
Prox’aventure 3- La conception d’une police violente par nature
Prox’aventure initie les enfants à la violence et la manipulation d’armes dans le cadre scolaire, elle est pour cela promue par des élus locaux qui se disent de gauche, ce qui n’est pas sans soulever des contradictions certaines. Mais lorsque cette activité se fait au nom d’une déconstruction des stéréotypes sur la police, s’agit-il encore d’une contradiction ?
Prox’aventure : la citoyenneté à coups de matraque, en 4 volets.
Déjà parus :
1- Raid aventure, la violence en service commandé
2- Les élus locaux à la manoeuvre
La violence policière, une réalité quotidienne
Quels sont les stéréotypes autour de la police dans nos quartiers ? Son utilisation immodérée de la violence, les BAC et les innombrables scandales qu’ils provoquent, la conception de la population comme un « ennemi intérieur » dans une certaine continuité coloniale [1], le racisme de classe, dès qu’il s’agit des classes populaires et quelle que soit leur couleur de peau [2], mais aussi le racisme lié à l’origine ou la couleur de peau [3]. Deux formes de racisme liées, « verbalisées » par des intellectuels médiatiques (souvent les mêmes), et traduites en violence physique par la police, dans l’impunité le plus souvent. Le confinement avait provoqué une répression particulièrement violente dans les banlieues [4].
À Saint-Denis, en 2020, une poubelle en feu sur un piquet de grève lycéen déclenche une chasse aux jeunes dans les rues des quartiers environnants, par des groupes de policiers en uniforme ou en civil. Une école est gazée au passage et les enfants doivent se confiner dans les classes avec leurs maîtres et maîtresses, ce qui n’empêche pas les gaz toxiques de pénétrer dans certains locaux étant donné l’état des menuiseries. Des lycéens mineurs sont mis en garde à vue sans respect de leurs droits, et il faut un rassemblement des parents pour les faire libérer – la plupart sortent victimes de contusions. Aucune poursuite judiciaire contre ces jeunes à l’issue d’une répression aveugle. Silence radio des élus et des médias.
En juin 2021, la police attaque au lacrymogène les participants pacifiques de tous âges aux funérailles d’un jeune mort lors d’une course-poursuite avec... la police. Quand aux jeunes ou moins jeunes tabassés gratuitement, comme Amine le 19 septembre 2020 [5], c’est hélas banal.
Récemment, une syndicaliste est arrêtée par la police municipale pour avoir conseillé sur ses droits un travailleur en train de se faire interpeller sans raison, et elle est conduite pour garde à vue au commissariat ; elle aussi ne sera libérée que suite à un rassemblement devant le commissariat.

Les témoignages de violences en ville et dans le commissariat même (dont sont témoins des avocats) se multiplient. La police municipale, « première priorité » du maire M. Hanotin et au coeur du « dispositif Prox », se singularise par sa méconnaissance des lois, sa violence (suite à une charge, sans sommation, avec un chien à la gare de Saint-Denis, le 6 février 2022, une fillette a deux dents fracturées), son irrespect des habitants (motos électriques sur des espaces piétons où sont présents des enfants), son engagement illégal dans des actions qui relèvent de la police nationale (maintien de l’ordre, contrôles d’identité). Plusieurs plaintes sont en court contre elle. Désormais surarmée (taser, LBD, armes à feu), renforcée d’une brigade canine, le maire en couvre les excès [6]. A la moindre mobilisation, elle transforme la mairie, qui jusqu’alors était toujours restée ouverte aux habitants, en camp retranché. C’est elle qui initie les enfants à ses méthodes lors des « Journées sportives et citoyennes »...
Déconstruire les stéréotypes ?
Face à cette réalité, la volonté affichée par l’association Raid aventure de « déconstruire les stéréotypes » autour de la police pouvait sembler pertinente. On pouvait s’attendre à ce que l’association montre une police différente, ne serait-ce que par démagogie. Dans le meilleur des cas, un questionnement sur le rôle de la police dans notre démocratie, et une critique des comportements « déviants » de certains policiers. A minima, une présentation de gentils policiers se montrant humains, au service des citoyens, avec sécurité routière et aide aux victimes, quitte à faire une partie de foot avec les gamins.
Or, rien de tout ça, ou de manière marginale : le coeur du dispositif s’articule bien autour de cette même violence, non seulement montrée, mais que les élèves ont dû mettre en œuvre.

Dresser les enfants à accepter une police violente
« Déconstruire les stéréotypes » pour « améliorer les relations entre les jeunes et les forces de sécurité » ne signifie donc absolument pas euphémiser le rapport de la police à la violence, mais au contraire le légitimer. C’est le vrai sens du message délivré à nos enfants réputés insoumis. Cette relation à améliorer est pensée comme une relation de soumission et non comme une relation entre deux partenaires égaux. Ce que leur dit Prox’aventure, à travers les jeux de rôles imposés aux enfants, c’est qu’il y a deux côtés à une matraque : le bon, c’est celui qui la tient ; le mauvais, c’est celui qui reçoit les coups. Qu’est-ce qu’un policier et qu’est-ce que le rôle de la police dans le cadre d’une démocratie, cela ne fait pas partie des animations prévues.

En mettant en avant le maniement d’armes et la pratique de la violence, en les décorrélant de la notion de droit, en collant là-dessus l’étiquette de « journée citoyenne », ce qu’on inculque aux enfants c’est la police n’est pas là pour faire appliquer la loi au besoin par la violence, mais qu’elle EST la loi, que la violence lui est consubstantielle et n’a pas à être interrogée. C’est la conception d’un Etat policier. C’est une validation, dans le cadre de l’institution scolaire, d’une police au-dessus des lois. Effectivement, de ce point de vue, Bruno Pomart peut dire que les violences policières n’existent pas puisque toute violence exercée par elle devient de fait légitime. Cette violence n’est pas questionnable dans cette conception du droit : la police ne sert pas le droit, elle l’incarne.
Le stéréotype qu’il s’agirait de déconstruire, selon Prox’aventure, ne serait pas celui d’une police « violente » mais au contraire d’une police « molle » au service des citoyens. C’est ce qui est dit sur RMC [7] en défense de Prox’aventure : la police c’est la répression, ce n’est pas la sécurité routière. Sous cet angle, la contradiction entre les objectifs affichés par l’association et les moyens qu’elle se donne ne serait donc qu’apparente.
Evidemment, nous sommes très très loin d’une école censée former les citoyens et d’une police censée protéger leurs droits.