« Macron, sors de ce corps ! ». L’intolérable et l’autorisé au conseil municipal. Scrutin public, scrutin secret…

, par Michel Ribay

« Macron, sors de ce corps ! », c’est l’apostrophe, venant des tribunes du public, lancée en direction de Mathieu Hanotin qui présentait lors du conseil extraordinaire du jeudi 20 avril le vœu déclenchant le processus de fusion entre la ville de Saint-Denis et celle de Pierrefitte-sur-Seine. Usant à nouveau de méthodes et d’un discours épousant l’idéologie et la brutalité du président de la République, Mathieu Hanotin a pour clore le débat manifesté un double refus : mettre aux voix les deux amendements proposés par l’opposition et un vote à bulletin secret. Qui était là, qui a voté quoi et comment ? Premières remarques sur ce conseil extraordinaire.

Les deux amendements, l’un demandant un report de toute démarche de fusion en la soumettant au débat des municipales de 2026, l’autre exigeant à défaut de l’adoption du premier la consultation des citoyens par référendum ont donc été rejetés par le maire et n’ont pas été soumis au vote. Mathieu Hanotin s’offusquait d’être accusé de pratiquer le 49.3 municipal.
Comment qualifier autrement sa décision de ne pas mettre au vote les amendements de l’opposition ? Si ceux-ci avaient peu de chance d’être adoptés, ils auraient au moins permis à chaque élu de se prononcer.

Ne dit-on pas à juste titre que "La forme c’est le fond qui remonte à la surface " ?

Des pouvoirs accordés par les absents

Etaient absents, 2 élus du groupe « Notre Saint-Denis » Mme Voralek donnant pouvoir à Mr Mokrane et Mr Homm à Mme Bontinck. Classique.

Plus étonnant au regard des pratiques habituelles des groupes politiques dans les assemblées, Mme Dudas et Mr Laidli, membres du groupe « EELV et citoyens » avaient donné pouvoir à deux élus du groupe… « Notre Saint-Denis » ! Benjamin Meura pour Mme Dudas et à Mr Duprey, co-président du groupe « Notre Saint-Denis » pour Mr Laidli plutôt qu’à leurs collègues de groupe, pourtant présents, Mr Allam et Mr Chibane, président dudit groupe.

Des pouvoir attribués donc à la maison mère « Notre Saint-Denis » plutôt qu’à la succursale « EELV et citoyens » qu’on a permis de créer. C’est dire l’autonomie de la succursale !

Spencer Laidli, un élu toujours aux abonnés absents

L’élu Spencer Laidli, qui avec le renfort d’une élue membre de « Notre Saint-Denis » Daniela Dudas, [une écologiste historique, proche collaboratrice de René Dumont, inspiratrice d’Alternatiba, membre de la coalition internationale Extinction Rebellion], a permis de constituer le groupe EELV et citoyens, succursale politique de « Notre Saint-Denis », était une fois de plus absent.

En matière d’absentéisme, la jurisprudence est plus que tolérante.
Ainsi si l’article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que :
« Tout membre d’un conseil municipal qui, sans excuse valable, a refusé de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois, est déclaré démissionnaire par le tribunal administratif ». Le juge a considéré que ni le refus d’assister aux réunions du conseil municipal, ni l’absence répétée aux séances du conseil municipal ne pouvaient être regardés comme un refus d’exercer une fonction dévolue par la loi (Conseil d’État, 6 novembre 1985, n° 68842, CE, 30 janvier 1987, n° 79780), malgré la charte de l’élu local qui dispose que « l’élu local participe avec assiduité aux réunions de l’organe délibérant et des instances au sein desquelles il a été désigné » (article L. 1111-1-1 du CGCT).
Avant 1982, l’article L. 121-22 du code des communes prévoyait que « tout membre du conseil municipal qui, sans motifs reconnus légitimes par le conseil, a manqué à trois convocations successives, peut, après avoir été admis à fournir ses explications, être déclaré démissionnaire par le préfet ».

Ces éléments sont extraits d’une question posée par un sénateur publiée dans le JO Sénat du 10/12/2020 -

En réponse le Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en séance publique le 03/02/2021 indique que : « Le conseiller municipal absent, même durablement, garde la faculté de donner un pouvoir écrit de voter en son nom à un autre membre du conseil municipal en application de l’article L. 2121-20 du CGCT, ce pouvoir étant valable pour trois séances consécutives, sauf cas de maladie dûment constatée, et ceci sans limitation pendant la durée du mandat. Il revient néanmoins à chaque séance du conseil municipal de s’assurer, dans le cas où les conseillers municipaux perçoivent une indemnité de fonction, que le versement de celle-ci est suspendu dès lors que l’exigence légale d’exercice effectif des fonctions, posée notamment par l’article L. 2123-24-1 du CGCT n’est pas remplie. L’absence aux réunions de l’assemblée délibérante qui ne constitue pas à elle seule un manquement à cette obligation n’en demeure pas moins un des éléments permettant d’en juger. » Le Gouvernement n’envisage pas de modifier le cadre légal actuel en la matière.
Réponse publiée dans le JO Sénat du 04/02/2021 -

L’intolérable et l’autorisé au conseil municipal

L’élu jouit donc d’une mansuétude de la loi qui n’est d’ailleurs pas la même sur le territoire de la République puisque dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, le droit local, repris aux articles L. 2541-9 et L. 2541-10 du code général des collectivités territoriales, permet de sanctionner tout conseiller municipal qui, sans excuse suffisante, a manqué trois séances consécutives par une exclusion décidée par l’assemblée pour un temps déterminé ou pour toute la durée de son mandat. De plus, une défection, sans excuse, à cinq séances consécutives, entraîne la perte du mandat de conseiller municipal.

