Quel est ton « parcours politique » qui t’as amené à être suppléant du député de la première circonscription ?
Farid Aïd – Mon parcours est simple, j’ai commencé à militer dans le tissu associatif pierrefittois où j’ai pris la présidence d’une association de quartier afin d’organiser des activités culturelles, sportives et éducatives. Nous avons grandi, développé des actions de plus en plus importantes et c’est dans ce cadre que j’ai commencé à militer, à m’engager au niveau politique. C’est en participant à la vie politique qu’on peut entre autre changer les choses et que l’on peut améliorer la vie de nos habitants. C’est dans ce cadre là que je me suis investi, puis j’ai été élu à plusieurs reprises et j’ai conduit une liste ouverte à plusieurs reprises. En 2020, j’ai perdu au deuxième tour des dernières élections municipales de 400 voix dans un contexte particulier, celui du COVID, et c’est assez naturellement que j’ai été candidat suppléant avec Stéphane Peu pour qu’il soit élu en 2017 et réélu député en 2022 de la deuxième circonscription. On voit bien aujourd’hui qu’il fait un vrai travail de terrain et porte plusieurs propositions de lois notamment sur l’autisme et les problématiques liées à l’handicap.
Le mot respect revenait souvent dans tes propos lors de notre premier échange …
F. A. - Pour moi le respect, c’est l’engagement que l’on tient vis à vis des électeurs et malheureusement cela n’est plus vraiment respecté par certains et notamment Mathieu Hanotin et Michel Fourcade qui souhaitent fusionner nos villes sans concertation, pour leurs intérêts personnels et non pas par intérêt collectif.
Tu insistais aussi sur ton attachement à l’échelon communal en décrivant cette dimension comme une forme de résistance au dessein des instances européennes de mettre fin à une sorte d’exception française, à savoir le nombre de communes ?
F. A. - Oui, l’échelon local est important et les Français et les Françaises y sont très attachés. C’est pour cela qu’il y a une participation aux élections municipales plus importante que dans toutes les autres élections à l’exception de la présidentielle mais avec un taux d’abstention qui doit nous interroger. A l’échelon local, les gens sont plus à même de se regrouper, d’être ensemble, de pouvoir prendre des décisions avec les élus. Dans les échanges on voit bien que la population est très attachée à la ville, à la solidarité communale, à l’histoire de la ville. Malheureusement au niveau européen, on souhaite réduire le nombre de collectivités locales dans notre pays. Nous sommes le dernier pays européen où nous avons autant de communes, c’est dû à l’histoire, c’est dû aussi au fait que les habitants sont très attachés aux décisions concrètes et de proximité qu’elles peuvent prendre.
Tu as connu en tant qu’élu local depuis 1996, les débats qui ont précédé la constitution de la communauté de communes qui a préfiguré la naissance de Plaine Commune comme communauté d’agglomération. Quel était la nature des débats ? Les enjeux ? Tu parlais de communauté de projet ?
F. A. - C’est vrai qu’au départ, quand on nous a annoncé cette idée de créer la communauté de communes, j’étais sceptique mais au fur et à mesure des discussions, des débats, des rencontres, des concertations qu’on a pu avoir avec les habitants, ma position a évolué par rapport à la communauté de communes. Et c’est vrai que l’idée d’être ensemble était fondée, pour être plus fort tout en respectant les villes et de travailler sur des projets communs entre les villes. C’est ce qui a permis la constitution de Plaine Commune qui est aujourd’hui reconnu par toutes et tous au niveau institutionnel, administratif, politique et nous permet de pouvoir travailler mieux en direction des habitants et de créer plus de service public, mais beaucoup de choses restent à faire pour consolider et crédibiliser nos actions.
On l’a vu avec les constructions de médiathèques, par rapport aussi à la question de la propreté, même si bien évidemment tout n’est pas parfait. Pour moi la notion communauté de projets c’est de réfléchir à des projets communs, d’être unis pour être plus fort vis à vis de l’Etat, de l’Europe. Avec la volonté de travailler avec tous les maires.
Malheureusement le nouveau président de Plaine Commune n’a pas cette volonté politique. Au contraire, il est dans l’idée de fermer les services publics, on l’a vu avec les Maisons de l’emploi. On voit aussi comment il gère le personnel de Plaine Commune. Il y a de plus en plus de difficultés, car il ne croit pas dans cette institution, et il souhaite la voir dépérir parce qu’il a d’autres ambitions, la métropole du Grand Paris, et cette grande ville qu’il veut créer avec Pierrefitte dont la fusion n’est pas encore actée bien évidemment.
« Tout le monde savait que Fourcade essayait de fuir ses responsabilités locales, de faire oublier les fermetures des services publics, de masquer la réalité d’une ville en déclin, et surtout que personne n’émergeait dans ses équipes pour lui succéder. La meilleure solution pour eux est de faire un mariage blanc. »
Dans quelles circonstances les élus de Pierrefitte apprennent ce projet de fusion ? Comment interprétez-vous ce projet ?
F. A. - Nous l’avons appris par la presse, nous pensions que c’était un poisson d’avril, et il s’est vite avéré que ce n’était pas le cas. Tout le monde a été surpris, que ce soit les élus de la majorité ou de l’opposition.
Tout le monde savait que Fourcade essayait de fuir ses responsabilités locales, de faire oublier les fermetures des services publics, de masquer la réalité d’une ville en déclin, et surtout que personne n’émergeait dans ses équipes pour lui succéder. La meilleure solution pour eux est de faire un mariage blanc. Je pense que les deux maires n’ont pas bien mesuré les conséquences de leur acte, notamment en direction des habitants qui y sont en grande majorité hostiles, et surtout l’électorat du maire de Pierrefitte qui est très attaché à la commune.
