutes au quartier Confluence rattaché au centre-ville depuis 2020. Les habitants apprécieront.

Quel bilan ! Franchement, une rénovation du sol au plafond s’impose !

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