Mr Laidli a-t-il au regard de la loi une « excuse valable » ? Le maire a-t-il rappelé à l’ordre Spencer Laidli comme le réglement intérieur du conseil Municipal icipal le prévoit ? Au regard du service rendu – la possibilité de créer la succursale EELV et Citoyens affiliée à la maison mère « Notre Saint-Denis » –, tout en donnant pouvoir à la maison mère, on s’autorisera à se poser toutes ces questions.

Percevoir une indemnité de fonction tout en étant absent aux réunions de l’assemblée ne semble donc pas poser question. Ni à l’intéressé… ni semble-t-il au maire plus enclin à l’intransigeance pour faire respecter la police de l’assemblée que la présence des élus.

L’apostrophe « Macron sors de ce corps » est intolérable pour le maire. L’absentéisme d’un élu, indemnisé sur deniers publics, ne prêterait en revanche pas à conséquences ? Un démenti rapide s’impose.

Le vote à bulletin secret réclamé, écarté par le maire sans vote de l’assemblée

Drôle d’idée diraient certains, pourquoi donc un vote à bulletin – au scrutin – secret ? Que prévoit la loi, le Code Général des Collectivités Territoriales ?

En général, les conseils municipaux procèdent à un vote à main levée. Cela signifie que lèvent la main les seuls conseillers qui sont pour l’adoption du projet qui leur est soumis.
Lorsqu’il est procédé de la sorte, aucun texte n’exige qu’il soit fait mention au procès-verbal du nom des votants et de leur décision de vote.

Le vote a eu lieu à main levé à Saint-Denis.

L’article L. 2121-21 du Code général des collectivités territoriales prévoit en outre deux types de scrutins particuliers.

Le vote au scrutin public
Le vote au scrutin public a lieu à la demande du quart des membres présents. Dans ce mode de scrutin, soit chaque conseiller fait connaître à l’appel de son nom le sens de son vote, soit chaque conseiller l’exprime sur un bulletin portant son nom. Le registre des délibérations doit comporter le nom des votants et l’indication du sens de leur vote.

C’est ainsi que le vote s’est effectué sur le vœu au conseil municipal extraordinaire de Pierrefitte après un vote sur les deux amendements qui ont été rejetés.

Le vote au scrutin secret
Il est voté au scrutin secret : soit lorsqu’un tiers des membres présents le réclame, soit lorsqu’il y a lieu de procéder à une nomination.
En conséquence, le maire ne peut décider seul de faire voter le conseil municipal au scrutin secret sans consulter au préalable l’assemblée sur l’opportunité de ce mode de scrutin et alors même que le tiers des membres présents ne l’a pas réclamé.

Ainsi il n’y avait un tiers des membres présents qui le réclamait, –17 élus –. Le vote à scrutin secret ne pouvait donc intervenir au regard du Code général des collectivités territoriales.

Pouvoir discrétionnaire

Mais au regard de l’asymétrie des conditions dans les assemblées, un seul élu la réclamant, elle devrait être accordée. N’a t-on pas vu ici ou là, quelque fois un opposant, seul, isolé, hausser la voix, dire non avant d’être rejoint ?

En vertu du pouvoir discrétionnaire du maire de nommer des adjoints, des conseillers municipaux délégués, d’attribuer ou de retirer des délégations et les indemnités afférentes on peut considérer à raison que seul un vote à scrutin secret offre toute l’indépendance et la sérénité requise pour pouvoir exercer librement, en son âme et conscience, son choix.

Le législateur l’a prévu pour le citoyen avec l’isoloir et l’urne. Pourquoi en est-il autrement pour les élus ?

Certes il serait hautement préférable bien entendu que les élus assument publiquement leur vote, leur choix, de là à penser que parce qu’élus ils ne subiraient aucune pression…

Pour illustrer le propos, reprenons un passage du Discours de la servitude volontaire d’Etienne de la Boétie.

« N’est-ce pas un extrême malheur que d’être assujetti à un maître de la bonté duquel on ne peut jamais être assuré et qui a toujours le pouvoir d’être méchant quand il le voudra ? »

C’est bref et ça dit tout. De l’asymétrie des conditions et de la liberté de chacun dans cette majorité. Un élu dionysien, Bertrand Revol, l’avait mis en exergue sur sa Chronique des faits et des raisons – sur Facebook – l’ayant conduit à démissionner en mars dernier.

A se livrer à cette servitude volontaire, à redouter les conséquences d’un pouvoir discrétionnaire, c’est la démocratie qui insultée, s’effrite, s’érode et meurt aussi à petit feu.