Michel Fourcade a avancé le bénéfice pour les Pierrefitois d’une baisse de 20% des impôts. Tu parles de mensonges. Pour toi, Michel Fourcade ment. Peux-tu nous expliquer ce qui te fait dire cela ? Mathieu Hanotin et Michel Fourcade parlent aussi de renforcement du service public avec la fusion, à Saint-Denis on fait plutôt depuis l’arrivée de la nouvelle municipalité le constat d’un recul, à Pierrefitte qu’en est-il du service public ?
F. A. - Depuis 2008 le maire de Pierrefitte a supprimé les abattements ce qui constitue une augmentation des impôts indirects, de plus il vient d’augmenter de 8,8% la taxe foncière, et aussi la taxe sur les entreprises. Et il fait croire qu’avec cette fusion (qui fera disparaître la ville de Pierrefitte au profit de Saint-Denis) ils baisseront les impôts ! C’est une promesse pour vendre leur fusion aux habitants. Depuis plusieurs années le maire de Pierrefitte a fermé plusieurs services publics : la maison de santé, le Service Municipal de la Jeunesse, le service dentaire, l’école des Fortes Terres… Et les deux maires nous disent qu’ils veulent renforcer le servie public, ce n’est pas la réalité. Ils veulent fermer des services publics pour réduire les dépenses de fonctionnement et en externaliser certains. C’est ce qu’a commencé à faire le maire de Saint-Denis en fermant des ludothèques, une antenne jeunesse et en externalisant le service d’entretien dans les écoles.
Notre projet est de consolider le service public, d’en créer de nouveaux face à l’augmentation de la population et de développer le tissu économique et de loisirs.
Renforcer nos décisions pour la réussite éducative de nos enfants dans les écoles par un travail en partenariat avec les enseignants et les parents d’élèves.
Le rapport de la Cour des comptes devrait être rendu en novembre, avant même sa publication que peut-on déjà craindre de son contenu ?
F. A. - Ce que l’on peut craindre du rapport de la chambre de la Cour des comptes, c’est qu’il révèle une augmentation importante de la masse salariale notamment parmi les cadres, une gestion du personnel dramatique (voir dans le portfolio l’audit réalisé début 2022), la dégradation de l’endettement qui passe à près de 50%. Il y a un risque d’être mis sous tutelle de la préfecture, ce serait dramatique pour les habitants qui n’auraient plus leur destin en mains. Nous nous engageons à faire que la ville travaille avec intelligence avec les organisations syndicales en prenant en compte leurs propositions et le bien être au travail.
Qu’est ce qui motive ce rassemblement trans-partisan entre des membres de LFI jusqu’à l’UDI en passant par des élus PC et des citoyens contre ce projet de fusion ? Cette dynamique peut-elle se concrétiser aussi au niveau des maires de Plaine Commune ? Des rencontres ont déjà eu lieu avec différents maires, d’autres sont en préparation, aujourd’hui que disent ceux que vous avez déjà rencontrés ?
F. A. - Nous avons souhaité nous unir dès le début avec les différents groupes d’opposition pour dire Non à cette fusion et Oui à la transparence. Un projet qui n’a été décidé que par deux personnes sans consultation des élus qu’il soient de la majorité municipale ou de l’opposition, mais aussi aucune consultation des habitants. Sans aucune réflexion ni aucun débat au préalable. Rien. Deux personnes décideraient de l’avenir de 150 000 habitants ? Cela intolérable.
C’est dans ce cadre là que nous avons décidé de former un groupe trans-partisan pour discuter avec la population, échanger sur cette situation et pour leur faire part des risques d’une telle fusion. Et on voit bien que cela dérange les deux maires qui ne pensaient pas que l’opposition était en capacité de se battre ensemble contre cette fusion anti-démocratique, qui n’a même pas été inscrite dans le programme des deux maires lors des dernières élections.
Même au niveau de l’Etat, nous le voyons bien, cette fusion peut nous faire perdre des millions d’euros de dotations (DSU) … et bien plus. Elle peut faire perdre aussi des millions d’euros à Plaine Commune, car on le sait très bien l’Etat ne peut pas abonder toutes nos villes. Les maires de Plaine Commune sont très hostiles à ce rapprochement. Et nous allons dans les jours rencontrer tous les maires de Plaine Commune, mais aussi nos deux députés et sénateurs sur ce sujet.
Quelles sont les perspectives maintenant pour le débat public avec les citoyens sur ce projet ? Que comptez-vous organiser avec les élus dionysiens d’opposition ?
F. A. - Notre démarche est d’organiser dans les semaines à venir une grande réunion publique, de continuer à impliquer la population et de prendre ensemble la décision d’organiser une consultation citoyenne. C’est au peuple de choisir son avenir et non pas à deux maires hors sol. Notre pétition atteint aujourd’hui plus de 1500 signatures d’habitants et nous allons continuer en ce sens. La population, les associations, les élus de tout bord sont désabusés d’un tel mépris leur égard.
Un dernier mot concernant ce projet de fusion ?
F. A. - Le droit, l’intérêt général et la démocratie sont nos boussoles. Nous ne souhaitons pas la disparition de notre ville, mais plutôt bâtir ensemble l’avenir pour nos enfants.
Précisions sur le document publié dans le portfolio. Il s’agit de l’ensemble du diagnostic, sur les risques-psycho-sociaux, rendu en février 2022, réalisé lors d’un audit par un cabinet extérieur à la ville de Pierrefitte. Des parties du rapport qui n’apportent rien à la nature du document ont été masqués, le surlignage en jaune de parties du document est de la rédaction.
Sur les enjeux financiers de la fusion, on peut lire ici l’article d’Elisa Fauville.