L’Ours, la banquise ou les patinoires. Il faut choisir.

, par Rosalie Merteuil

Est-ce au moment où l’on sait que l’année 2024 est l’année la plus chaude jamais enregistrée, et qu’elle est la première année au-dessus de 1,5 °C de réchauffement par rapport à la période préindustrielle, qu’il faut récidiver avec des patinoires à glace lors de Bel Hiver qui s’est ouvert le 13 décembre ? Franchement ?

Le maire avait prévenu « Pour Bel Hiver, on vous prépare une belle surprise, mais on ne vous en dit pas plus, c’est une surprise ». Plus grand chose nous surprend tant le maire et ses idées finissent par le rendre prévisible. On ne s’habituera pourtant jamais à ses idées saugrenues, la dernière en date a pris forme place Jean Jaurès.

Bel hiver 2024. Une deuxième patinoire trône donc à quelques mètres d’une horreur, l’aqueduc. Le maire a sans conteste possible mauvais goût. Et de surcroit celui de la récidive. C’est dit-on le propre de ceux qui osent tout. Ils récidivent. On reste chaque fois décontenancé par les formes que prend l’obstination à répéter les mêmes erreurs et l’entêtement, la persévérance à proclamer une chose et afficher son contraire. Bel Hiver 2024 en est l’illustration redoublée, un bel hommage à l’hypocrisie, à la duplicité.

Voilà qu’une parade d’inauguration censée alerter sur le désastre climatique et présentée comme telle déambule de la place des Tilleuls jusqu’à la place Jean- Jaurès où trône la surprise du maire : une deuxième patinoire !

Le magazine municipal l’annonçait dans un article : "Un ours géant sur la banquise dionysienne." Le spectacle sera beau, féérique même. Les spectateurs seront conquis, ils l’ont été mais là n’est pas la question.

Pourquoi donc l’ours polaire ?

« Si on veut parler du réchauffement moyen des températures, qui est plus rapide aux latitudes extrêmes, notamment au Nord, avec des conséquences sur la réduction rapide de la banquise, l’ours polaire est l’animal qui l’illustre le mieux », avançait en mars 2023 Jérôme Frignet, le directeur des programmes de Greenpeace France, interrogé par un grand quotidien.

Va donc pour l’ours pour Bel hiver 2024 qui à l’issue de la parade trouverait refuge sur cette imaginaire banquise dionysienne.

Que reste-t-il du message initialement envisagé ? De l’alerte climatique mis en scène ? Que reste-il de l’urgence climatique dont la municipalité a voulu faire son acte politique inaugural avec l’adoption d’une délibération, la première du mandat ? Rien.

Illustrer la dégradation du climat c’est une chose, la combattre en est visiblement une autre ! Dire une chose et en actes asséner son contraire : rien ne presse, continuons comme avant. Vite une surprise, doublons la mise, deux patinoires, affichage compris dans les stations du métro parisien et spot publicitaire à TF1.

De nombreuses villes ont pourtant renoncé aux patinoires à glace, et cela sur tout l’arc politique. Les raisons ne manquent pas : sobriété énergétique et financière, hausse des coûts de l’énergie, crise climatique, acculturation indispensable aux questions environnementales, à la résilience et à la bifurcation écologique des politiques publiques. A l’appui de tous ces motifs, des collectivités ont proposé de s’adonner au plaisir sur des pistes synthétiques, d’autres en rollers.

Ici rien n’y fait. 2022, 2023, 2024, Mathieu Hanotin et sa majorité persistent et signent en proposant des animations consommatrices d’énergie, et pour certaines coûteuses – 4 euros le tour de balançoire, 3 euros le manège, 2 euros la descente en luge, entre beaucoup de stands proposant des produits fabriqués on ne sait où, est-ce vraiment le “Bel Hiver” d’une ville populaire ?

L’hypocrisie du en même temps.

L’ours et les patinoires. La victime mis en scène et un choix climaticide réunis, c’est Bel hiver 2024.

Les températures largement positives prévues dans les quinze jours vont très fortement solliciter la machinerie énergétique nécessaire (masquée par d’immaculées palissades) à maintenir la glace mais dans le même temps on rechigne – économies obligent – à chauffer correctement tel ou tel bâtiment municipal ou la Bourse du travail !

Nous n’avons rien compris. Les patinoires sont plus que des patinoires. Ne font- elles pas le bonheur des enfants ? Personne ne le conteste. Le bonheur des enfants et la joie des parents confondus.
Ici séduire supplante toute politique (environnementale).

Des patinoires de 2024 à 2026 il n’y a qu’un pas dans l’esprit du Maire. Des patins au bulletin qu’on glisse dans l’urne à la sortie de l’isoloir, ça reste une histoire de glisse.

Rassurons nous, le pire n’est jamais sûr. En attendant, deux choses le sont déjà : quoiqu’il en coûte Bel hiver 2025, le dernier du mandat, sera des plus dispendieux, quant aux ours, quelle importance, ils ne votent pas.